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Cuba

Bataille rangée contre Ivan le Terrible

Pendant les trois jours précédant l’arrivée d’Ivan, la télévision d’Etat a travaillé de façon continue avec des émissions en direct, destinées à informer les spectateurs de l’évolution de la situation. Fidel Castro a exhorté ses compatriotes à suivre avec «<I>discipline</I>» les consignes de la Défense civile «<I>afin de sauver les vies humaines</I>». 

		(Photo: AFP)
Pendant les trois jours précédant l’arrivée d’Ivan, la télévision d’Etat a travaillé de façon continue avec des émissions en direct, destinées à informer les spectateurs de l’évolution de la situation. Fidel Castro a exhorté ses compatriotes à suivre avec «discipline» les consignes de la Défense civile «afin de sauver les vies humaines».
(Photo: AFP)
Tout Cuba s’est mobilisé pour affronter le passage de l’ouragan le plus puissant des cinquante dernières années dans les Caraïbes. Evacuations, réquisitions des moyens de transports, mobilisation des fonctionnaires : l'état-major de la Défense Civile a mené cette affaire comme une véritable bataille. Et peu importe que l’œil d’Ivan ait finalement contourné l’île : pour les Cubains, ce sont eux qui ont gagné. L’absence de victimes leur donne raison.

De notre correspondant à La Havane

«Aucun cyclone ne détruira l’œuvre de la révolution !» C’est ce qu’a déclaré Fidel Castro dès le 7 septembre, alors que l’ouragan Ivan n’était encore qu’un lointain danger potentiel, du côté des petites Antilles. Le ton était donné : il s’agissait donc d’une affaire personnelle, entre le cyclone et la révolution, et que le meilleur gagne. Dans ce duel démesuré, Cuba s’est préparé comme pour une bataille rangée, avec une mobilisation des forces quasiment militaire. De fait, l’organisme chargé de coordonner les opérations en cas de catastrophe naturelle s’appelle, justement, l’état-major de la défense civile : la mobilisation pouvait commencer, entièrement relayée par la télévision d’État.

Le 9 septembre, participant en direct à une émission télévisée, le chef de l’Etat a exhorté ses compatriotes à suivre avec «discipline» les consignes de la Défense civile «afin de sauver les vies humaines». Et pour que les choses soient claires, il a comparé l’ouragan Ivan à une bombe atomique, au large rayon de destruction matérielle. D’où la nécessité des évacuations (par ailleurs obligatoires sous peine de sanctions), afin de mettre à l’abri les Cubains menacés par les trois fléaux qui accompagnent un ouragan. D’une part, les raz de marée : tous les habitants vivant à moins de 10 km des côtes de l’île ont été ramenés vers l’intérieur des terres; d’autre part les vents : les habitants des immeubles de plusieurs étages ont été sommés de descendre se loger dans les étages inférieurs, chez leurs voisins. Enfin contre les pluies et les écroulements qu’elles peuvent entrainer : à La Havane même par exemple, près de 50 000 personnes ont été évacuées du quartier de Centro Habana, leurs logements étant menacés d’écroulement en cas de pluies torrentielles. Entamées le 10 septembre, ces évacuations massives, presque exhaustives, ont concerné en tout plus d’un million et demi de personnes, sur une population de 11 millions d’habitants.

Sachant que l’un des problèmes chroniques de l’ile est la pénurie de transports en commun, le déplacement organisé d’une telle foule, en moins de trois jours, témoigne de l’intention de n’oublier personne. Et pour la première fois, dans la province de La Havane, certains des fameux tunnels militaires qui parcourent toute l’île, creusés dans le but de résister à une éventuelle invasion américaine, ont accueilli des personnes évacuées.

Chacun à son poste de combat

Pendant les trois jours précédant l’arrivée d’Ivan, la télévision d’État a travaillé de façon continue avec des émissions en direct, destinées à informer les spectateurs de l’évolution de la situation heure par heure : le nombre des évacuations, le sort du bétail mis à l’abri, l’allure du cyclone, les préparatifs de calfeutrage des habitants, les récoltes avancées par précaution… une mobilisation des trois chaines nationales à laquelle il était difficile d’échapper.

C’est là à nouveau que l’on a entendu cette consigne adressée dimanche à tous : «que tout le monde soit à son poste de combat» pour affronter Ivan. Les conseils habituels étaient répétés : renforcer les ouvertures de son logement, en clouant planches et cartons; élaguer les arbres branlants, faire des réserves d’eau potable et d’aliments secs. L’omniprésence de l’ouragan dans les médias le rendait palpable dans l’air et dans les conversations, dans un compte à rebours d’autant plus long que l’ouragan lui-même ralentissait sa course.

Puis finalement il est arrivé, dans la journée du 13 septembre, un mois jour pour jour après le précédent, Charley. L’assaut donné, la bataille pouvait commencer. Et dans la matinée, le commandant en chef Fidel Castro s’est rendu au cœur de la région de Pinar del Rio balayée par les vents violents, pour monter en quelque sorte en première ligne de ce combat contre la nature hostile. Puis Ivan a incliné sa trajectoire, son œil est passé au large des côtes cubaines, et seule son aile droite a ravagé la région occidentale de Cuba.

Deux jours après le passage du cyclone, malgré les inondations et les vents violents, aucune disparition n’était à déplorer à Cuba, contrairement aux 63 victimes d’Ivan lors de son passage dans le reste des Caraïbes. Ce bilan très positif fait de la préparation de ce cyclone une petite victoire. Une victoire dont avaient besoin les autorités pour faire oublier une «défaite» proche : celle menée contre l’autre cyclone de ce mois-ci, Charley, qui a traversé l’île le 13 août dernier.

Malgré la faible ampleur de Charley, ouragan de catégorie 2, les dégâts causés et surtout la lenteur de la récupération avaient créé de nombreux mécontentements dans la population.

Plus de deux semaines après le passage de Charley, le million d’habitants de la province de Pinar del Rio (celle qui vient de recevoir Ivan de plein fouet), était encore sans électricité et sans eau courante, tandis que dans la capitale, des journalistes indépendants avaient rapporté des cas d’assauts populaires contre des citernes d’eau potable, trop peu nombreuses pour alimenter les besoins des citadins eux aussi privés d’eau dans la Vieille Havane.

Ce sont sûrement ces mécontentements diffus, et l’expérience amère tirée du passage de Charley, qui ont permis ce bilan positif lors du passage d’Ivan, les autorités mobilisant tous les moyens pour qu’ils ne se reproduisent pas. Et peut-être aussi que le changement de trajectoire d’Ivan y est quand même pour quelque chose.



par Sara  Roumette

Article publié le 15/09/2004 Dernière mise à jour le 15/09/2004 à 09:46 TU

Audio

Christian Sotty

Chroniqueur scientifique à RFI

[13/09/2004]

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