Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cuba

Fidel Castro taxe les dollars

Fidel Castro a annoncé l'arrêt des transactions en dollars a Cuba à compter du 8 novembre prochain. 

		(Photo : AFP)
Fidel Castro a annoncé l'arrêt des transactions en dollars a Cuba à compter du 8 novembre prochain.
(Photo : AFP)
«Le peso convertible commencera à circuler en substitution du dollar américain sur tout le territoire national» à partir du 8 novembre prochain, explique le communiqué radio-télévisé de la Banque centrale cubaine (BCC). Les Cubains pourront détenir des devises américaines en quantité illimitée mais ils ne pourront pas s’en servir. Les étrangers non plus. Quant aux entreprises, nationales ou étrangères, elles devront opter pour une tierce devise. Pris par surprise, les particuliers ont quinze jours pour changer leurs dollars en pesos convertibles au taux de un pour un. Passé le 8 novembre, ils perdront 10% à raison de un dollar contre 0,90 peso. La Havane manque cruellement de liquidités. Fidel Castro invoque le durcissement de l’embargo américain en mai dernier. La BCC compte renflouer ses caisses avec les centaines de millions de billets verts en circulation dans l’île.

«Tous ceux qui possèdent des dollars disposent de deux semaines pour exercer leur droit à les changer en pesos convertibles au taux de un pour un, sans taxe», indique, comminatoire, la BCC. A partir du 8 novembre, «le dollar ne sera plus accepté dans nos commerces en devises, qui ne prendront plus que des pesos cubains convertibles» précise la BCC, à l’intention des particuliers et des touristes qui avaient depuis une décennie leurs entrées dans la partie dollarisée de l’économie cubaine. Celle-ci s’était effondrée avec la disparition de l’Union soviétique et du régime d’échanges privilégiés que Moscou entretenait avec Cuba. Interdit dans l’île pendant trente ans, le dollar avait été autorisé à revenir le 13 août 1993. Depuis 1995, il cohabitait avec un peso convertible à valeur paritaire, les Cubains ordinaires continuant d’user du peso national (estimé à environ 0,038 dollar) sur le marché interne subventionné.

Les entreprises mixtes ou étrangères devront désormais opérer en d’autres devises qu’américaine ce qui n’est pas sans conséquences financières pour la plupart d’entre elles. Quant aux entreprise purement cubaines, elles ont déjà dû renoncer à leurs comptes en dollars le 21 juillet 2003. Au total, le volume de dollars effectivement en circulation à Cuba n’est pas précisément chiffré, du moins officiellement, mais il tournerait au-dessus de 400 millions de dollars. En 2003, les recettes du tourisme auraient représenté quelque deux milliards de dollars. Les mandats familiaux des Cubains de Floride pourraient atteindre 800 millions à 1,2 milliard de dollars chaque année. Cette manne est menacée par le renforcement des sanctions américaines décrétées par l’administration Bush en mai et juin dernier. Cuba peinait déjà à régler ses factures d’importation ainsi que les annuités de sa dette extérieure. La BCC accuse aujourd’hui Washington de mettre le pays en état d’urgence en annonçant «la création d'un groupe de poursuite des actifs cubains pour interférer et retenir les flux de devises vers et depuis Cuba».

Mesure de rétorsion

La décision de Fidel Castro «ne signifie pas que la détention de dollars ou d'autres monnaies sera pénalisée», dit la BCC, jugeant quand même utile de présenter la perte au change de 10% comme une mesure de rétorsion qui «servira de compensation aux risques et aux coûts infligés à l'économie cubaine par la manipulation des dollars du fait des mesures du gouvernement américain qui veut empêcher notre pays d'utiliser les dollars comme monnaie à des fins commerciales normales». Selon le ministre cubain des Affaires étrangères, Perez Roque, Cuba a subi une perte annuelle moyenne de 1,8 milliard de dollars depuis que les premières sanctions commerciales américaines ont été décrétées par le président Kennedy, en 1962.

Sur le site de l’organe officiel, Granma, Cuba donne le ton politique en dénonçant les nouvelles mesures recommandées le 6 mai dernier aux Etats-Unis par la Commission for the Assistance to a Free Cuba qui suggère «d’allouer plus de 59 millions de dollars supplémentaires aux campagnes internationales contre Cuba et au financement de la subversion interne et des mercenaires émargeant à la Section des intérêts des Etats-Unis à La Havane». Granma note, comme autant d’attaques «contre la réunification des familles cubaines», la réduction des droits de «visites des Cubains vivant aux USA à un voyage tous les trois ans, au lieu d’un par an» ou le fait que «les Cubains se rendant dans l’île ne pourront plus dépenser que 50 dollars par jour, contre 164 avant ces nouvelles mesures. De plus, ils ne pourront dépenser que 50 dollars pour frais de transport interne pendant les quatorze jours autorisés [et] il leur est formellement interdit de ramener le moindre article obtenu à Cuba».

Côté américain, le manque à gagner cubain dû aux sanctions est estimé à quelque 20 à 40 millions de dollars d’investissements potentiels par an. Beaucoup plus selon Cuba dont le ministère du Tourisme chiffre, par exemple, les «retombées prévisibles des restrictions annoncées le 6 mai sur la quantité de voyageurs nord-américains», à savoir une chute des «revenus à ce titre de 27 à 38 millions de dollars». Dans ces conditions, Cuba a visiblement décidé de parer au plus pressé : provisionner ses comptes en devises, en l’occurrence américaines, en ramassant les billets en circulation dans l’île, sans pour autant nécessairement tarir la source de l’arrosage financier qui a maintenu l’île à flot ces dix dernières années. La BCC conseille par exemple aux exilés de Floride de continuer leurs transferts d’argent (désormais limités en dollars par l’administration américaine) en utilisant d’autres devises (euro, livre sterling, francs suisses ou dollars canadiens) pour éviter d'avoir à payer la commission désormais imposée aux dollars américains.

A court terme, Fidel Castro peut tabler sur quelques centaines de millions de dollars frais dans ses caisses. Il espère également contourner le contrôle renforcé de Washington sur les dollars que Cuba utilisait jusqu’à présent dans ses transactions internationales. A plus longue échéance, la fin de la dollarisation économique de Cuba n’est pas un simple jeu d’écritures indolore.



par Monique  Mas

Article publié le 26/10/2004 Dernière mise à jour le 26/10/2004 à 13:40 TU

Audio

Journaliste à la rédaction Amérique latine de RFI

«Avant le 8 novembre (les Cubains) essayeront de changer les dollars contre des pesos convertibles. Parce qu'à partir du 8 novembre ils ne pourront plus utiliser ces dollars sinon il faudra qu'ils paient une taxe de 10% »

[26/10/2004]

Articles