Indonésie
Les survivants d’Aceh menacés par les épidémies
(Photo : AFP)
De notre envoyé spécial à Banda Aceh
Quatre-vingt quatorze mille morts. C’est le dernier bilan officiel des victimes du séisme et des raz-de-marée qui ont dévasté la province d’Aceh. « C’est un bilan provisoire », estime cependant Mickael Elmkuist, le porte-parole de la mission des Nations unies, arrivé lundi dans la capitale provinciale Banda Aceh. « Certaines régions sont toujours inaccessibles, ce qui laisse supposer des destructions considérables et donc des morts supplémentaires », a ajouté le haut fonctionnaire international. « Sans compter les victimes d’une possible catastrophe humanitaire », complète Vincent Cauche, coordinateur de la mission locale de Médecins du Monde. « Nous n’avons jamais été confrontés à une crise de cette ampleur » confirme la responsable de l’ONG britannique Oxfam. « La zone est si sinistrée, le réseau routier si impraticable et le reste des infrastructures si déficient qu’on ne pourra avancer que très lentement alors que la population est dans une situation d’urgence, une partie d’entre elle étant même dans l’extrême urgence », conclut, inquiète, la jeune humanitaire.
Le risque épidémiologique est à son paroxysme alors que des cadavres se décomposent toujours à l’air libre dans de nombreuses localités. « Nous attendons toujours que l’armée viennent les ramasser », confirme Azal, un des survivants du village de Kahju où une vingtaine de personnes sont mortes la semaine dernière d’infections pulmonaire. Dans les camps de réfugiés, qui ont déjà accueillis plus de 500 000 personnes, la situation sanitaire est également catastrophique. Les gens sont entassés dans des baraquements insalubres ou des bâtiments administratifs ravagés par le Tsunami. Les équipements sont sommaires et les condition de vie épouvantables.
Plusieurs centaines de personnes se partagent trois ou quatre grands baquets d’eau pour se laver et les toilettes se résument souvent à un trou creusé dans la terre qu’un simple carré de taule ondulé protège des regards indiscrets. Le sol crasseux sert à la fois de table à manger et de matelas. L’addition des sueurs humaines, concentrées par la chaleur équatoriale, donne à l’endroit des relents de saleté irrespirables. À cela s’ajoute la faim. On se nourrit d’un bol de riz blanc par jour et l’eau non potable est bouillie pour être consommée. « Nous n’avons reçu qu’un seul colis humanitaire », se plaint cette veuve désespérée qui n’a pu sauver qu’un seul de ses quatre enfants du désastre.
Une atmosphère de chaos
Chacun garde pourtant l’espoir de retrouver un proche dont il reste sans nouvelle. Des bureaux de recherche sont ouverts mais ils fonctionnent avec des moyens et des méthodes dérisoires. Dans le camps TVRI, installé dans les locaux de la télévision nationale indonésienne, les noms des disparus sont écrits au stylo à bille sur des feuilles volantes posées sur un carton orange. Les listes sont consultables mais elles circulent de main en main, sans aucune autorité régulatrice, dans une atmosphère de brouhaha et de bousculade.
À quelques kilomètre de là, dans le camps Sudirman, les photos et les descriptions des disparus sont accrochés aux murs d’une baraquement aux murs humides et maculés de boue. Les gens entrent librement, épinglent leur avis de recherche qu’un homme lit dans le micro d’un haut-parleur inaudible. « Nous allons prendre en main le dossier pour accélérer le processus de réunification des familles », affirme Mickael Elmkuist. L’équipe mise en place pour cette tâche sera constituée de spécialistes, connaissant bien la région puisque certains d’entre eux ont travaillé au Timor Oriental lors du processus d’autodétermination qui avait été marqué par les exactions commises par l’armée indonésienne et ses milices supplétives.
Mené à son terme, ce programme contribuera aussi à établir le bilan définitif des victimes puisqu’on pourra alors comparer le nombre des disparus avec celui des morts déjà recensés mais non identifiés avant leur enfouissement dans les fosses communes. En attendant, des centaines d’Indonésiens continuent d’affluer de toutes les îles de l’archipel pour chercher un parent ou un ami avec l’espoir de le retrouver vivant. « Le réseau téléphonique de fonctionne pas et nous ne comprenions rien au système mis en place par les autorités », enrage cet homme en provenance de l’île de Java qui n’a aucune nouvelle de sa fille et de ses petits enfants. Une semaine après la catastrophe, une atmosphère de chaos règne toujours dans la province d’Aceh.
par Jocelyn Grange
Article publié le 03/01/2005 Dernière mise à jour le 03/01/2005 à 16:38 TU