Urbanisme
Paris dessine son avenir
(Photos : Mairie de Paris)
Ce PLU parisien est un document d’urbanisme imposé par la loi Solidarité et Renouvellement urbain (SRU) de 2 000. Base de la politique urbaine de la municipalité, il doit préciser la hauteur des bâtiments construits, leur alignement, leur volume. Il doit aussi déterminer la place des espaces verts, l’importance du logement social, l’allure des rues où les commerces de proximité devraient être préservés. Il doit également avoir un impact sur la circulation et le stationnement dans la capitale. La mairie de Paris plaide globalement pour un «rééquilibrage» de la capitale, et pour «une mixité véritable entre l’emploi et l’habitat».
Parmi les principaux éléments du PLU pour Paris, le commerce et l’artisanat devraient bénéficier d’une protection de 230 km de voies commerçantes en y interdisant le changement de destination des locaux en rez-de-chaussée commerciaux ou artisanaux, voire en imposant que les locaux de rez-de-chaussée soient destinés au commerce et à l’artisanat. Une zone est prévue, le long du périphérique nord-est et de certaines voies ferrées, où il saera possible, quand il y a démolition de logements, d’implanter des activités économiques.
«Il n’y a pas de fatalité pour que l’emploi soit à l’ouest et le chômage à l’est»
Actuellement la capitale s’étend sur 10539 hectares et compte quelque 24 400 habitants/km2: entre 1975 et 1999, elle a perdu 177 000 habitants et, entre 1990 et 1999, 200 000 emplois. L’Insee a dénombré 1 323 000 logements dans la capitale en 1999: l’enquête révèle que dans les arrondissements centraux, 15 à 20% étaient inoccupés, et que 17% des Parisiens soit 185 000 foyers, habitent dans des HLM.
Aussi un fort coup de pouce est-il donné au logement social puisque obligation sera faite d’y affecter au moins 25% (contre 20% actuellement) de la surface utilisable au sol dans les programmes de plus de 1 000 mètres carrés, et ce tout aussi bien dans les secteurs où il est rare, c’est-à-dire au centre et à l’ouest car, souligne Jean-Pierre Caffet, adjoint au maire de Paris: «il n’y a pas de fatalité que l’emploi soit à l’ouest, le logement à l’est, et le chômage à l’est», ajoutant qu’ainsi «les possibilités en matière d’activité économique sont le double dans ce PLU de ce qu’elles étaient dans l’ancien plan d’occupation des sols».
«Très sceptique» sur cette obligation, Claude Goasguen, président du groupe UMP au Conseil de Paris, demande que la barre soit fixée à 4 000 mètres carrés, et qu’y soit ajoutée une obligation de création de logements intermédiaires «pour sauver la classe moyenne» dans Paris. De son côté la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, qui représente 300 000 entreprises de la capitale et de la petite couronne, est tout aussi réservée, et voit des «risques réels pour l’emploi et la compétitivité: que la mairie veuille développer l’activité économique au nord et à l’est, nous disons bravo, mais cela ne doit pas entraîner un gel de leur essor au sud et à l’ouest».
Moins de place pour les voitures, plus d’espaces verts
Le premier rail du tramway des boulevards des Maréchaux est déjà posé. (Photo : Mairie de Paris) |
Créations de couloirs protégés, réductions de l’espace laissé à la voiture au profit des aménagements de voies cyclables, suppressions de places de stationnement se sont multipliées depuis l’élection de Bertand Delanoë à la tête de la mairie de Paris, et le premier rail du tramway des boulevards des Maréchaux est déjà posé (il devrait dès 2006 transporter quotidiennement 100 000 voyageurs, au lieu de 55 000 actuellement avec l’autobus Petite Ceinture).
La voiture n’est pas à la fête, et ce n’est pas fini si on en juge par le projet du PLU qui prévoit d’imposer des aires de stationnement pour les vélos et les poussettes dans les constructions de plus de 250 mètres carrés, mais qui n’impose pas de création de place de stationnement dans les programmes immobiliers de bureaux, et qui impose au minimum une place pour 100 mètres carrés de logement dans les programmes de plus de 1 000 mètres carrés (contrairement à aujourd’hui: une place pour 71 mètres carrés, et au minimum une par logement). Ces projets, concernant la circulation et le stationnement, alarment aussi la chambre de Commerce et d’Industrie.
