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Italie

Naples possède d’autres armes

Naples développe une politique culturelle très active et accueille ainsi actuellement une exposition du peintre Caravage. 

		(Photo : AFP)
Naples développe une politique culturelle très active et accueille ainsi actuellement une exposition du peintre Caravage.
(Photo : AFP)
L’autre visage de Naples, ce sont toutes ses forces créatives bien décidées à redonner sa juste dignité à cette ville. Entre idéalisme et réalisme, intellectuels et artistes parient sur l’art et la culture pour combattre la mafia locale.

De notre envoyée spéciale à Naples

Secondigliano, Scampia, Forcella… Ces quartiers si souvent cités en ce moment en raison des règlements de comptes entre bandes rivales de la Camorra font partie de Naples. Mais il n’y a pas une seule Naples, il en existe mille. Celle des collines du Vomero et de ses somptueuses villas, avec vue sur le Golfe et le Vésuve. Celle de San Gregorio Armeno, le royaume des santons où l’odeur de l’encens se mêle à celle des pizzas frites. La Naples de la via Toledo où d’innombrables boutiques attirent autant les bourgeoises en manteaux de fourrure que les « ragazzi » aux cheveux gominés et jeans extra-larges, accompagnés d’adolescentes maquillées, comme des « cassate» siciliennes, le nombril à l’air, parfois décoré d’un piercing.

Non loin de cette avenue, il y a la Naples des quartiers espagnols. Un enchevêtrement de ruelles pentues, où des femmes lavent et étendent leur linge en chantant à tue-tête des airs d’opérettes. Un quartier populaire, peu fréquenté par les touristes car fréquemment décrit comme le ventre de la « malavità » (la pègre) alors  qu’il mérite le détour. Ne serait-ce que pour découvrir ces trattoria où la tradition de la « pasta alla calamalestra » (pâtes fraîches aux calamars) se transmet de père en fils. Il y a aussi la Naples du « rinascimento » des années 90, « piazza del plebiscito » où, face au théâtre San Carlo, intellectuels et politiques se rencontrent dans l’ambiance ouatée du Gambrinus, le salon de thé le plus chic de la ville.

Le cœur de Naples offre une fantastique mosaïque de couleurs, parfums bruits, sensations, énergies et mystères. Dans un élan contagieux de vitalité, la décadence et la pauvreté côtoient la beauté et l’opulence. C’est la Naples magique qui défend son identité avec l’art et la culture.

Une résistance culturelle

«Cela peut paraître utopique mais la Camorra se combat aussi de cette façon. La culture ne doit pas avoir honte d’être populaire!», affirme Eduardo Cicelyn, conseiller culturel d’Antonio Bassolino, président de la Région Campanie et ancien maire de Naples. «Je vous défie de trouver actuellement en Europe une ville de cette dimension qui consacre autant de place à l’art contemporain. «Entre ‘Italia all’asta’, faite d’installations et de sculptures de Luciano Fabro sur la piazza del Plebiscito , l’exposition «Le tourment et l’extase» consacrée à l’un des artistes les plus controversés et populaires sur la scène de l’art contemporain, Damien Hirst, en passant par la mostra, en avant-première, du peintre et réalisateur Julian Schnabel, qui inaugure la nouvelle «Kunstahlle napolitaine… nous sommes à l’avant-garde».

A la fierté d’Eduardo Ciceylin s’ajoute l’orgueil du réalisateur et scénariste napolitain Mario Martone («Mort d’un mathématicien napolitain» et «L’odeur du sang») qui a réalisé un film et une pièce de théâtre intitulée «L’œuvre secrète» sur la redécouverte de la Naples d’aujourd’hui à travers le regard de Caravage (1573-1610), en partant des 18 tableaux qui retracent le parcours des dernières années d’activité de ce maître du clair-obscur et qui sont actuellement exposés au musée de Capodimonte. «Les acteurs sont des gens de la rue. Les Napolitains  sont capables d’offrir une spontanéité absolue, parfois teintée de violence, mais toujours avec une pureté et une naïveté déconcertantes. Tant que ces gens-là existeront, la ville ne perdra pas son âme», ajoute Eduardo Ciceylin.

La peinture, le cinéma, mais aussi la musique servent à briser l’image d’une Naples enserrée dans l’étau de la Camorra. En témoigne par exemple le concert gratuit «Naples légale» qui s’est tenu à la veille de Noël à San Giovanni a Peduccio, un quartier, qui lui aussi, a besoin d’être bonifié. De la chanteuse Teresa de Sio, à l’origine de l’initiative avec le quotidien local Il Mattinoi- au groupe Almamegretta, une trentaine d’artistes ont participé à ce spectacle. «‘Napoli legale’, c’est un des symboles de Naples qui résiste à la criminalité organisée et se tourne vers l’avenir», affirme Antonio Bassolino, l’ancien maire de Naples. Et d’ajouter sur un ton déterminé: «c’est en faisant jaillir les forces positives de la ville que nous redonnerons sa juste dignité à Naples».



par Anne  Le Nir

Article publié le 25/12/2004 Dernière mise à jour le 25/12/2004 à 16:12 TU