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Union africaine

Le référendum est une des options en Côte d’Ivoire

Ouverture  du premier sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.(Photo : AFP)
Ouverture du premier sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
(Photo : AFP)
Créé en 2002, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS) avait battu le rappel de la quinzaine d’Etats qui le compose (Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Congo, Ethiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Lesotho, Libye, Mozambique, Nigeria, Sénégal, Togo et Soudan), pour son premier sommet du 10 janvier, à Libreville, au Gabon. En huis-clos sur la Côte d'Ivoire, le conclave sécuritaire africain a estimé que «le recours au référendum est une des options auxquelles le président Gbagbo pourrait avoir recours». En même temps, il a demandé à l'Onu de différer les sanctions nominatives qui devaient frapper des personnalités ivoiriennes ce mardi. Concernant le Soudan, le CPS considère l'accord de paix entre Khartoum et l'ex-rébellion sudiste comme une «lueur d'espoir» pour le Darfour. En République démocratique du Congo (RDC), il promet une assistance militaire pour désarmer les rebelles rwandais.

Après avoir dit qu’il n’irait pas à Libreville, le président ivoirien, Laurent Gbagbo, a finalement suivi le médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, dans la capitale gabonaise où la coalition du G7, regroupant l'opposition non armée et l’ex-rébellion ivoiriennes, était montée au créneau, dès l’ouverture du sommet, dénonçant «d'importants blocages et dérapages du fait du camp présidentiel… deux mois après le début de la médiation du président sud-africain Thabo Mbeki» et réclamant la mise en œuvre immédiate des sanctions onusiennes nominatives annoncées en novembre dernier. Le Conseil de sécurité de l’Onu avait en effet fixé un ultimatum au 10 janvier, en suspendant à l’appréciation de Thabo Mbéki la publication de la liste des personnalités ivoiriennes qui feraient obstacle à la normalisation politique et à la paix. Le CPS vient de demander à l'Onu que «ces mesures soient différées pour que les parties puissent faire preuve de leur bonne volonté à mettre en oeuvre le plan» du médiateur sud-africain. 

De concert avec le président de la commission de l'Union africaine, le Malien Alpha Oumar Konaré, le président en exercice de l’Union africaine (UA), le Nigérian Olusegun Obasanjo, et celui de la Commission économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le Ghanéen John Kufuor, Thabo Mbéki se devait de tirer une ligne directrice à partir d’une opinion africaine divisée par la crise militaro-politique qui déchire la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002. A dix mois de l’échéance du mandat présidentiel, le modérateur sud-africain s'efforce de gérer sans précipitation sa course contre la montre. Le CPS a choisi de relever davantage les progrès que les reculs ou les points d'enlisement.

Le CPS «se félicite de l'adoption des 14 textes de loi prévus à Marcoussis»

En un an, le gouvernement formé en janvier 2003 dans la banlieue parisienne de Marcoussis s’est soldé par une «réconciliation nationale» en trompe-l’œil. Le désarmement n’a pas avancé d’un pouce, le pays est toujours coupé en deux. Toutefois, le CPS se «félicite de l'adoption par l'Assemblée nationale ivoirienne des 14 textes prévus par l'accord de Marcoussis et notamment du projet de loi portant modification de l’article 35» de la Constitution qui ouvre en particulier la course présidentielle à l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara. A la grande satisfaction du président Gbagbo qui se réclame de la charte fondamentale, il retient en outre l'option référendaire rejetée par l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) et par ses alliés de l’opposition non armée qui pressent au contraire le «chef de l'Etat de promulguer, sans délai, le texte voté par les députés». Finalement, le CPS a donc suivi le médiateur Thabo Mbéki qui considère le référendum comme une bonne manière de placer chacun au pied du mur de ses bonnes ou mauvaises résolutions.

