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Château de Versailles

La galerie des Glaces se refait une beauté

La galerie des Glaces. Le chantier devrait être terminé en mai 2007. 

		®Phototèque Vinci
La galerie des Glaces. Le chantier devrait être terminé en mai 2007.
®Phototèque Vinci
Célèbre dans le monde entier, ce chef d’œuvre monumental considéré comme une pièce fondamentale de l’art européen figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Victime d’usures, de dégradations et de restaurations parfois mal exécutées, l’ensemble vieillit mal. Une restauration complète des décors peints et sculptés, ainsi que des décors d’architecture s’impose donc. Commencés en juin 2004, les travaux devraient se poursuivre jusqu’à l’horizon d’avril 2007 où l’intégralité de la galerie des Glaces sera mise en lumière, pour une réouverture définitive au public prévue en mai 2007. Ce travail long et délicat est l’œuvre d’une équipe internationale composée d’experts scientifiques et d’une soixantaine de restaurateurs, dont quarante pour les peintures, qui confrontent connaissances et savoir-faire pour rester au plus près fidèles à l’œuvre d’origine.

Angelot, décor de voûte : l'état des peintures révèle une restauration datant du XiXè siècle.
(Photo : Dominique Raizon/RFI)
En juin dernier, ce sont 700 mètres carrés de parquet, datant de 1950 et ne représentant aucun intérêt archéologique, qui ont été entièrement déposés pour être remplacés en trois mois par un parquet en chêne respectant, lui, l’authentique point dit de Versailles, une sorte de motif en mosaïque enchâssé dans des carrés, selon le modèle de Roubo de Mazerolles. Le travail a été exécuté dans le plus grand respect des règles de l’art: les lames massives  de 23 à 25 mm d’épaisseur ont été fixées par des chevilles en bois, et le sol a ainsi retrouvé l’allure conçue au XVIIIème siècle par l’architecte Jules Hardouin-Mansart. Outre l’aspect esthétique, l’avantage de cette restauration est qu’elle a permis en même temps de faire passer tout les câbles d’électrification au sol et de les dissimuler sous les lames, car la restauration s’inscrit aussi dans une perspective d’amélioration sécuritaire (ventilation, détection d’incendie par exemple). Cette phase de travaux préliminaires n’est qu’une préfiguration des soins attentifs qui doivent porter sur l’ensemble.

«Sorte de royale beauté unique dans le monde»

Nettoyage du décor de la voûte.
(Photo : Augusto Da Silva-Graphix Images/Phototèque Vinci)
Des échafaudages gigantesques, à l’intérieur et à l’extérieur de la galerie ont été installés, sur 45 mètres de long et 10 mètres de haut, caché par un aménagement scénographique sous forme d’un long corridor qui isole entièrement les restaurateurs du bruit et de la poussière, et qui permet au château de Versailles de laisser en partie l’accès au public à une partie de la galerie. «Sorte de royale beauté unique dans le monde», comme le disait la marquise de Sévigné, cette galerie des Glaces édifiée entre 1678 et 1684 attire chaque année quelque trois millions de visiteurs. Il n’était donc pas question de les priver d’un cadre qui fut le théâtre privilégié des grandes fêtes de la cour pour des mariages princiers ou pour des audiences, qui connut des heures de gloire sous l’Ancien Régime et sous l’Empire, et qui servi également de cadre à des événements historiques qui marqueront les XIX et XXème siècles comme par exemple la signature du Traité de Versailles en 1919 mettant fin à la Première Guerre mondiale.

En quelques chiffres on comprend l’ampleur de la tâche: la galerie mesure pas moins de 73 mètres de long sur 10,50 mètres de large, et 12,30 mètres de haut. Dix-sept fenêtres ouvrent sur le jardin, et répondent aux dix-sept arcades ornées chacune de vingt et une glaces pour augmenter la profondeur de la galerie, refléter l’éclairage naturel des fenêtres, magnifier l’image et l’atmosphère des réceptions qui se répètent à l’infini dans les jeux de miroir. D’une dimension exceptionnelle, ces 357 miroirs avaient été réalisés à l’origine par une manufacture parisienne créée par Colbert pour concurrencer les produits de Venise. Ils vont être vérifiés un à un, et les glaces endommagées seront remplacées à l’identique par des glaces au mercure, biseautées, achetées aux magasins du palais du Sénat. Un nouvel éclairage de la voûte par 359 sources lumineuses froides de sept types différents pour créer un halo diffus devrait ajouter à la luminosité extérieure.

