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Afrique du Sud

Vers la légalisation du mariage homosexuel

Au Cap, l'homosexualité s'affiche, ce qui est loin de plaire à tous les Sud-Africains. 

		(Photo : AFP)
Au Cap, l'homosexualité s'affiche, ce qui est loin de plaire à tous les Sud-Africains.
(Photo : AFP)
Pour se prémunir contre toute dérive similaire au régime d’apartheid, les Sud-africains ont adopté une constitution, considérée comme l’une des plus avancées au monde dans sa défense des droits de tous, y compris sur des critères d’identité sexuelle. La Cour suprême a récemment ouvert la voie à la possibilité d’une union homosexuelle légale, ce qui est loin de plaire à tous les Sud-Africains. Dernière réaction en date une trentaine d’églises ont publié un communiqué demandant au président Thabo Mbeki d’organiser un référendum sur la question.

De notre correspondante à Johannesburg

« L’autre jour sur la plage, j’ai vu un homme… enfin !… déguisé en femme et un autre homme se tenant la main, ce n’est quand même pas normal! », André habitant de la région du Cap, est un des nombreux auditeurs de la radio nationale SABC à prendre part au débat sur la mariage homosexuel.

La réaction d’André comme celle de beaucoup montre surtout que la législation sud-africaine a toujours un pas d’avance sur les mentalités. La Cour suprême sud-africaine vient en effet de juger que la définition du mariage entre « un homme et une femme » était contraire à la constitution, et que le mariage devait dorénavant être défini comme « l’union de deux personnes ». Une décision qui ouvre la voie à la reconnaissance légale du mariage homosexuel. Pour être applicable, ce jugement doit encore être validé par la cour constitutionnelle et passer par le parlement, ce qui peut prendre des mois, voire plus.

L’une des constitutions les plus progressistes au monde

La décision juridique s’inscrit néanmoins dans une suite logique. La constitution post-apartheid adoptée en 1996 est l’une des plus progressistes au monde, et fait de l’Afrique du Sud le premier pays à reconnaître les droits des homosexuels dans un article de sa constitution. Il a fallu attendre 1998 pour qu’une loi du régime d’apartheid interdisant les rapports sexuels entre deux hommes soit abolie, ouvrant la voie à de nombreux succès juridiques, comme la possibilité pour un couple homosexuel d’adopter un enfant en 2002. Une décision de justice a également permis aux partenaires homosexuels étrangers de citoyens sud-africains de bénéficier des mêmes droits que les « époux officiels » en matière d’immigration en Afrique du Sud, en tant que « life partner » (partenaire à vie).

« Certains activistes qui ont pris part à la lutte contre le gouvernement d’apartheid étaient aussi des militants des droits des homosexuels, et leur influence sur la constitution pour adopter un article contre la discrimination sur des critères sexuels a été importante », explique Wendy Isaack, conseillère juridique pour l’association « Lesbian and Gay Equality project », « le régime d’apartheid a utilisé la loi pour oppresser, il fallait aussi que nous utilisions le même vecteur pour libérer », ajoute-t-elle. L’idée étant de se prémunir contre toutes les formes d’exclusion, non seulement sur des critères de race, mais aussi sur d’autres formes d’identités comme l’orientation sexuelle.

La décision de la cour suprême a déclenché des réactions acerbes de la part des milieux chrétiens. « L’histoire, la nature, les sciences sociales, l’anthropologie et la religion convergent vers un soutien vigoureux du mariage, comme il a toujours été défini : une union pour la vie entre un homme et une femme dans le but de créer un famille stable », a fait savoir le petit parti chrétien ACDP. Dans une lettre du courrier des lecteurs d‘un journal sud-africain, un évêque a défini « les relations homosexuelles consentantes moralement plus graves que le viol », déclenchant une avalanche de réactions dans les journaux et les programmes de la radio sud-africaine.

Le débat avait déjà été vif l’année dernière à l’échelle du continent. L’église anglicane africaine avait menacé de faire scission après la consécration d’évêques homosexuels par ses homologues américains. L’homosexualité est « contraire à la bible, à la nature et à l’Afrique », avait notamment déclaré le président nigérian Olegun Obasanjo. Lors du récent congrès du parti Zanu PF, Robert Mugabe, le président zimbabwéen qui n’a jamais caché son homophobie, a aussi tenu à dénoncer les « influences diaboliques occidentales » en Afrique, qui veulent qu’un « homme épouse un autre homme ».

L’Afrique du Sud a pourtant de bonnes chances de voir le mariage homosexuel légalisé très bientôt si l’on en croit les réactions du ministère de l’intérieur qui semble simplement demander plus de temps pour aligner le texte de la loi sur le mariage avec les prérogatives de la constitution, plutôt que de s’opposer farouchement au principe du mariage homosexuel.

En attendant, les défenseurs du principe ont décidé de ne pas relâcher la pression. « Il est toujours possibles pour certains pasteurs favorables à l’idée de célébrer des unions religieuses », souligne Wendy Isaack qui confirme que plusieurs unions de couples homosexuels auront lieu bientôt, assorties de demandes de reconnaissance officielle auprès du ministère de l’Intérieur.



par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 15/12/2004 Dernière mise à jour le 15/12/2004 à 10:50 TU