Expo photo
Sebastião Salgado au pays du café
(Photo : Sebastião Salgado pour illy)
(Photo : Sebastião Salgado pour illy)
Dans un récit photographique lyrique en noir et blanc, qui rappelle les gravures romantiques du XIXème siècle, Sebastião Segaldo raconte avec poésie les gestes rituels et experts des hommes et des femmes qui cultivent, cueillent, sèchent, et sélectionnent grain après grain les fèves avant d’en remplir de gros sacs en toile de jute pour l’exportation. Si le caféier est aussi appelé «l’arbre à dollars», on oublie que le petit noir au fond de nos tasses à café est une potion amère pour ceux qui l’arrachent à la terre. Sebastião Salgado a donc choisi de rendre toute leur dignité à ces travailleurs de la terre, soulignant l’harmonie qui lie les hommes et la nature, donnant à voir des paysages, mais aussi le temps, la vie, et le travail rythmés par les cycles de la terre et des éléments.
L’exposition n’est pas didactique, c’est un récit fait d’hommes et de femmes. Ils sont en file indienne sur un chemin de terre qui grimpe, dans la nature luxuriante et nourricière, la petite gourde à la taille évoquant la chaleur de manière métonymique. Dans une clairière plombée par un soleil cru, se dessinent quatre silhouettes ponctuées de gros sacs de jute sur la tête comme des i. Une femme se confond avec les feuilles dans la forêt, le geste dans le prolongement des branches, comme si elle était une femme végétale. Ici, les rais de soleil filtrent à travers les feuillages denses, nous sommes à l’ombre des arbres de haute futaie où poussent les caféiers; là, sous un ciel nuageux et dans une lumière vespérale, un sac voltige entre deux paires de bras tendus comme le trait d’union d’un travail d’équipe qui ne compte pas ses heures.
(Photo : Sebastião Salgado pour illy)
Une exposition centrée sur le versant ‘humain’ des exploitations
Peu de portrait dans l’exposition, qui montre surtout une fourmilière appliquée; toutefois, deux gros plans sont saisissants, l’un d’un homme buriné qui croise le regard du visiteur sans que ce dernier puisse s’y soustraire, et sur lequel se lit la fatigue, et l’autre, d’un homme qui, les mains jointes, offre en premier plan des grains de café tandis qu’à l’arrière plan on voit un tombeau: il s’agit de la tombe d’un chef musulman, Bababudan (étymologiquement : le sage, l’ancien, le chef), vénéré pour avoir importé en Inde le café, une manne pour le pays. Ces photos sont chargées d’émotion, car déclare Sebastião Sagaldo «Je n’ai jamais cru, pendant que je photographiais, qu’il fallait se tenir à distance du sujet. Il faut plutôt maintenir intactes ses propres émotions, et ne jamais s’éloigner de ses propres sentiments. (…) Il faut trouver le juste équilibre entre la tête, la raison, l’instant et le cœur. Une photo est un fait subjectif. On photographie avec l’idéologie, avec ce que l’on sent, ce que l’on aime et ce que l’on pense».
(Photo : Sebastião Salgado pour illy)
Après une première exposition consacrée aux plantations brésiliennes, présentée à Rome (Italie), et à Sao Paulo et Belo Horizonte (Brésil), au cours de l’année 2003-2004, l’Inde est à l’honneur à Paris jusqu’au 14 novembre, à la chapelle de l’Humanité. L’exposition se poursuivra en 2005 en Inde du sud, dans l’Etat de Karnataka sur les lieux mêmes de la plantation où les photos ont été composées.
par Dominique Raizon
Article publié le 09/11/2004 Dernière mise à jour le 09/11/2004 à 15:11 TU