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Erythrée

Massawa et les îles Dahlak, entre passé et présent

Massawa: bâtiment ottoman. 

		(Photo: AFP)
Massawa: bâtiment ottoman.
(Photo: AFP)
Photos, panneaux explicatifs et cartes géographiques, jusqu’au 14 février 2005, l’Erythrée s’expose au musée national de la Marine. Particulièrement consacrée au patrimoine du port de Massawa et aux îles Dahlak, sur les bords de la mer Rouge, l’exposition sensibilise le visiteur au riche passé historique de ces pôles d’échanges commerciaux, véritable charnière entre l’Afrique, l’Asie et l’Occident. Alors que Massawa est encore le sésame de tout le commerce extérieur de l’Erythrée avec le monde extérieur, ses couleurs ont pourtant perdu de leur splendeur, le patrimoine est en danger. L’exposition-mère a été réalisée à l’initiative de l’Alliance française d’Asmara (Erythrée), avec l’assistance de la division du Patrimoine culturel de l’UNESCO. Après avoir eu les honneurs de l’UNESCO, elle est installée à Massawa de façon permanente. Sa copie, destinée à voyager, a été présentée à Berne (Suisse), à Florence (Italie). Après son escale à Paris, elle se poursuivra à Berlin (Allemagne) en 2005.
Rue de Massawa. 

		(Photo: AFP)
Rue de Massawa.
(Photo: AFP)

Sur une grande photo satellite pointe un curseur. Une carte géographique ajuste les contours : l’Erythrée se trouve sur les bords de la mer Rouge entre le Soudan et la Somalie, au sud de l’Egypte, face au Yemen et à l’Arabie Saoudite. L’exposition commence alors, organisée autour de trois mouvements. Anne Saurat-Anfray, commissaire, s’est chargé du fil historique comparant le passé de Massawa et des îles Dahlak au présent. Puis deux photographes, Hugues Fontaine et Giuseppe de Marchi, ont arrêté leurs regards respectifs l’un sur Massawa d’aujourd’hui, où l’or d’hier semble s’être recyclé en ferraille rouillée, l’autre sur le récif corallien haut en couleurs qui émerge à peine de la mer, où les espèces -faune et flore- sont extrêmement concentrées.

Située sur la mer Erythrée des Anciens, l'actuelle mer Rouge, Massawa séduisit Arthur Rimbaud. Le poète y débarqua le 7 août 1880, et salua sa splendeur: «Et à l’aurore, armés d’une ardente patience / nous entrerons aux splendides villes». Une sélection de reproductions de cartes et de documents anciens (dessins, gravures, photos anciennes et récentes conservées notamment en France et en Italie) sont accompagnées de textes sur l’histoire de la mer Rouge et le rôle important que jouèrent les îles Dahlak et le port de Massawa, «perle noire dans le nombril de la mer Rouge», selon les mots d’Olivier Friebourg. Massawa possède un riche passé historique et culturel: «le port a constitué le point d’introduction des religions en Erythrée, notamment de l’Islam. Les Ottomans, les Egyptiens, les Italiens s’y sont installés. A la fin du XIXème siècle, les premiers juifs venant d’Aden (Yémen) sont arrivés», explique Pierre Montaigne, directeur de l’Alliance française.

Deséchanges commerciaux multiséculaires

Dès le IIIème millénaire avant notre ère, l’Egypte venait chercher en Erythrée la myrrhe, les onguents, l’or, l’ivoire, les bois précieux, les épices, l’écaille de tortue, la corne de rhinocéros. Massawa fut en fait une plaque tournante du commerce méditerranéen. Au XIIème siècle, les Francs convoitent un temps de s’emparer de cette artère marchande de première importance; au XVème, les jonques chinoises cinglent par centaines vers l’Afrique; puis au XVIème, ce sont les caravelles portugaises qui s’efforcent de rentrer en mer Rouge pour ravir aux Arabes leur négoce des épices. De 1557 jusqu’au XIXème siècle, ce seront les Turcs qui s’installeront et exerceront leur autorité. A la grandeur succède la déchéance d’une ville secouée par un tremblement de terre désastreux en 1921, puis laminée par la Seconde guerre mondiale et un conflit qui aura duré trente ans (1961-1991). l’Erythrée n’obtiendra son indépendance officielle de l’Ethiopie qu’en 1993.

Jadis florissante, la ville resplendissait. Mais, «aujourd’hui Massawa émet le son déchirant de la tomboura, lyre primitive que les anciens esclaves transportaient avec eux à bord des boutres», se désole Olivier Friebourg devant les photos en noir et blanc d’Hugues Fontaine qui a dirigé son objectif sur des beautés architecturales en lambeaux, comme le Palais de Munziger et son salon bombardé en 1990, la Maison avec moucharabieh (présumé consulat de France vers 1840 ?), un édifice délabré, défiguré par des lampadaires des années 70, ou bien encore comme le cliché d’un Phare désaffecté dont les structures métalliques sont rongées par la rouille. Massawa, aujourd’hui «c’est un village, une rue principale recouverte de capsules de sodas et de sable, une théorie de cafés alignés les uns à côté des autres, avec leurs rideaux de perles de plastique qui pourraient nous donner l’illusion de traverser un décor des mille et une nuits», déplore Olivier Friebourg (Massawa, éditions des Equateurs).

Mais Massawa a gardé son écrin. Situées sur le sillon volcanique qui relie la vallée du Jourdain aux grands fossés de l’Est africain (long de 2 300 kms et large de 340 kms) Massawa et les îles Dahlak sont entourées d’une mer d'une richesse exceptionnelle en raison de l’extrême concentration des espèces sur des ères géographiques restreintes. Giuseppe de Marchi biologiste et photographe raconte quant à lui dans l’exposition la formation de la mer Rouge, l’origine des îles, et la faune qui y vit, notamment les gazelles, les lézards, les oiseaux par milliers. Sur le mur opposé aux photos en noir et blanc, belles mais somme toute tristes de l’actuelle Massawa, Giuseppe de Marchi exalte, lui, les couleurs des fonds marins où se côtoient des poissons de toutes tailles, des crustacés, des éponges, des étoiles de mer, et celles des mangroves bordant certaines des îles, qui forment à elles seules un écosystème passionnant.


par Dominique  Raizon

Article publié le 05/12/2004 Dernière mise à jour le 06/12/2004 à 15:21 TU