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Afrique du Sud

Sida: une affaire de moins en moins privée

En Afrique du Sud, 5,3 millions de personnes sont infectées par le virus du sida.  

		(Photo: AFP)
En Afrique du Sud, 5,3 millions de personnes sont infectées par le virus du sida.
(Photo: AFP)
Après une mise en oeuvre lente et controversée, le gouvernement sud-africain distribue finalement des médicaments antirétroviraux gratuitement à près de 20 000 personnes dans plus de cent centres à travers le pays. Certaines provinces sont encore réticentes mais les messages de prévention tout comme les interventions de docteurs à la radio se multiplient. Du coup, dans un pays qui compte 5,3 millions de personnes infectées pour une population totale de 37,8 millions d’habitants, les conséquences sont considérables sur l’activité et les langues se délient : de plus en plus de femmes de ménages et de gardes d’enfants, notamment, se tournent ainsi vers la justice pour demander des compensations après avoir souvent été congédiées à cause de leur séropositivité.

De notre correspondante en Afrique du Sud.

«Si le système n’était pas si lent, nous aurions quatre ou cinq nouvelles affaires par semaine», explique Anneke Meerkotter de Aids Law Project, une association spécialisée dans la défense des séropositifs au travail, qui fournit une aide judiciaire gratuite à Johannesburg. Plus d’un million de personnes, en majorité des femmes, sont employés comme travailleurs domestiques en Afrique du Sud. C’est l’un des secteurs les moins contrôlés de l’économie sud-africaine, et où les abus sont légion, le salaire étant bas (environ 1 000 rand par mois, soit 130 euros, pour une femme de ménage).

Des cas récents ont en effet ouvert la boîte de pandore des problèmes restés jusque-là dans la sphère domestique. En juin dernier Xhosa Naledi [le nom a été changé pour préserver l’anonymat] devait se soumettre à des tests médicaux, une condition d’embauche pour s’occuper d’un bébé de quatre mois. «Je ne savais pas qu’on me faisait un test HIV, j’avais tellement besoin de ce boulot que je ne pouvais pas refuser», a-t-elle confié à l’hebdomadaire sud-africain Mail and Guardian. Lorsque le résultat du test est tombé, positif, Xhosa s’est vue remettre une lettre de son employeur regrettant de ne plus pouvoir l’employer à cause de sa séropositivité et du risque posé pour son enfant. La lettre était accompagnée d’une somme de 80 euros.

Autorisation du tribunal

Selon le code du travail sud-africain, les conditions pour soumettre une personne à un test HIV sont très strictes. Le test ne peut être demandé que si la personne est très faible ou fatiguée et ne peut donc plus effectuer son travail. «Et encore il faut que l’employeur le demande à un tribunal», insiste Anneke qui explique que dans la plupart des cas «l’employeur demande un test à l’employé, le test est positif et il la congédie, c’est illégal, c’est de la discrimination. On accepte quand même que l’employeur demande un test mais il ne doit pas s’en mêler et demander le résultat».

Le sida souligne ainsi les relations complexes qui existent dans la société sud-africaine entre les employeurs, blancs en majorité, et les travailleurs domestiques, noirs en majorité. Une relation complexe qui mêle paternalisme, affection réelle, et héritage du passé. Si les préoccupations des parents pour leurs enfants sont légitimes, certaines pratiques sont en revanche inacceptables selon le Aids law project. Dans de nombreux cas, le médecin de famille fait ainsi le test HIV sur l’employé et informe l’employeur, pas l’employée. Aids Law Project estime que le nombre de cas de docteurs peu scrupuleux est aussi amené à se multiplier.

«Les gens connaissent la loi, mais ils pensent qu’ils peuvent y échapper en invoquant un facteur de risque, or ce facteur est quasi-nul», s’insurge Anneke qui estime que si des précautions sont prises, comme l’utilisation de gants ou la couverture par un pansement de coupure, le risque est proche de zéro.

Règlements «à l’amiable»: 2 000 euros

Pour les agences de placement de gardes d’enfants le dilemme est quotidien. «Nous avons eu six décès d’employées l’année dernière, c’était très dur psychologiquement», explique Stephanie Dawson de l’agence de Johannesburg Choice Child Care. «Nous n’avons pas le droit de demander un test à nos futures employées, mais nous vérifions qu’elles sont physiquement en forme», ajoutant que depuis les décès de l’année dernière, l’agence n’emploie plus «que des gardes d’enfant professionnelles, nous n’employons plus des femmes de ménage qui gardent aussi les enfants», indique-t-elle. Une manière assez claire d’écarter d’office une certaine catégorie de la population, généralement faiblement rémunérée.

Le faible salaire est directement lié aux abus: «Les employeurs pensent qu’ils peuvent se débarrasser d’une femme de ménage séropositive avec 2 000 euros, ce n’est pas énormément d’argent pour certaines personnes», ironise Liesl Gerntholtz du Aids law project. Un constat réaliste puisque les trois affaires qui sont arrivées à leur terme cette année se sont soldées par des règlements «à l’amiable», avec des sommes avoisinant les 2 000 euros.

L’association souhaite que la justice sud-africaine donne des exemples forts, avec des sommes élevées pour que les employeurs soient dissuadés de telles pratiques. Beaucoup de parents estiment en revanche que la loi est trop dure et qu’ils devraient avoir le choix de refuser qu’une personne séropositive garde leur enfant. D’autres pensent qu’il vaut mieux connaître le statut de l’employée et prendre en charge ses soins médicaux.



par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 01/12/2004 Dernière mise à jour le 01/12/2004 à 10:32 TU

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