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Biélorussie

Un scrutin non démocratique selon l’OSCE

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko. 

		(Photo : AFP)
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko.
(Photo : AFP)
Le président Loukachenko a largement remporté le référendum constitutionnel mais la régularité du scrutin est contestée.
De notre envoyé spécial à Minsk

C’est un verdict sans appel d’une extrême sévérité alors qu’habituellement, l’OSCE tente  autant que faire se peut de mettre l’accent sur les progrès enregistrés dans les ex républiques soviétiques, estimant que la démocratie est un processus long et difficile. Mais les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe n’ont pu que constater, comme le titre son rapport préliminaire, que la Biélorussie avait échoué à se conformer aux règles d’une élection démocratique: les autorités n’ont pas mis en place les conditions minimum qui auraient permis aux électeurs de s’exprimer librement.

Qu’il s’agisse de la liberté d’expression ou d’association qui ont été sérieusement mises en cause, estiment l’OSCE. Tout d’abord en amont, de nombreux candidats n’ont pas pu prendre part au vote car leur candidature a été rejeté par la commission centrale électorale sans raison valable, d’autres ont été finalement retirés des listes tant et si bien que dans dix circonscriptions, les électeurs ne disposaient d’aucun choix puisqu’il n’y avait que le candidat du pouvoir. Il y a évidemment la manière dont les télévisions ont rendu compte de la campagne et du vote: le pouvoir et les partis pro-gouvernementaux ont été privilégiés et l’opposition caricaturée. Et puis il y a enfin ce dont nous avons déjà largement parlé à savoir le vote anticipé qui a commencé mardi: ce qui veut dire que l’on pouvait voter les cinq jours précédant le scrutin; cinq jours et donc cinq nuits durant lesquelles toutes les manipulations avec les urnes étaient possibles. Enfin, les opérations de dépouillement ont été également entachées d’irrégularités: bref, au total, si l’on se réfère aux conclusion de l’OSCE,  tout permet de mettre en cause les résultats aussi bien du référendum constitutionnel que des élections législatives.

Une opposition démunie qui mobilise peu

Il y a deux manières d’interpréter ces chiffres: deux à trois mille personnes, c’est peu, alors que l’opposition, toutes obédiences confondues avait appelé à cette manifestation hier en fin d’après-midi. Mais il faut rappeler que les rassemblements dans le centre de Minsk sont interdits par le régime et que les manifestants voulaient braver cette interdiction et se rassembler précisément devant les lieux symboliques du pouvoir dans le centre de Minsk. Or dans le passé, ces manifestations interdites se sont soldées par des interventions musclées de la part des forces de l’ordre et des arrestations: il y a d’ailleurs eu des interpellations hier, les Omon –qui sont les CRS locaux– ayant empêché les manifestants de défiler dans les rues de Minsk comme ils tentaient de la faire.

Il y a donc un réflexe de peur qui est très perceptible d’ailleurs car les gens hésitent parfois à parler librement. Une peur qui n’épargne pas apparemment les leaders de l’opposition puisqu’il étaient curieusement absents lors de ce rassemblement auquel avaient pris part essentiellement des jeunes bien qu’on ait pu y croisé aussi quelques retraités. Et cette absence des leaders de l’opposition a été critiqué par certains participants qui nous ont dit: «Ils ont peur comme ils ont toujours eu peur». Il est vrai que dans le passé des opposants ont été enlevés et ont disparu sans qu’on ait jamais de leurs nouvelles. Ce sont d’ailleurs ces disparitions qui ont poussé l’Union européenne et les États-Unis à  refuser l’entrée sur leur territoire de certains responsables gouvernementaux jugés complices de ces disparitions.

Un pays de plus en plus isolé

 Oui, il suffit de lire les communiqués des chancelleries occidentales pour prendre la mesure de cet isolement: le département d’État américain, l’Union européenne par la voix du haut représentant pour la politique étrangère, la Pologne, le grand voisin frontalier de l’ouest, les condamnations  sont unanimes. Dimanche soir, après la clôture du  vote, les ambassadeurs français, britannique, américain, lituanien ainsi qu’un diplomate  allemand s’étaient rendus dans une démarche concertée au siège de l’opposition qui donnait une conférence de presse: une démarche très symbolique raillée par Alexandre Loukachenko qui s’est habitué à vivre sous le feu des critiques.

Sa seule porte de sortie reste la Russie qui s’est en revanche félicitée de la bonne tenue des scrutins en Biélorussie que Moscou juge transparents. Il n’est pas certain que les Russes soient tout à fait sincères mais, par ce communiqué, ils pointent précisément l’isolement du régime d’Alexandre Loukachenko qui n’est pas un partenaire facile pour la Russie. Mais, à tout le moins, sa pérennité à la tête de la Biélorussie est un gage pour Moscou qui est sûr de conserver ce pays dans son giron, un pays qui plus est très dépendant économiquement de la Russie. Un autre pouvoir aurait tendance à regarder vers l’ouest, voire à se porter candidat pour entrer dans l’Union européenne. On a d’ailleurs vu des manifestants hier après-midi déployer le drapeau étoilé de l’Union: l’Union européenne, qui pour le moment n’a d’autre  stratégie que d’interdire l’entrée sur son territoire d’un certain nombres de leaders biélorusses: l’avènement à Minsk d’un pouvoir démocratique candidat  à l’intégration européenne embarrasserait les Vingt-Cinq car la Biélorussie est au cœur de l’Europe.



par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 19/10/2004 Dernière mise à jour le 19/10/2004 à 08:15 TU

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Vladimir Koloss

Membre du Front Populaire (le principal parti d'opposition en Biélorussie)

«Alexandre Loukachenko emploie les vieilles méthodes communistes soviétiques.»

[19/10/2004]

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