Un référendum est exclu tant que la Côte d’Ivoire reste divisée et militarisée. Pour l’ex-rébellion, en accepter la perspective reviendrait donc à accepter au préalable le désarmement qu’elle a toujours repoussé jusqu’à présent et qui concerne aussi les milices gouvernementales. Mais pour le camp présidentiel, cela impose une campagne électorale dans laquelle il pourra difficilement appeler à voter non, sauf à se déjuger sur le brûlant terrain diplomatique. C'est d'ailleurs ce que suggère le CPS qui relève que le référendum est une option «s'il est organisé dans l'esprit de Marcoussis». Désarmement et référendum, il y a là matière à «marchandage», à gentlemen’s agreement. De quoi en tout cas tirer une épine du pied de la diplomatie internationale, à bout de sermons et de menaces. D’autant qu’en octobre dernier, un nouveau refus de désarmer des FN s’était ensuivi d’une offensive militaire gouvernementale lourde de conséquences. Son échec s’était soldé par un nouveau bras de fer franco-ivoirien mais aussi par le constat onusien de la difficulté à concilier les priorités entre la force de paix africaine, chargée de surveiller le cessez-le-feu ivoirien, et les troupes de l’opération Licorne, tenaillées par les urgences françaises. Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, en avait tiré la leçon, préconisant de renforcer les casques bleus pour donner de l’autonomie à l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) et misant sur la «feuille de route pour la paix» africaine de Thabo Mbéki. Le CPS est du même avis. Il apporte en outre «son appui à l'embargo sur les armes à destination de la Côte d'Ivoire» que les Etats voisins sont priés de «respecter scrupuleusement». 

Pallier les défaillances internationales

Mercredi, Thabo Mbéki devrait repasser par Abidjan où il était dimanche. Entre temps, le médiateur sud-africain a parcouru avec ses pairs les deux autres grands dossiers pendants de la sécurité en Afrique. Celui du Darfour est né en février 2003 lorsque les perspectives de partage du pouvoir entre le Nord et le Sud soudanais ont commencé à se concrétiser sous la pression des Etats-Unis. Ce 9 janvier, Khartoum et les anciens rebelles de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) ont donné le coup d’envoi d’une transition vers la paix qui devrait permettre une plus juste répartition des recettes de l’or noir. Mais en faisant part à deux, ils ont réduit à la portion congrue l’espace politique et la part de richesses revendiqués par les rebelles du Darfour. La guerre civile a déjà fait au moins 70 000 morts et 1,6 million de déplacés et réfugiés au Darfour, selon l'Onu qui sous-traite largement le dossier à l’UA. La résolution du CPS sur le Darfour considère toutefois que l'accord intersoudanais de dimanche pourrait «servir de cadre» à un réglement du conflit au Darfour où il veut achever d'ici la fin du mois le déploiement des troupes africaines.

Le Conseil de sécurité africain ne pouvait pas non plus faire l’impasse sur la République démocratique du Congo (RDC) où la sécurité n’est toujours pas revenue, à six mois des premières échéances électorales qui devraient marquer la fin de la transition. Des manifestations ont eu lieu lundi matin dans certains quartiers de Kinshasa échauffés par la perspective d’un report qui gèlerait les fauteuils cooptés de la transition. En même temps, très opportunément pour les partisans du statu quo, la polémique n’en finit pas de rebondir sur les accusations mutuelles régulièrement échangées par le président congolais, Joseph Kabila, et son pair du Rwanda, Paul Kagame. Pour autant, la pomme de discorde reste entière avec l’échec attendu du désarmement volontaire des rebelles rwandais préconisé par l’Onu. Après avoir tapé sans grand succès sur la table de l’Onu en menaçant d’aller lui-même mettre fin aux tribulations congolaises des artisans du génocide, Paul Kagame a répété à Libreville qu’un dirigeant digne de se nom ne peut pas rester inerte face à une telle menace à ses frontières. Kinshasa n'a pas manqué de l’accuser de violer son intégrité territoriale et de clamer sa bonne foi. Visiblement, celle-ci excède largement ses capacités sinon sa volonté à désarmer les interahamwe et assimilés qui s’éternisent au Congo. A Libreville, le CPS a reconnu que ces derniers perpétuaient dans l'Est congolais «un sérieux problème de sécurité qui nécessite une action courageuse de l'UA pour leur désarmement». Là aussi, l'UA est confrontée aux défaillances internationales.


par Monique  Mas

Article publié le 10/01/2005 Dernière mise à jour le 10/01/2005 à 17:01 TU

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Bernard Nageotte

Journaliste, correspondant de RFI à Libreville

«Laurent Gbagbo a crée la surprise en se présentant à l’ouverture du sommet de l’Union africaine.»

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«Je voudrais vous inviter à ne ménager aucun effort pour que des avancées réelles soient constatées dans les décisions que nous prendrons»

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