Mondialisation
Le «big bang» du secteur textile va faire des victimes
(Photo: AFP)
Trente millions d'emplois affectés dans le monde selon les syndicats du textile. Le démantèlement de l'accord multifibre de 1974 sonne comme le glas pour de nombreux pays en voie de développement. Depuis 30 ans, ils bénéficiaient d'un accès garantis aux grands pays importateurs. Le Bangladesh, l'île Maurice, l'Indonésie, Madagascar, le Sri Lanka ou la Turquie ont bâti leur économie sur le textile mais le rouleau compresseur chinois risque de laminer ce secteur.
La Chine est déjà le premier exportateur mondial d'habillement avec 28% du marché planétaire contre 19% il y a 10 ans. Sa force : maîtriser la chaîne de fabrication de A à Z. C'est à dire de la matière première au produit fini, avec des coûts de main d’œuvre très compétitifs. Un ensemble d'atouts que ne possède pas le Bangladesh, par exemple, dépendant des importations de matières premières.
La Chine, mais également l'Inde qui apparaît comme l'autre grand gagnant de la fin des quotas, a par ailleurs investi depuis plusieurs années dans ce secteur en prévision de la fin de l'accord multifibre. L'Organisation mondiale du commerce prévoit ainsi que la part d'importation des vêtement chinois aux Etats-unis devrait représenter 50% après la fin des quotas contre 16% actuellement. Cette part devrait passer de 18 à 29% en Europe.
Pour comprendre la révolution du commerce textile- Qu’est-ce qui change ce 1er janvier?
Désormais le commerce est entièrement libre : les acheteurs peuvent librement choisir leurs fournisseurs. C'est la loi du marché qui domine. - Comment en est-on arrivé là ?
Ce système de quotas date d'une quarantaine d'années. A l'époque, les pays riches craignaient la concurrence des pays en voie de développement. Pour se protéger ils mettent donc en place ce que l'on a appelé l'accord multifibre. Signé en 1974 : Il instaure des quotas d'importations. - Quels pays ces quotas ont-ils avantagé ?
Le Bangladesh, l'île Maurice, Madagascar, la Tunisie, le Maroc, l'Indonésie, les Philippines ont développé leur industrie textile parce que ces pays bénéficiaient d'un accès garanti et privilégié aux grands marchés. En raison d'une main d’œuvre moins chère ils ont conquis des parts de marché en Europe et aux Etats-Unis. Mais pour certains ils sont devenu « textilo-dépendants ». Exemple : le Bangladesh dont l'économie repose sur ce secteur. La fin des quotas risque donc de bouleverser ces pays. - Quel sera l'impact de la fin des quota?
Pour le moment tout est un peu flou. On sait qu'il va y avoir un impact mais sans connaître son ampleur. Toutes les organisations internationales se sont penchées sur le sujet et donnent des chiffres : la Fédération internationale des syndicats du textile parle de 30 millions d'emplois affectés dans le monde. Le Bangladesh pourrait perdre un million d'emplois, c'est à dire la moitié des salariés du secteur. La Confédération internationale des syndicats libres estime que Le Royaume-Uni pourrait perdre 15% des emploi textiles, 13% en Allemagne, plus de 10% en France selon les professionnels du secteur. Bref toute une industrie qui pèse tout de même 6% dans les échanges mondiaux risque d'être profondément bouleversée. - Pourquoi la Chine est-elle perçue comme la grande gagnante de la fin de ces quotas?
Selon la Banque mondiale la Chine pourrait réaliser 50% des exportations mondiales en 2010. La Chine est déjà devenue en 10 ans le premier exportateur mondial d'habillement avec 28% du marché planétaire contre 19% en 1995. L'Empire du milieu produit la matière première et va jusqu'à la production finale avec des coût de main d’œuvre très bas : 90 euros en moyenne par mois pour un salarié pour 70 à 80 heures de travail par semaine. Les autres pays producteurs de textile, à l'exception de l'Inde, doivent importer la matière première ce qui les rend moins compétitifs. Par ailleurs, la Chine a anticipé la fin des accords multifibre en augmentant sa capacité de production. - Les pays occidentaux peuvent-ils se protéger de cette invasion annoncée du textile chinois?
Un mécanisme de protection a été prévu jusqu'en 2008. C'est à dire qu'un pays qui observe une augmentation trop importante des importations chinoises peut en limiter le flux. L'Organisation mondiale du commerce lui en donne la possibilité. Les Etats-Unis pourraient ainsi utiliser cette arme. Le secteur a déjà perdu en 4 ans 350 000 emplois. La Turquie a d'ores et déjà annoncé qu'elle instaurerait des barrières dès le mois de janvier. L'Europe, elle, observe avant de prendre une décision. En signe de bonne volonté la Chine a annoncé dernièrement qu'elle allait instaurer une taxe sur certaines de ces exportations bas de gamme. Mais sans plus de précision. Une mesure qui ne devrait pas avoir un gros impact et qui apparaît en fait plutôt comme une volonté de spécialiser l'industrie textile sur le créneau de la moyenne gamme. - Outre la Chine, quels sont les autres gagnants?
L'inde devrait également bien s'en sortir. Et peut-être le consommateur occidental puisqu'il faut s'attendre à une baisse des prix. Certainement les distributeurs aussi. En tout cas il faut s'attendre à une concurrence accrue entre pays du Sud. Et on sait que cela se fera au détriment des salariés et des normes sociales. A titre d'exemple, le Pakistan fait toujours travailler des enfants. Les Philippines ont indiqué que la loi sur le salaire minimum ne s'appliquera plus au secteur de la confection.
par Frédérique Tissandier
Article publié le 01/01/2005 Dernière mise à jour le 01/01/2005 à 11:52 TU