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Indonésie

Promesses de transparence pour la reconstruction d’Aceh

Banda Aceh, le 6 février. Le conflit avec le Gam «<i>ne crée pas un environnement favorable à la reconstruction</i>», indique le ministre indonésien des Affaires sociales. (Photo: AFP)
Banda Aceh, le 6 février. Le conflit avec le Gam «ne crée pas un environnement favorable à la reconstruction», indique le ministre indonésien des Affaires sociales.
(Photo: AFP)
Le gouvernement indonésien promet d’exercer un contrôle budgétaire rigoureux de l'aide nationale et internationale affectée à la reconstruction de la province d’Aceh dévastée par le tsunami du 26 décembre 2004

«Chaque dollar de l’aide internationale sera dépensé pour le seul bénéfice des Achénais». Alwi Shihab, le ministre des Affaires sociales indonésien, nommé coordinateur général des secours à Aceh, le répète inlassablement aux délégations étrangères qui défilent en flot continu dans son bureau du palais du gouverneur de Banda Aceh. Classée régulièrement dans le peloton de tête des pays où la corruption est la plus répandue, l’Indonésie sait que les travaux de reconstruction de la province seront auscultés avec attention par les médias internationaux.

«Nous ne répéterons pas les erreurs du passé»,  tente de rassurer le ministre qui rappelle que le nouveau président Susilo Bambang Yudhoyono, un général à la retraite dont le parcours n’est entaché par aucun scandale financier, a «déclaré la guerre à la corruption» lors de son investiture en octobre dernier. Soucieux de convaincre, Alwi Shihab affirme que les Etats donateurs seront étroitement associés au contrôle budgétaire des chantiers. «Ils superviseront eux-mêmes les projets qu’ils nous auront proposés et que nous aurons acceptés».

Camions volés

S’agissant des fonds récoltés en Indonésie, le ministre annonce la création d’une «agence nationale d’audit» flanquée d’un conseil de surveillance au sein duquel siègeront des représentants d’organisations non gouvernementales indonésiennes. Reste à savoir si ces bonnes intentions seront suffisantes pour contrer les prédateurs potentiels. Il y a deux semaines, le directeur d'un organisme indépendant qui entend contrôler la transparence des actions gouvernementales a été arrêté par le police. On l’accuse d'avoir volé des camions chargés d'une assistance aux sinistrés. Le suspect, qui travaillait en collaboration avec le Programme alimentaire mondial (Pam), aurait caché le butin, d’une valeur de vingt mille euros, dans un entrepôt de Banda Aceh.

Les risques de détournement les plus importants émanent de l’armée indonésienne et des séparatistes du Mouvement Aceh libre (Gam) qui n’ont jamais été très scrupuleux sur les moyens de financer leur guerre (trafics de drogue, déforestation). Des témoignages récurrents font état de soldats monnayant des colis alimentaires ou dérobant des vêtements. Les vols semblent pour l’instant limités, mais ils n'augurent rien de bon. «La poursuite du conflit ne créé pas un environnement favorable à la reconstruction d’Aceh», admet Alwi Shibab. «C’est pourquoi nous oeuvrons actuellement à trouver un accord avec les séparatistes», poursuit le ministre en mentionnant les négociations qui se sont tenues il y une dizaine de jours à Helsinki à l’initiative de l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari.

A Helsinki, les belligérants se sont engagées à respecter une trêve pour que les victimes soient secourues efficacement. Mais pour le reste, chacun campe sur ses positions. L’offre de Djakarta se limite toujours à une autonomie. Déjà proposé lors des négociations tenues en 2002, ce statut prévoit l’établissement d’un gouvernement local et une meilleure répartition des revenus tirés du pétrole dont la province est richement dotée. Le Gam refuse et réclame un référendum d’autodétermination, convaincu d’être soutenu par une très grande majorité de la population. Mais l’organisation d’un tel scrutin est inimaginable en Indonésie où l’on  vit toujours dans le traumatisme de la sécession du Timor Oriental qui a accédé à l’indépendance en 1999 lors d’un vote sous l’égide des Nations unies.

Besoins massifs de main-d’oeuvre

Les deux parties ont convenu de se retrouver «bientôt» pour de nouvelles discussions. Mais les experts estiment que les chances qu’elles parviennent à un accord sont très minces. Il est en effet peu probable que le GAM renonce à ses ambitions indépendantistes alors que la médiatisation d’Aceh lui offre une visibilité internationale qu’il n’avait pas jusque-là. Pour autant, la catastrophe ne joue pas forcement en sa faveur sur le long terme. Les pays occidentaux feront pression pour un règlement à l’amiable s’ils sentent la sécurité de leurs ressortissants dans la province menacée. Mais dans le contexte international actuel, ils ne remettront jamais en question la souveraineté indonésienne sur Aceh.

Le plus grand pays musulman au Monde doit être ménagé au moment où l’Islam est devenu le principal étendard de la résistance à la «pax americana». La reconstruction de la province va par ailleurs générer des besoins massifs de main d’œuvre. Or celle-ci viendra prioritairement de Java, l’île où vivent les deux-tiers des 220 millions d’Indonésiens. Installés durablement, ces migrants modifieraient le rapport de force démographique, donnant ainsi plus de chance à Djakarta de remporter dans le futur un référendum d’autodétermination. L’hypothèse est loin d’être improbable. En Papouasie-Occidentale ou aux Moluques, deux autres régions agitées par des conflits indépendantistes, le processus est à l’œuvre depuis une trentaine d’années.


par Jocelyn  Grange

Article publié le 08/02/2005 Dernière mise à jour le 09/02/2005 à 08:41 TU