Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Société

«Ni putes, ni soumises», les filles de banlieue s’imposent

«marche des femmes contre la violence des quartiers ghettos», le 7 mars 2003, à l'appel du mouvement Ni putes, ni soumises. 

		(Photo: AFP)
«marche des femmes contre la violence des quartiers ghettos», le 7 mars 2003, à l'appel du mouvement Ni putes, ni soumises.
(Photo: AFP)
Né il y a dix huit mois seulement le mouvement «Ni putes, ni soumises» est devenu un acteur incontournable de la lutte des femmes contre leur condition dans les banlieues défavorisées. Signe de cette reconnaissance officielle, à l’université d’automne de l’association, les membres du gouvernement se pressent.

Pour la deuxième année consécutive, l’association de défense de la «mixité sociale» et du respect des femmes vivant dans les banlieues, «Ni putes, ni soumises», se réunit en université d’automne.  Créé en avril 2003, le mouvement des femmes contre la double oppression, raciste et sexuelle, s’ouvre cette année à l’international en invitant à témoigner des femmes d’Afrique du nord, d’Arabie saoudite et d’autres pays européens.

Il a fallu bien peu de temps à l’association pour se faire connaître des médias et occuper la première place dans la dénonciation des quartiers ghettos et des conditions de vie des filles et des femmes victimes de la «loi de la cité». Et, depuis les années 80, leur aggravation liée à l’arrivée de l’islam intégriste dans les banlieues en difficultés sociales.

A l’origine du mouvement,  deux événements ont frappé les esprits.  Fin 2002, la mort de la jeune Sohane, «beurette» brûlée vive dans une cité de Vitry en banlieue parisienne a agi comme un révélateur des violences exercées contre les filles, notamment par les garçons de leur âge, dans les quartiers défavorisés des grandes villes, sous le prétexte de respect de l’honneur familial, de la religion ou de la coutume. Quelques jours plus tard paraissait chez Denoël le livre de Samara Bellil Dans l’enfer des tournantes, relatant le calvaire de cette jeune fille de 14 ans, victime de viols répétés par les jeunes de sa cité, et qui a dû assumer seule le rejet de ses voisins et de ses proches pour avoir porté plainte. Dans les quartiers ghetto la loi du silence prévaut. Samira n’était parvenue à raconter son histoire que dix ans après les faits, devenant du même coup le symbole et le porte-parole de ces jeunes filles victimes. Proche des militantes de «Ni putes, ni soumises», Samira est morte il y a quelques semaines d’un cancer à l’âge de 31 ans et la rencontre de ce week-end lui est dédiée en hommage.

Briser le silence

Mouvement de révolte contre la mort de Sohane une «Marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité», début 2003, donne naissance à l’association présidée par Fadela Amara, venue du mouvement SOS-Racisme, avec comme devise : «pour une mixité fondée sur le respect»,. Dans son appel à la mobilisation l’association affirme que la condition des femmes dans les banlieues s’est dégradée. Ces femmes issues de l’immigration ou non, croyantes ou non rejettent les «justifications de leur oppression au nom du droit à la différence et du respect de ceux qui leur imposent de baisser la tête». Les militantes, et de plus en plus les militants qui les rejoignent, brisent le silence sur les violences et les discriminations dont elles souffrent au nom d’une tradition qui leur nie les droits les plus élémentaires et entre en contradiction frontale avec les lois de la République.

Au travers de ses comités locaux «Ni putes, ni soumises» exerce une action de prévention et une fonction d’aide et de secours aux jeunes filles et jeunes femmes en difficultés. Un guide d’éducation au respect, distribué dès ce mois d’octobre dans les quartiers et, avec le concours du ministère de l’Education dans les lycées et les collèges, à pour but de lancer le débat sur une mixité basée sur l’égalité hommes-femmes. Un accompagnement juridique et psychologique a été créé pour venir en aide aux jeunes filles confrontées aux violences, au mariage forcé. La mise à disposition de logements, une cinquantaine actuellement, doit leur permettre, en cas d’urgence, de quitter l’environnement de la cité et d’accéder à l’autonomie, avec l’assistance de l’association.

Grâce aux propositions faites par le mouvement au gouvernement un dispositif d’accueil spécifique des femmes victimes de violences se met en place progressivement dans les commissariats, afin de les libérer de la peur des représailles lorsqu’elles veulent porter plainte. Signe que, pour le gouvernement, l’association est désormais un interlocuteur valable, c’est le ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin qui a ouvert ces assises tandis que plusieurs ministres, dont  Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, et Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'Intégration et à l'Egalité des chances y étaient annoncés.



par Francine  Quentin

Article publié le 08/10/2004 Dernière mise à jour le 08/10/2004 à 15:28 TU