Vaste chantier où prévalent fidélité esthétique et fidélité historique

Fragilité structurelle d'une peinture sur toile marouflée XVIIè. «Faste des puissances voisines de la France»
(Photo : Dominique Raizon/RFI)
A ces chiffres il faut ajouter ceux tout aussi vertigineux des 1 100 mètres carrés de marbre à désencrasser et à restaurer (coulures, usures, épaufrures, reprise des masticages anciens) pour qu’ils retrouvent leur éclat d’origine tout en conservant la patine ancienne. Les marbres polychromes (marbres rouges Rance de Belgique, marbres des Pyrénées veinés de jaune de vert et de blanc, marbres blancs en provenance de Carrare (Italie) sont situés sur les lambris verticaux, les voussures, les embrasures, et toute la frise périphérique. Un échantillon de chaque type de marbre a été nettoyé à l’aide de compresses d’argile et de carbonate d’ammonium. Il faudrait ajouter à l’inventaire des révisions, toutes les pièces en bronze coulé, en fer forgé, en laiton doré au mercure, les éléments de serrurerie, et de quincaillerie…

Et puis parallèlement, 1 000 mètres carrés de sculptures, de dorures et de peintures sont soumis à expertise et à réparation. Ce sont les dorures (trophées, cartouches, guirlandes) qui magnifient la voûte de la galerie: «Le principal travail au départ est de nettoyer pour faire apparaître les différents types d’or, le second est de conserver ; on ne refait pas, on redonne tout au plus une cohérence à l’ensemble quand on a une perte de lecture», explique Lucien Mariotti, responsable du chantier des dorures, «au besoin on fait une retouche ponctuelle ou un glacis d’aquarelle pour assurer une homogénéité».

Les peintures, quant à elles, altérées par le temps, les intempéries (toute la façade ouest a subi deux cents ans de manque d’étanchéité de la toiture) et les éclairages à la bougie qui ont noirci les toiles, vont faire l’objet d’un décrassage et de consolidation des pièces fragilisées (lacunes et accidents), afin de redonner à l’image sont unité d’origine. Les repeints et les vernis font également l’objet d’une inspection soigneuse. «Pour mener à bien l’entreprise, les toiles actuelles sont soigneusement comparées aux gravures à valeur documentaire laissées par Massé car les commissaires scientifiques et les restaurateurs ont à cœur de rester au plus près du desiderata de Charles Le Brun», explique Véronique Stedman, restauratrice des peintures et responsable de ce chantier aux côtés de Cinzia Pasquali.

Douze millions d’euros, mécénat le plus grand jamais engagé en France

Charles Le Brun fut le premier peintre du roi, et son oeuvre a été avant tout au service de la politique royale; il s’agit ainsi d’être esthétiquement fidèle au peintre, mais également de se rapprocher au plus près de la vérité historique de ces toiles qui relatent les grandes victoires de Louis XIV (autour de la grande peinture centrale titrée par Racine Le roi gouverne par lui-même, ce sont par exemple, La prééminence de la France reconnue par l’Espagne, La résolution prise de faire la guerre aux Hollandais), ainsi que ses actions de politique intérieure (arrêt des duels, réformes de la Justice).

Nettoyage des peintures de la voûte.
©Graphix Images/Phototèque Vinci
Une étude préalable de l’ensemble du chantier a été menée au cours de l’année 2003, afin de dresser un état des lieux exhaustif de la galerie des Glaces. Un comité de pilotage est composé du directeur général et de l’administrateur général délégué de l’établissement public du musée et du domaine de Versailles, de l’inspecteur général des Monuments historiques, du directeur de projet désigné par le mécène (groupe Vinci). Ce comité a pris les décisions relatives à la désignation des entreprises des différents corps de métier qui vont intervenir au cours de la vaste restauration. Sur le terrain, un comité de suivi qui regroupe les différents chefs de chantier valide en permanence les hypothèses établies par le comité scientifique, au gré des investigations et des découvertes (repentir de peintre, boiserie où l’on attendait du stuc, cartouches originales dissimulées sous d’autres plus récentes), toujours dans le souci de rester au plus près de l’original.

Le chantier, d’un coût global évalué à douze millions d’euros, sera suivi par un conseil scientifique constitué d’éminents spécialistes de la peinture du XVIIèmesiècle, de restaurateurs européens, et de responsables de musées européens. Il s’agit là d’un mécénat culturel de compétences, le plus grand jamais engagé en France: ce nouveau type de partenariat engage le mécène au-delà de l’aspect financier puisqu’il associe les compétences techniques des entreprises spécialisées, qualifiées Monuments historiques, qui vont apporter leur savoir-faire sur le chantier. Cette complémentarité d’action publique-privée prolonge l’idée d’une nécessaire collaboration déjà imaginée par André Malraux dans les années 1960, alors qu’il était ministre de la Culture.



par Dominique  Raizon

Article publié le 31/01/2005 Dernière mise à jour le 31/01/2005 à 12:53 TU

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François Massé de Lépinay

Inspecteur général des Monuments historiques

[31/10/2003]

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