Pas de tour, et une protection accrue du patrimoine architectural
Les hauteurs des nouvelles constructions seront limitées à 18 mètres dans le centre de la capitale, et à 37 mètres dans la périphérie. Les aménagements des nouveaux quartiers devront respecter les hauteurs, volumes, alignements des bâtiments sans envahir les rues de béton, comme par exemple la gare de Rungis, le quartier Pajol (18ème arrondissement) ou la friche Claude-Bernard (19èmearrondissement) ou bien encore les 10 hectares dans le quartier des Batignolles (17èmearrondissement).
Enfin, en ce qui concerne le visage de la ville, la mairie de Paris veut davantage protéger le patrimoine de la capitale, toutes époques confondues, et avec plus de souplesse, en incluant des éléments intérieurs d’immeubles tels que décorations, plafonds, médaillons, huisseries, escaliers ou portes. Paris est actuellement divisé en 74 986 parcelles dont à ce jour 1 912 bénéficient d’une protection de l’Etat (monuments historiques, 3%), et un millier au titre de plan d’occupation des sols (POS) des quartiers qui protègent essentiellement les façades. La protection sera donc élargie à l’architecture industrielle, faubourienne et contemporaine, aux ateliers d’artistes, ainsi qu’aux lieux de loisirs comme cinémas ou théâtres.
La mairie a présenté un système de protection de l’existant à trois niveaux, qui sera mis en place après accord du Conseil Protection ville de Paris, Traitements morphologiques particuliers, Signalement. Ce Conseil veillera à interdire la démolition d’ouvrages, et préservera par exemple des cours et des jardinets, des façades d’immeubles ou d’anciens lotissements, et qui offrira une possibilité de résistance face aux promoteurs. Au terme du processus, 16% du patrimoine parisien devrait bénéficier d’une plus grande protection: «Il ne s’agit pas d’empêcher la mutation de la ville, mais d’empêcher des horreurs», a souligné Sandrine Mazetier, adjointe (PS) au patrimoine du maire de Paris.
En amont de ce PLU, trois ans d’études et 13,6 kg de papierL’ensemble du PLU a été dénoncé un «Paris statique». Le chantier de cet épais document vise à remplacer le plan d’occupation des sols en vigueur depuis 1977, révisé en 1989 et 1994. Il avait été ouvert le 22 octobre 2001 par une délibération des élus parisiens fixant ses grands objectifs. S’en est suivie une phase de diagnostic: les vingt arrondissements parisiens y ont consacré une séance réunissant en tout 2 000 personnes, dont 108 représentants d’associations, d’institutions et d’experts, et 121 conseils de quartiers de la capitale.
Au gré des différentes publications, annonces de presse, campagnes d’affichage et registres ouverts au public chacun a pu rassembler ses suggestions et définir ses priorités: ici un immeuble à protéger, là une crèche à construire, ailleurs un commerce à encourager. Quatorze mille propositions ont été faites. L’avant-projet a fait l’objet d’une nouvelle série de réunions auxquelles 4 000 personnes ont pris part. En juin 2003, le tout a abouti à des Etats généraux du PLU (800 personnes). S’en est suivi un questionnaire envoyé aux Parisiens à 800 000 exemplaires. Cent vingt mille réponses ont fait ressortir leur hostilité à la construction de tours, leur souci de protéger le petit commerce et de favoriser l’emploi dans l’est de la ville.
Une enquête publique sur le PLU doit s’ouvrir en juin prochain, et le projet global sera de nouveau présenté aux élus parisiens début 2006 avant d’entrer en vigueur. D’ici là les concertations portant sur les 1 162 vœux ou amendements (675 déposés par les Verts) devraient encore donné lieu à quelques débats pour affiner le projet.
par Dominique Raizon
Article publié le 01/02/2005 Dernière mise à jour le 02/02/2005 à 17:35 TU