Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Jeux Vidéo

Les Français sur la défensive

Yves Guillemot, l'un des cinq frères fondateurs de la société Ubisoft et un de ses personnages de jeu vidéo dans son bureau en banlieue parisienne.(Photo : AFP)
Yves Guillemot, l'un des cinq frères fondateurs de la société Ubisoft et un de ses personnages de jeu vidéo dans son bureau en banlieue parisienne.
(Photo : AFP)
L'éditeur français Ubisoft se démène pour échapper à l'Américain Electronics Arts qui a pris 20% de son capital. Vivendi Universal Games ne serait pas intéressé par le rôle de chevalier blanc d’Ubisoft. Le géant des médias a démenti des informations relayées, mercredi 5 janvier, par la presse économique, faisant état d’un possible rapprochement avec Ubisoft. Ce démenti provoque une nouvelle vague d’inquiétudes parmi les éditeurs hexagonaux. De son côté, le président d’Infogrames, le grand concurrent français d’Ubisoft, appelle les éditeurs européens à s’associer pour résister à l’assaut des Américains sur le secteur.

Les ventes de jeux vidéo en France ont atteint un niveau record en 2004, avec un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 30% par rapport à 2003. Le marché français se porte bien, et pourtant les éditeurs français sont menacés. Depuis l’effondrement des valeurs Internet fin 2001, près d’une quinzaine d’éditeurs français ont fait faillite. Des noms connus comme Kalysto et Cryo Interactive ont ainsi déposé le bilan, faute de nouveaux financements. Dernière victime, le plus ancien éditeur de jeux de l’hexagone, Titus Interactive qui luttait depuis des années pour sa survie, a annoncé en début de semaine sa mise en liquidation judiciaire.

Aujourd’hui, le jeu vidéo en France se concentre sur trois grands acteurs, Infogrames, Vivendi Universal Games (VUG) la filiale jeux vidéo de Vivendi, et Ubisoft qui sont dans une situation financière tendue. Le premier d’entre eux, Infogrames lutte pour faire accepter un plan de sauvetage financier compliqué, tandis que VUG est un foyer de pertes important pour Vivendi. Au cours de trois premiers trimestres 2004, VUG a accusé une perte d’exploitation de 185 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 211 millions d’euros. Le troisième, Ubisoft, est sur le point de se faire avaler par l’Américain Electronics Art. Le plus grand éditeur de jeux vidéo a pris en décembre dernier une participation de 19,9% dans Ubisoft une opération qualifiée d’hostile par l’éditeur français. Cette transaction doit encore recevoir l’aval des autorités américaines de la concurrence, la Federal Trade Commission (FTC).

«la guérilla pas le choc frontal»

Pour contrer l’offensive de l’Américain Electronic Arts, les fondateurs d’Ubisoft, les frères Guillemot organisent la résistance, avec notamment les autres actionnaires de la société, y compris les salariés qui détiennent 1,3% du capital. Dernier rebondissement, un possible rapprochement entre Ubisoft et VUG. Le quotidien économique l’Agefi a lancé cette hypothèse mercredi en affirmant que VUG aurait eu des contacts préliminaires avec Ubisoft. Information démentie par les deux groupes qui ont refusé tout commentaire, mais de nombreux experts jugent cependant tout à fait envisageable une telle hypothèse. Le salut de l’industrie française du jeu vidéo passe-t-il par un rapprochement entre les trois éditeurs français ? Ce n’est pas le souhait de Bruno Bonnell, le président d’Infogrames. «Les éditeurs européens doivent faire front commun face à l’assaut des Américains, mais sans pour autant fusionner. La meilleure stratégie, c’est la guérilla pas le choc frontal», estime Bruno Bonnel dans un entretien publié, jeudi 6 janvier, dans le quotidien économique La Tribune.

Les syndicats regrettent pour leur part le manque de soutien de la part du gouvernement. Jean-Claude Larue, le président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) craint même la disparition de la création française face à des concurrents étrangers deux à trois fois plus gros qu’eux «Depuis des années, je répète que les éditeurs français de jeux vidéo sont menacés de disparition et leurs difficultés ont été amplifiées par l'explosion récente du coût des licences et du développement des produits», martèle le président du SELL. Il faut savoir qu’un jeu à gros budget représente pour les éditeurs des investissements près de 50 millions d’euros, entre l'achat des licences, le travail de plus en plus complexe d'écriture du logiciel pour plusieurs plates-formes (consoles et ordinateurs) et les budgets marketing, soit autant qu'un film hollywoodien moyen.

Face à la concurrence acharnée de pays comme la Chine, l’Inde ou la Russie, où la création de jeux coûte moins cher, l'industrie française a obtenu en 2004 du gouvernement Raffarin un plan de soutien, notamment des aides à la création et des exonérations fiscales. Mais la principale mesure promise, un crédit d'impôt permettant d'abaisser les coûts des investissements en France, n'est toujours pas entrée en vigueur, faute d'accord de Bruxelles.


par Myriam  Berber

Article publié le 06/01/2005 Dernière mise à jour le 06/01/2005 à 17:01 TU