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Conférence internationale sur la région des Grands Lacs

La société civile dans le processus de paix

On entend souvent dire que la société civile n’aurait pas voix au chapitre dans la crise régionale, que l’on considère la République Démocratique du Congo, le Burundi ou le Rwanda. C’est oublier un peu vite que, quand les démarches politiques marquent le pas, elle reste une force de proposition et d’innovation sans laquelle certaines avancées capitales n’auraient pas eu lieu.

Certes, le faisceau d’associations, d’organisations ou d’institutions qui émanent des forces vives de ces sociétés souffre de handicaps et de maux qui limitent leurs actions. Il n’est que d’évoquer, par exemple, leur fragilité financière, leur dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds extérieurs, des cadres de concertation pas toujours opérationnels ou une base le plus souvent assez faible…

Il n’en reste pas moins que l’action d’organisations confessionnelles et professionnelles, d’associations de défense des droits de l’homme ou d’ONG de développement en faveur de la paix dans la région est aujourd’hui reconnue à sa juste valeur.

En République Démocratique du Congo, par exemple, le rôle joué par la société civile, depuis le milieu des années 1990 jusqu’au dialogue inter-congolais et les Accords de Sun City, a fait l’objet d’une reconnaissance formelle et institutionnelle.

En effet, conformément à l’Accord global et inclusif sur la transition en République démocratique du Congo, signé à Pretoria le 17 décembre 2002, la composante Forces vives s’est vue attribuer la présidence des cinq institutions d’appui à la démocratie : la Commission électorale indépendante, la Haute autorité des médias, la Commission vérité et réconciliation, l’Observatoire national des droits de l’homme et la Commission de l’éthique et de la lutte contre la corruption.

Une centaine d’organisations

Ce à quoi il faudrait également ajouter l’attribution de postes de ministres (deux), de vice-ministres (trois) ainsi que de représentants à l’Assemblée nationale (quatre-vingt quatorze) et au Sénat (vingt-deux)… Une façon de récompenser les efforts de cette société civile pour son refus de la guerre et pour son rôle dans la promotion du dialogue. De fait, de la mise en place par le collectif des associations d’une Campagne nationale pour la paix durable et l’élaboration d’un Agenda pour la paix en RDC (1998), en passant par la Marche pour la paix du 2 août 1999 ou l’organisation de l’Atelier de la société civile et des Eglises sur le Dialogue inter congolais (2000), la société civile congolaise apparaît bel et bien comme un acteur important de la paix en construction, voire le trait d’union entre les belligérants.

Au Burundi, dès le déclenchement de la guerre civile fratricide en octobre 1993, les associations de défense des droits de l’homme, les organisations de femmes ainsi que les Eglises se sont engagées sur le terrain en faveur des sinistrés et ont mené un travail de sensibilisation en faveur de la tolérance et de la coexistence pacifique entre communautés. Bien que la société civile burundaise n’ait pas été associée d’entrée aux négociations d’Arusha, celle-ci, à force de volontarisme et de combat, a finalement obtenu un statut d’observateur qui lui a permis de formuler des propositions et des recommandations qui ont, pour certaines d’entre-elles, été reprises dans l’accord de paix d’Arusha signé le 28 août 2000.

Des actions couronnées de succès

A force de mobilisation, les associations de femmes ont ainsi obtenu que la participation féminine dans les institutions de transition représente 30 % des postes… L’émergence du Réseau indépendant d’analyse et de suivi de l’accord de paix inter Burundais (RISAP) et du Réseau de concertation et d’appui à l’action de la société civile (RESACO) consacrent, à force d’explication et de sensibilisation auprès des populations, le travail d’une centaine d’organisations particulièrement actives de la société civile en faveur de la réconciliation nationale et du retour à la paix dans le pays – sans oublier leur corollaire : la lutte contre la pauvreté et la relance de l’économie.

Au Rwanda également, la société civile n’a pas été en reste. Qu’il s’agisse de décentralisation, de lutte contre la pauvreté, de processus démocratique ou de paix et de réconciliation post-génocide, les associations, réunies sous une même bannière, ont bien souvent été initiatrices d’actions couronnées de succès. On citera par exemple le Programme d’observatoire des élections au Rwanda (POER), l’Observatoire sur les juridictions populaires participatives (GACACA) ou encore le Conseil de concertation des organisations et d’appui aux initiatives de base (CCOAIB).

Malgré des résultats plus qu’encourageants, l’action de la société civile est confrontée à une difficulté de taille. D’une manière générale, les pouvoirs et autorités politiques ont en effet une perception souvent erronée de cette dernière – qu’ils considèrent comme une rivale, voire comme une « opposition » – et de ses objectifs. Aussi cherchent-ils régulièrement à la contrôler, à l’affaiblir ou à la récupérer à leur profit… au risque d’entraver une action qui pallie les carences des Etats de la région, éducation et santé en tête.



par Vilhem  OSCAR

Article publié le 10/11/2004 Dernière mise à jour le 12/11/2004 à 15:33 TU