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Indonésie

Tension entre le gouvernement et les ONG à Aceh

Atterrissage d'un SH-60B <i>Seahawk</i> US de l'escadron anti-sous-marin léger 47 près du village de Tjalang. Les soldats étrangers devraient avoir quitté le pays au plus tard dans trois mois.(Photo: AFP)
Atterrissage d'un SH-60B Seahawk US de l'escadron anti-sous-marin léger 47 près du village de Tjalang. Les soldats étrangers devraient avoir quitté le pays au plus tard dans trois mois.
(Photo: AFP)
Les autorités indonésiennes s’irritent de la présence prolongée des organisations humanitaires à Aceh, qui l’empêchent de mettre au pas la rébellion.
De notre correspondant à Djakarta

Arrivée de l'assistance internationale sur l'aéroport de Medan (province d'Aceh).
(Photo: Manu Pochez/RFI)
L’Indonésie n’a pas le choix. Elle doit tolérer une présence internationale dans la province d’Aceh où la loi martiale, imposée en mai 2003 pour lutter contre le Mouvement Aceh libre, qui lutte depuis 1976 pour l’indépendance de cette province richement dotée en pétrole, avait banni les journalistes et les organisations non gouvernementales. Comment faire autrement dans une région aux deux tiers dévastées par un tsunami qui a fait plus de 100 000 morts et 700 000 réfugiés. Forcé par les circonstances, l’état-major de Djakarta doit accepter une opération humanitaire d'une envergure exceptionnelle, à laquelle participent des volontaires et des militaires de toutes les nationalités, mais il tente de baliser les chemins de cette présence étrangère. L’objectif est de limiter au maximum les contacts avec la population, suspectée de sympathie pour les indépendantistes.
Les autorités ont d’abord imposé une première limite aux contingents militaires envoyés par certains pays donateurs. Ils doivent se contenter d’acheminer les colis humanitaires. Une fois arrivée sur l’aéroport de Banda Aceh, ceux-ci sont confiés aux militaires qui en assurent seuls la distribution à la population. Le gouvernement a aussi encouragé mercredi, par la voix de son vice-président Yusuf Kalla, le retrait «le plus rapide possible», au plus tard dans trois mois, des soldats étrangers. Cette déclaration a provoqué une réaction de Washington qui a demandé une «clarification». La veille, le porte-avions américain Abraham Lincoln, avait dû quitter les eaux territoriales indonésiennes après que Djakarta ait protesté contre des vols d’entraînement tandis que des marines américains qui acheminaient de l'aide ont dû regagner leurs navires après que l'Indonésie eut fait part de ses inquiétudes en matière de sécurité.

C’est également sous le prétexte de la sécurité, que les personnels humanitaires présents dans la zone sont maintenant forcés de s'enregistrer et d'utiliser des escortes militaires. «Nous ne pouvons pas garantir la sécurité des convois humanitaires hors des villes et des grands axes routiers» a déclaré le général Syafrie Syamsuddin, porte parole de l’armée à Aceh. Personne n’est dupe, il s’agit bien d’une intimidation. Djakarta tente de dissuader les ONG de se rendre dans les campagnes qui servent de base de repli et de ravitaillement aux rebelles.Optimisme mesuré

L’armée a également décidé d’envoyer 10 000 hommes en renfort, portant à
50 000 le nombre de militaires dans la province, tout en affirmant que ces bataillons seraient exclusivement utilisés pour des tâches humanitaires. Pourtant les opérations contre les séparatistes du GAM, qui affirme garantir «la sécurité et un accès libre à tous les travailleurs humanitaires internationaux», n’ont pas cessé depuis la catastrophe. Les deux parties ont promis des trêves sans jamais les respecter et en s’accusant mutuellement d’être responsable de leurs échecs. Les appels au dialogue lancés jeudi  par les deux ennemis n’incitent donc qu’à un optimisme mesuré. «Nous sommes prêts à rencontrer le gouvernement d'Indonésie afin de convenir de modalités assurant le succès du cessez-le-feu et de minimiser ainsi la souffrance du peuple d'Aceh», a déclaré dans un communiqué le Premier ministre en exil de la rébellion, Malik Mahmud. Le vice-président indonésien Yusuf Kalla, qui s'est félicité de ces efforts, a répondu que «l'Indonésie déploiera des efforts similaires pour cela», sans préciser néanmoins les  initiatives que le gouvernement pourrait prendre. Beaucoup d’experts ne croit pas à la volonté indonésienne de dialoguer avec le GAM. «L'armée est radicalement opposée à cette idée, étant convaincue que discuter serait un signe de faiblesse, que cela donnerait au GAM une légitimité imméritée et que cela annihilerait tous ses efforts pour écraser par la force la rébellion» affirme Sidney Jones, responsable à Djakarta de l'International Crisis Group (ICG) dans une interview donné à l’Agence France-Presse.

En décembre 2002, un processus de négociation avait été engagé pour mettre fin à ce conflit, le plus vieux d’Asie du Sud-Est. Mais les durs de l’institution militaire indonésienne avaient tout mis en œuvre pour le faire échouer. En mai 2003, le cessez-le-feu était rompu et une vaste opération militaire lancée pour éradiquer le GAM. L’armée a tué plus de 2 000 rebelles et repris le contrôle des villes et des principaux axes routiers mais la jungle et les montagnes lui échappent toujours. Ces opérations, où de très nombreux civils ont été tués, fut très peu médiatisée permettant aux militaires de se livrer à de nombreuses exactions en toute impunité. La situation pourrait changer avec le coup de projecteur mondial donné sur la province.

par Jocelyn  Grange

Article publié le 13/01/2005 Dernière mise à jour le 13/01/2005 à 16:57 TU

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Frédérique Misslin

Journaliste à RFI

«Banda Aceh est une ville de 110 000 habitants, il en reste 40&nbsp;000»

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