Cuba
La Chine comme partenaire, pas comme modèle
(Photo : AFP)
De notre correspondante à La Havane.
C’est Raul Castro, le frère cadet du Commandante, qui est venu accueillir le président chinois Hu Jintao à sa descente d’avion lundi après-midi. Entouré entre autres de représentants du quartier chinois de La Havane, qui fut en son temps le plus grand d’Amérique Latine, le numéro deux du gouvernement a ensuite rejoint en sa compagnie le Palais de la révolution, où les attendait Fidel Castro.
Venu sur l’invitation de son homologue cubain, le président chinois est arrivé accompagné d’une importante délégation de chefs d’entreprise chinois. Quelques heures après son atterrissage, une quinzaine d’accords avaient été signés entre les deux pays. Une moisson qu’avait anticipée Fidel Castro : lors d’une intervention de quatre heures à la télévision nationale, la semaine dernière, le chef de l’Etat cubain avait en effet dévoilé des projets d’investissements chinois, notamment dans le secteur du nickel, visant à terme à doubler la production nationale de nickel.
Le nickel est devenu la principale exportation de Cuba, dépassant même le sucre, qui régissait l’économie cubaine depuis des décennies. Les contrats signés lundi entre la Chine et Cuba concernent la création de plusieurs entreprises mixtes d’extraction du minerai, dans l’est de l’île. La Chine est particulièrement intéressée par ce marché, nécessaire à sa propre production d’acier inoxydable.
Les autres accords portent sur les télécommunications, la santé, ou encore la livraison à l’île castriste d’un million de postes de télévision chinois, destinés à accompagner la grande réforme scolaire de Cuba, en équipant toutes les écoles du pays. Un report de dix ans pour le remboursement de crédits contractés auprès de la Chine a également été conclu lundi. Parallèlement à la rencontre entre les deux chefs d’Etat et à leurs accords de coopération économique, se tient dans la capitale cubaine le premier forum commercial sino-cubain. Quatre cents chefs d’entreprise des deux pays doivent y discuter des possibilités de développement commerciaux bilatéraux. Autant de signes qui témoignent de la bonne entente actuelle entre les deux pays.
Deux voies divergentes pour la construction d’un socialisme
Pourtant le rapprochement des deux Etats communistes est récent. Alors que Cuba avait été le premier pays d’Amérique latine à reconnaître le gouvernement de Pékin, en 1960, les relations s’étaient ensuite dégradées lors du schisme entre l’Union soviétique et la Chine, Cuba se rangeant aux côtés de Moscou dans cet affrontement idéologique.
Ce n’est qu’après la disparition de l’Union soviétique, il y a quinze ans, que Pékin et La Havane se sont rapprochés. La visite de Jiang Zemin, en 1993, dans un pays au bord de la banqueroute, et l’aide apportée (les cargaisons chinoises de riz et de bicyclettes constituaient alors les rares entrées régulières dans le port de La Havane) avaient marqué le début d’une nouvelle relation.
Un rapprochement loin d’être évident, au vu des évolutions presque antithétiques des deux pays communistes. Car si la Chine s’est lancée il y a vingt-cinq ans dans des réformes vers l’économie de marché, revendiquant « un compromis » avec le capitalisme, Cuba fait tout pour éviter de s’engager dans cette voie. La nouvelle restriction du secteur privé, cet automne, et la « dédollarisation » de l’économie le mois dernier en sont les plus récents exemples.
Une divergence qui n’empêche pas chacune des nations de soutenir officiellement le choix de l’autre. Dans son message d’arrivée, le président chinois a ainsi salué les victoires de Cuba pour sa souveraineté nationale, et son développement économique. Une économie dans laquelle la Chine prend maintenant une place grandissante : elle est devenue ces dernières années le troisième partenaire commercial de Cuba, derrière le Venezuela et l’Espagne, et a ouvert de larges crédits à l’île en manque de devises.
par Sara Roumette
Article publié le 23/11/2004 Dernière mise à jour le 23/11/2004 à 11:23 TU