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Ouganda

La guerre reprend au nord du pays

Convoi armé de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).(Photo: AFP)
Convoi armé de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA).
(Photo: AFP)
C’est la guerre, de nouveau. L’armée ougandaise a relancé les combats contre les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dès la fin du cessez-le-feu unilatéral de 47 jours qui avait été décrété par le président Museveni. Ces combats hypothèquent la poursuite des négociations initiées mercredi dernier entre le gouvernement et les rebelles.

De notre envoyé spécial dans le nord de l’Ouganda

Soldats de l'armée régulière ougandaise.
(Photo: AFP)
Dans le nord de l’Ouganda, plus de 90% de la population vit dans des camps de déplacés gardés par l’armée. La guerre civile a transformé les paysages. Les hautes herbes ont envahi les champs. Des carcasses de véhicules militaires bordent la route en terre. On espérait la paix. Vendredi dernier, une large délégation composée de prélats ainsi que de parlementaires et d’ambassadeurs s’était rendue dans la ville poussiéreuse Kitgum, dans le nord de l’Ouganda. Il s’agissait d’aller assister, quelque part dans la brousse, à la cérémonie de signature d’un accord de cessation des hostilités enter le gouvernement ougandais et les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord Resistance Army, LRA).

Une équipe gouvernementale dirigée par le ministre de l’Intérieur ougandais, Ruhakana Rugunda, avait rencontré, deux jours auparavant, à la frontière du Soudan, une délégation rebelle dirigée par Sam Kolo, le porte-parole de l’Armée de résistance du Seigneur. Ce furent les premières discussions officielles entre le gouvernement et les rebelles depuis le début de la guerre. Elles ont duré deux heures et demie.

Reprise des combats dès samedi

Ouganda: enfant-soldat.
(Photo: AFP)
Selon Ruhakana Rugunda, l’atmosphère était tendue au début de la réunion avant de devenir franchement cordiale. A tel point que les deux délégations se sont finalement «embrassées» a souligné le ministre ougandais. Tout le monde est d’accord: «cette guerre doit prendre fin», a-t-il précisé. A la suite de cette rencontre, un accord de cessez-le-feu global a été rapidement rédigé par le gouvernement et remis aux rebelles dès le lendemain après midi.  Les rebelles devaient le signer en grande pompe vendredi, avant la fin annoncée du cessez le feu unilatéral en vigueur depuis le 14 novembre.

Cette cérémonie n’a pas eu lieu. Au contraire, c’est la guerre, de nouveau. De sources diplomatiques on indique que des combats ont repris dès samedi matin dans la région sécurisée du nord du pays, là même où le gouvernement avait proposé aux rebelles de se rassembler pour ouvrir des négociations et leur  avait promis qu’ils ne seraient pas attaqués.

Museveni met en doute la bonne foi des rebelles

Le président Museveni.
(Photo: AFP)
L’armée affirme pour sa part qu’un camion militaire chargé de viande aurait été pris pour cible le 31 décembre par les rebelles à moins de 20 km de Gulu. Elle montre ainsi son souci de convaincre la communauté internationale que ce n’est pas elle qui a tiré la première. Mais le ton du président Museveni est sans ambiguïtés: «Ces opérations militaires ne cesseront plus avant que le groupe de Kony s’engage irréversiblement à sortir de la brousse», a martelé le président ougandais vendredi soir à l’occasion de son allocution de Nouvel An. Il est difficile de se qualifier cette guerre où se mêle l’amour propre des principaux acteurs du conflit et des intérêts internationaux, le nord de l’Ouganda étant, avec le Sud-Soudan la frontière australe entre le monde musulman et le monde chrétien.
Pour l’équipe des médiateurs dirigés par l’ancienne ministre ougandaise Betty Bigombe, il s’agit d’un échec. Actuellement employée de la Banque mondiale et résidente aux Etats-Unis, Betty Bigombe travaille depuis des mois à la mise en place de négociations entre l’Ouganda et les rebelles. Elle est parvenue à rassembler autour d’elle plusieurs ambassades, notamment la Suède, la Hollande et la Royaume-Uni, mais aussi les autorités traditionnelles locales et des représentants religieux. Au sein de cette large équipe, l’on affirme que les rebelles voulaient sincèrement mettre fin aux hostilités et l’on veut croire qu’un nouveau cessez-le-feu reste possible.

«Il faut donner du temps aux rebelles»

«Les rebelles n’ont pas eu le temps d’étudier le texte qui leur a été proposé. Il aurait fallu leur donner un délai, étendre le cesse- le-feu», s’indigne Philippe Okim, un chef religieux du nord de l’Ouganda. Le président ougandais n’a pas fermé toutes les portes. «Il reste possible de faire la paix…mais dans un autre pays», a-t-il souligné lors d’une manifestation samedi à Gulu, la principale localité du Nord de l’Ouganda. Dimanche, il a rencontré à Gulu les différentes délégations de médiateurs soucieux que soit décrété un nouveau cessez le feu.

«La luta continua». Ces deux mots se détachent en lettres noires sur le maillot de corps kaki d’un militaire ougandais accoudé à un blindé. A Gulu, comme dans toutes les autres villes du nord du pays, l’armée est omniprésente. Elle garde les routes et les innombrables camps de déplacés. Les casernes sont devenues de vrais villages avec des restaurants, des bars. Les militaires y vivent dans des petites huttes en paille avec leurs familles. Dix-neuf ans de guerre: c’est toute une vie.

Le rôle ambigu de l’armée

Sigurd Illing, le représentant de l’Union européenne, accuse certains cercles de l’armée d’entretenir la guerre. «L’UPDF (l’armée ougandaise) n’est pas une organisation de type monolithique… Il y a peut- être quelques personnes qui se sont confortablement enrichis avec ce conflit», a-t-il dénoncé à l’occasion d’une interview accordée à la BBC.

Ce point de vue a, on s’en doute, irrité le gouvernement qui accuse les rebelles de n’avoir pas voulu signer le texte qui leur avait été proposé. John Nagenda, le conseiller en communication du président Museveni s’interroge sur la représentativité du porte-parole de la rébellion. «Et si ces pourparlers étaient aussi vide et insignifiants qu’ils le semblent ?», s’interroge-t-il, jurant que le chef rebelle, Joseph Kony, sera attrapé comme un animal.


par Gabriel  Kahn

Article publié le 02/01/2005 Dernière mise à jour le 02/01/2005 à 13:29 TU

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