Togo
Nouveau code électoral
(Carte : DR)
De notre correspondant à Lomé
La mission de conciliation effectuée au Togo le 28 décembre dernier par le commissaire européen au Développement, à la Coopération et à l’Action Humanitaire, Louis Michel semble avoir porté ses fruits. L’Assemblée nationale togolaise a voté dans la journée du 19 janvier le projet de loi portant modification du code électoral élaboré en juillet dernier par un comité, composé d’une partie de l’opposition, du pouvoir et de la société civile, mis en place par le Premier ministre.
Reporté par trois fois déjà, le vote du code électoral modifié intervenu mercredi dans l’hémicycle togolais ouvre la voie à l’organisation des élections législatives anticipées tant souhaitées par Bruxelles. Cette quatrième modification du code électoral consensuel d’avril 2000, issu de l’Accord Cadre de Lomé (ACL) signé en 1999 entre l’opposition et le pouvoir, a le mérite d’avoir pris en compte les principales revendications de l’opposition dite radicale, l’UFC de Gilchrist Olympio, le CAR de Me Yaovi Agboyibo et la CDPA de Léopold Gnininvi qui avait boycotté le comité qui avait élaboré ce nouveau code électoral.
Dans une ultime concession, le gouvernement et le Parlement avaient demandé à ces partis de faire des propositions pouvant améliorer ce nouveau code avant son vote définitif. Le 15 décembre dernier ces trois partis ont élaboré des propositions en 11 points concernant notamment le renforcement des attributions de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les cas d’incompatibilité, le mode du scrutin, le règlement du contentieux électoral, l’observation des élections, les conditions d’éligibilité, la révision à la baisse du cautionnement des candidats aux élections…
Un mois plus tard, le 15 janvier dernier, le président de la République dans le souci « de finaliser l’effort de réconciliation » a instruit le gouvernement pour procéder à une dernière toilette du code électoral. Sur les 11 revendications des trois partis, le président de la république en a pris en compte quatre concernant l’association d’observateurs des partis politiques aux commissions administratives nationales et locales ; l’abaissement du cautionnement électoral, l’assouplissement du régime des incompatibilités qui frappait les avocats et le rétablissement de la sous-commission du contentieux électoral pour un règlement à l’amiable des contentieux électoraux.
Ces points ont été inscrits dans le nouveau code électoral voté hier hormis le cautionnement qui sera concrétisé plus tard par un décret du conseil des ministres.
Des coudées franches pour la CENILes modifications apportées à ce code renforcent essentiellement le pouvoir de contrôle et de supervision de la CENI. A part sa mission de veiller à la régularité et à la transparence des scrutins, cet organe conçoit le logiciel de saisie des listes électorales et supervise les opérations de saisie informatique de ces listes. Elle s’occupe en outre de la commande et de la certification de l’encre indélébile, définit les spécifications techniques de la carte d’électeur du bulletin de vote en concertation avec le ministère de l’intérieur qui s’acquittait autrefois seul de ces taches.
Le nouveau code porte en outre le nombre des membres de la CENI de 9 à 13 avec l’arrivée de deux membres de la société civile et d’un magistrat élu par le conseil supérieur de la magistrature. Qui plus est, les prérogatives du président, qui était dans l’ancien code de facto le président de la cour d’appel, ne sont plus prépondérantes. Avec le nouveau code, le président de la CENI est élu par les membres de la CENI eux-mêmes et la présidence ès qualité est supprimée. La parité des partis politiques est aussi maintenue avec 5 représentants pour la majorité et 5 représentants pour l’opposition.
Qu’à cela ne tienne les trois partis rejettent en bloc ce nouveau code « imposé par le pouvoir ». Pour ceux-ci « le cadre électoral consensuel prescrit par la feuille de route du conseil de l’Union européenne du 15 novembre 2004 ne saurait être acquis sans que les participants au dialogue national aient préalablement examiné dans les formes convenues, l’ensemble des 11 propositions, c’est-à-dire y compris celles non visées par le communiqué de la présidence de la république du 15 janvier ».
Pour le ministre de l’Intérieur Akila-Esso Boko, le nouveau code sans être un document unanime est un document consensuel car les propositions de tous les partis qui touchaient au cadre légal d’organisation des élections ont été prises en compte. « Aucune étape dans l’organisation des élections n’échappent désormais à la présence effective des partis politiques qui sont représentés paritairement dans les structures d’organisation du processus électoral. », insiste le ministre. Ce qui ne rassure pas ces trois partis. « Dans un régime tel que le nôtre, il est illusoire de vouloir organiser des élections libres et équitables, en réduisant le rôle de l’opposition à la simple observation d’un processus électoral dont le personnel relèverait uniquement d’une administration confisquée par le parti au pouvoir. Une implication de ce genre n’empêcherait en rien les fraudes programmées par le pouvoir. Elle ne servirait tout au plus qu’à permettre à l’opposition de réunir les preuves des fraudes commises et de crier en vain au scandale. », déclarent ces trois partis dans un communiqué. Ce qui n’empêche pas le président du parlement togolais Fambaré Natchaba d’estimer que ce code « contient tous les éléments universellement admis pour garantir une transparence des consultations électorales » C’est pourquoi il a tenu à rappeler aux leaders de l’opposition que le jeu politique se joue au Togo pour les Togolais et par les Togolais. « Il n’existe pas au monde une opposition qui se caractérise par son allégeance inconditionnelle à l’étranger au point de trahir les intérêts du peuple qu’elle prétend servir », a fait remarquer le président du parlement.
Le pouvoir qui dit avoir déjà tout donné n’attend pas s’appesantir sur « les lamentations habituelles » de ces trois partis qui « ne cherchent qu’à bloquer le processus électoral ». Et fixer dans les jours à venir les dates des prochaines législatives anticipées qui devront consacrer le rétablissement complet des relations entre le Togo et l’UE suspendues depuis 1993. Le ministre de l’Intérieur a été clair : « la finalité n’est pas d’avoir un bon cadre électoral, mais d’organiser des élections équitables qui permettent une expression juste du suffrage universel.»
par Guy Mario
Article publié le 20/01/2005 Dernière mise à jour le 20/01/2005 à 14:46 TU