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Côte d'Ivoire

L’opposition rejette la médiation de Mbéki

Le secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro (G) conteste la médiation du président sud-africain Thabo Mbéki (D).(Photo : AFP)
Le secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro (G) conteste la médiation du président sud-africain Thabo Mbéki (D).
(Photo : AFP)
Désigné en novembre par l’Union africaine (UA), le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki s’est mis à dos l’opposition ivoirienne en retenant l’option référendaire pour valider la réforme de l’article 35 de la constitution régissant les candidatures à la magistrature suprême. Prophétisant une «nouvelle guerre civile», l’ex-rébellion a boycotté le conseil des ministres extraordinaire réuni à Yamoussoukro en présence de Thabo Mbéki, au lendemain du sommet de Libreville du 10 janvier. Une manière de fin de non-recevoir adressée au médiateur qui a fixé parmi ses priorités le retour à un fonctionnement normal du gouvernement de «réconciliation nationale». Les Forces nouvelles exigent désormais des «mesures de sécurité appropriées», tout en maintenant leur refus de désarmer. Alors que la perspective d’une normalisation politique paraît s’éloigner, Alassane Ouattara revient sur l’avant-scène comme candidat à la présidentielle d’octobre.

Le secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro fulmine contre la résolution de l’Union africaine inspirée par Thabo Mbéki. «Nous avons beaucoup à dire et à redire sur cette résolution, qui est un recul grave par rapport à l'esprit du processus de paix en Côte d'Ivoire», explique-t-il. Après avoir boudé Thabo Mbéki, il a foncé à Lomé dimanche pour tenter de se faire comprendre du chef d’Etat togolais, Gnassingbé Eyadéma, lui-aussi médiateur au début de la crise ivoirienne. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) doit tenir mercredi prochain son sommet annuel à Accra. La Côte d’Ivoire assombrira le trentième anniversaire du cénacle ouest-africain. Guillaume Soro compte sur un sursaut de la région face au médiateur venu de la lointaine Afrique australe. L’opposition ivoirienne l’accuse de partialité, lui prêtant notamment la volonté de contrer l’ancienne puissance coloniale française aux côtés de Laurent Gbagbo.

La «feuille de route» sud-africaine avait déjà pris du retard au démarrage en manquant son coup d’envoi le 6 décembre dernier. Pis encore, ce qu’elle croyait acquis est désormais remis en question par l’opposition. Le 13 janvier, le G7, qui rassemble l’opposition non armée et l’ancienne rébellion, a en effet reproché à l’UA de ne pas avoir «pris une position claire sur les textes de loi votés par l'Assemblée nationale». Le G7 juge que ces réformes politiques ont été «dénaturées» par les amendements des députés du Front populaire ivoirien (FPI), le parti présidentiel. «Le G7 demande leur modification en vue de les rendre conforme à l'esprit et à la lettre de Marcoussis», explique Djédjé Mady, son porte-parole, qui est aussi le secrétaire général du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’ancien parti unique. Il exige par ailleurs la «dissolution» de la commission électorale fraîchement formée et «la création d'une commission véritablement indépendante garantissant des élections crédibles, avec une représentation à égalités des forces politiques signataires de Marcoussis». Hostile à l’option référendaire, le G7 demande au président Gbagbo «d'user des pouvoirs exceptionnels que lui confère la constitution pour promulguer l'article 35 tel qu'adopté par l'Assemblée».

Quant au DDR (démobilisation, désarmement, réinsertion) et au «redéploiement de l'administration sur tout le territoire» préconisés à brève échéance par Thabo Mbéki, ils sont moins que jamais à l’ordre du jour de l’opposition. Celle-ci demande en revanche à l’Onu de mettre en œuvre les sanctions qu’elle a reportées le 15 janvier pour laisser à Thabo Mbéki le temps d’opérer. Dans le camp présidentiel, le président du FPI, l’ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan estime contraire que «l'heure est au désarmement» et même que «le G7 doit être contraint au désarmement par les sanctions prévues par la résolution 1572 de l'ONU ou par la force».

Le pouvoir sinon rien

L'UA a donné au président Gbagbo «le droit d'aller au référendum» pour modifier l'article 35, se félicite Pascal Affi N’Guessan. «Pour le reste, la parole est au peuple. Lui seul peut apporter une réponse aux questions que les uns et les autres se posent sur le référendum», ajoute-t-il. Le Rassemblement des républicains (RDR) maintient un cap symétriquement opposé pour confirmer qu’en octobre, il soutiendra Alassane Ouattara dans la course à la magistrature suprême. «Personne ne pourra s'y opposer», affirme la secrétaire générale du RDR, Henriette Diabaté qui ajoute que «le meilleur référendum, c'est une élection présidentielle transparente, juste et ouverte à tous les candidats», parmi lesquels Alassane Ouattara, «le candidat naturel du RDR», mais pas forcément celui des Forces nouvelles et encore moins celui du PDCI. Pour l’heure, ces derniers ont choisi de faire front commun contre Laurent Gbagbo, avant une manche décisive sans cesse repoussée.

Après le coup d’Etat raté de septembre 2002, les candidats putschistes n’ont visiblement pas renoncé à sortir Laurent Gbagbo du jeu par d’autres moyens. Cela fait l’affaire de ses adversaires non armés. Pour sa part, Thabo Mbéki s’est voulu pragmatique et légaliste. Mais les crocodiles du marigot ivoirien revendiquent en quelque sorte «le pouvoir, sinon rien». En tout cas, tenir un référendum suppose au préalable de démilitariser et de réunifier la Côte d’Ivoire, mais aussi de dresser des listes électorales fiables et de distribuer des pièces d’identités à tous les électeurs. Il en va de même pour tout autre scrutin, à commencer par la joute présidentielle dont l’échéance paraît s’éloigner à chaque fois que les questions du désarmement et du référendum sont mises sur la table. 


par Monique  Mas

Article publié le 17/01/2005 Dernière mise à jour le 17/01/2005 à 17:55 TU