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Indonésie

La reconstruction succède à l’urgence

A Banda Aceh, les survivants du tsunami commencent à reconstruire leur maison.(Photo: AFP)
A Banda Aceh, les survivants du tsunami commencent à reconstruire leur maison.
(Photo: AFP)
La situation humanitaire est stabilisée dans la province indonésienne d’Aceh. L’aide internationale va maintenant se concentrer sur la reconstruction mais les risques de détournement sont importants.

De notre correspondant à Djakarta

228 429 morts. C’est le dernier bilan officiel des victimes du tsunami dans la province d’Aceh. Cette inflation vertigineuse, 174 000 morts étaient recensés en fin de semaine dernière, est du principalement au changement de mode d'enregistrement des victimes par le ministère de la Santé indonésien. Celui-ci considère en effet que les 132 197 disparus ont peu de chance d’être retrouvés vivants un mois après la catastrophe. Il les ajoute donc aux 96 232 victimes déjà enterrées.

Le bilan humain s’aggrave mais la situation s’améliore sur le terrain. « L’urgence humanitaire est presque derrière nous» a déclaré le ministre indonésien des Affaires sociales, Alwi Shihab, qui coordonne les opérations de secours à Aceh. Selon lui, la province entre désormais dans une phase de reconstruction. « Nous accédons maintenant à des zones isolées par voie terrestre, et nous n'avons plus besoin d'un renfort d'hélicoptères », a-t-il expliqué dans son quartier général de Banda Aceh, en concluant que « la contribution des armées étrangères n’était donc plus nécessaire ». Les États-Unis, qui ont mobilisé une dizaine de porte-hélicoptères et plusieurs milliers de soldats pour venir en aide à la province, ont pris acte et amorcé un premier retrait. Washington veut ménager le nationalisme sourcilleux du plus grand pays musulman au monde qui avait souhaité il y a deux semaines, par la voix de son vice-président, Yussuf Kalla, le départ « le plus tôt possible » des contingents militaires étrangers (États-Unis, Singapour, Russie, Australie, Japon, Inde, Malaisie et France). Mais le président Susilo Bambang Yudhoyono s'est finalement montré plus flexible sur la date butoir, fixé initialement au 26 mars. « Il pourrait encore y avoir, au delà de cette échéance, des équipements, du personnel ou des experts dont le travail restera nécessaire », a expliqué l’ancien général élu triomphalement en septembre dernier.

Situation humanitaire stabilisée

Le départ annoncé de ces forces armées, dont les moyens héliportés ont été décisifs pour secourir les populations isolées par le tsunami, n’inquiète pas l’Onu qui estime elle-aussi que la situation humanitaire est stabilisée. « L'aide internationale entre désormais dans sa deuxième étape, davantage concentrée sur les efforts de reconstruction », a déclaré Margareta Wahlstrom, émissaire spéciale de l’organisation mondiale dans la région. « Nous sommes dans une phase de post-urgence, nous soignons désormais des pathologies plus classiques qui vont de la rougeole aux traumatismes psychologiques », confirme Vincent Cauche, le coordinateur local du programme de Médecins du Monde. « Les hélicoptères sont encore indispensables dans certaines zones, poursuit-il, mais les routes et les voies maritimes vont offrir progressivement des alternatives efficaces ».

Si l’urgence humanitaire semble effectivement terminée, le travail de reconstruction des maisons, des hôpitaux et des écoles, ou la réhabilitation des zones agricoles et des ports de pêche, n’en demeurent pas moins urgent. 600 000 personnes sont sans-abri alors que la saison des pluies est à son pic à Sumatra, et  200 000 parmi eux ne sont toujours pas nourris de façon adéquate selon le programme mondial alimentaire (PAM).  Il faudra entre six et dix-huit mois pour que la population retrouve un premier niveau d’autonomie, estiment les experts qui précisent que la rapidité du processus dépendra de la bonne utilisation de l’aide internationale. Mais cette manne financière, dont le montant est largement supérieur aux besoins, risque d’attiser les convoitises les moins scrupuleuses dans un archipel souvent désigné par les institutions financières internationales comme un des pays les plus corrompus au monde.

Les prédateurs potentiels sont d’autant plus nombreux à Aceh, une province en guerre depuis trente ans où l’armée indonésienne et les indépendantistes achénais ont souvent tiré profit des trafics de drogues ou de la déforestation pour financer leur structure militaire, leur intérêts politiques ou leur compte en banque personnelle. Soucieux de rassurer, le gouvernement indonésien a lancé une offensive diplomatique tout azimut. Il  a d’abord promis une totale transparence et la création d’un organe de surveillance, sans préciser néanmoins son mode de composition et de fonctionnement. Il a ensuite manifesté à plusieurs reprises sa volonté de négocier avec le Mouvement Aceh Libre malgré les déclarations de certains officiers suggérant le contraire. « Le temps de la réconciliation est venue » affirme le président Yudhoyono, « Nous avons tué 120 rebelles depuis le 26 décembre », lui répond dans la même semaine le général Raciulu, chef de l’armée de terre à Aceh. Une ONG scandinave (Crisis Management Initiative), présidée par l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari, assure qu’elle est « engagée dans des préparations pour rétablir le dialogue » entre les deux parties. Trois ministres indonésiens ont annoncé leur départ pour Helsinki mais le porte parole des séparatistes déclare n’avoir reçu aucune invitation.


par Jocelyn  Grange

Article publié le 25/01/2005 Dernière mise à jour le 25/01/2005 à 14:55 TU