Proche-Orient
Yasser Arafat transféré à Paris
(Photo : AFP)
La présidence française a annoncé jeudi en début de soirée que le président Yasser Arafat allait être transféré «de façon imminente» à Paris pour y être hospitalisé en réponse à une demande de l’Autorité palestinienne. Le porte-parole de l’Elysée, Jérôme Bonnafont, a également précisé que le gouvernement français allait dépêcher un avion dans la région pour le transporter. La télévision palestinienne avait diffusé quelques minutes auparavant les premières images du vieux raïs qui est apparu très amaigri mais souriant, le visage encadré d'une barbe blanche fournie et coiffé d'un bonnet en laine bleu. Yasser Arafat était entouré de ses médecins jordaniens et tunisiens ainsi que de ses gardes du corps.
A en croire l’un de ses médecins traitants, le dirigeant palestinien souffrirait d'un dysfonctionnement sanguin et des analyses supplémentaires sont encore nécessaires pour en établir la cause. «Des cellules sanguines qui normalement détruisent les microbes sont en train de détruire les plaquettes de sang», a notamment expliqué ce praticien qui a requis l'anonymat. Et ce dysfonctionnement pourrait être dû, selon lui, à «une infection d'origine virale, à un cancer ou à un empoisonnement sanguin». Ce médecin a également affirmé que les analyses supplémentaires pour déterminer les causes de la maladie dont souffrent le vieux raïs ne pouvaient être effectuées ni dans le quartier général de la Mouqataa ni dans les Territoires palestiniens. Alarmiste, il a souligné que «les médecins qui l’ont jusqu’à présent examiné pensent tous que Yasser Arafat doit être transféré à l'étranger pour subir des examens supplémentaires et recevoir les soins nécessaires». «Il peut mourir si la situation actuelle perdure», a insisté ce spécialiste qui a également précisé que le dirigeant palestinien n'avait à «aucun moment perdu connaissance» et qu'il était parfaitement conscient de ce qui se passait autour de lui.
Selon certains de ses proches, Yasser Arafat aurait perdu connaissance à plusieurs reprises et ne serait désormais plus capable de reconnaître son entourage. D’autres au contraire ont affirmé qu’il était pleinement en possession de ses esprits mais qu’il était très affaibli. «Son état est stable et il a besoin de repos», a ainsi déclaré en début d’après-midi son plus proche conseiller Nabil Abou Roudeina. Mais signe que l’état de santé du président de l’Autorité palestinienne est très préoccupant, sa femme, Souha qui vit à Paris depuis le début de l’Intifada en septembre 2000, est arrivée en fin d’après-midi à Ramallah. Selon un responsable de la Mouqataa, Yasser Arafat aurait réclamé à plusieurs reprises la présence de son épouse.
Israël préoccupé
L’évolution de l’état de santé de Yasser Arafat est suivie avec beaucoup d’attention par les autorités israéliennes qui craignent des réactions violentes de la rue palestinienne si le vieux raïs venait à mourir. Soucieux de ne pas se voir reprocher le décès de son plus vieil ennemi, l’Etat hébreu a ainsi fait savoir à plusieurs reprises dans la journée qu’il n’empêcherait pas le dirigeant palestinien de se faire soigner où il veut, même à l’étranger. Le porte-parole d’Ariel Sharon, Raanan Gissin, est personnellement intervenu pour affirmer qu'Israël permettrait à Arafat d'aller se faire soigner là où il le souhaiterait et que, si ses médecins jugent utile son retour en Cisjordanie après traitement, il ne s'y opposerait pas. Israël avait dans un premier temps autorisé l'hospitalisation éventuelle du dirigeant palestinien, entretenant le doute sur son retour ultérieur à la Mouqataa. Mais le Premier ministre israélien avait infléchi sa position après s'être entretenu mercredi soir par téléphone –fait rare qui donne une indication sur le sérieux de la situation– avec son homologue palestinien, Ahmed Qoreï. Ce dernier aurait réussi à le convaincre de permettre à Yasser Arafat de bénéficier de tous les soins nécessaires, à l'étranger si besoin était.
Autre signe que l’affaire est prise très au sérieux côté israélien, le chef du gouvernement a procédé jeudi à des consultations sécuritaires. Selon un communiqué de la présidence du conseil à Jérusalem, «Ariel Sharon a été informé en détails de la situation et a ordonné au ministre de la Défense Shaoul Mofaz de présenter au plus vite un rapport sécuritaire complet». Le texte précise également que le Premier ministre a indiqué qu’«un débat spécial se tiendra lors de la prochaine réunion du cabinet israélien sur les développements au sein de l'Autorité palestinienne, au vu des rapports établis par les chefs des services israéliens de sécurité».
par Mounia Daoudi
Article publié le 28/10/2004 Dernière mise à jour le 28/10/2004 à 17:34 TU