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Birmanie

Dans la Birmanie des militaires 1/2

Statuettes de la pagode de Shwedagon.(Photo : Juliette Robert/RFI)
Statuettes de la pagode de Shwedagon.
(Photo : Juliette Robert/RFI)

Le 17 février 2005 est la date annoncée par la junte au pouvoir en Birmanie pour la convocation d'une convention nationale, censée jeter les bases d'une nouvelle constitution. A l'approche de cette échéance, notre envoyée spéciale Juliette Robert s'est rendue en Birmanie.
Textes et photos de Juliette Robert.

1ère partie - 2e partie


Les mystères de Shwedagon

La pagode Shwedagon, appellé «mystère doré» par l’écrivain britannique Kipling porte bien son nom. Monument sacré pour les bouddhistes birmans, le stûpa –sorte de reliquaire d’origine indienne- atteint presque les cent mètres de hauteur, doré à la feuille, et couvert de plaques d’or en son sommet, il recèle des milliers de pierres précieuses, dont un solitaire de 76 carats posé à la pointe d’une sphère d’or pur certie de diamants.

La pagode de Schwedagon.

Tant de richesses sont là pour honorer les reliques du Bouddha, huit cheveux que le bouddha aurait confié à des marchands pour être enchassés au Myanmar. Au delà de la légende, la pagode, et la multitude de sanctuaires et de statues qui l’entourrent apparaissent comme le reflet de la richesse du pays- de son sous-sol, à défaut de sa population.

Du temps de la colonisation britannique, Shwedagon fut aussi le terrain d’élection des indépendantistes pour mener leurs activités politiques.  Aujourd’hui, les touristes se mêlent aux fidèles pour admirer cet étalage de richesses si éloignées du quotidien de la population birmane.

Des ouvriers travaillent sans cesse sur la pagode.

Quant aux échaffaudages de bambou et aux ouvriers qui arpentent le stupa du matin au soir ?  simple routine –explique-t-on aux touristes- la pagode a besoin d’être périodiquement entretenue. 

D’autres sources avancent une explication bien différente : le premier ministre Khin Nyunt et ses acolytes auraient pris l’initiative de faire graver leurs noms au sommet de la pagode. Depuis leur arrestation par la junte militaire, l’homme fort de Rangoon, le général Than Shwe a ordonné les travaux pour que soient définitivement gommées les marques du passage de Khin Nyunt au pouvoir. Une fois de plus, Shwedagon apparaît bien comme le miroir dans lequel se reflète la vie du pays.

Derrière la vitrine touristique : camps de travail et prisonniers politiques.

Le rocher-stûpa de Kyaiktiyo.
Lors d'un festival organisé près du rocher-stûpa de Kyaiktiyo.
Depuis les émeutes de 1988, la confiscation de la victoire électorale de la Ligue nationale pour la démocratie en 1990, les sanctions économiques à l’encontre de la Birmanie ont asséché les réserves de change à disposition de la junte. C’est pourquoi les autorités ont tout fait pour développer le tourisme.

Autrefois située en zone interdite dans l’Etat Môn, le rocher-stûpa de Kyaiktiyo en déséquilibre au dessus du vide attire pèlerins et touristes. Les dignitaires du régime, et les plus grosses fortunes du pays y font organiser des festivals pour s’attirer les faveurs des nat –les esprits- et s’assurer un futur prospère.

L'écrivain journaliste Ludu Sein Win, ancien prisonnier politique.
Car la Birmanie –bien que figurant sur la liste des pays les moins avancés, au même titre que le Sénégal, ou le Cambodge- dispose bel et bien des ressources nécessaires au décolage économique. Mais il n’a jamais eu lieu, et n’aura jamais lieu tant que l’armée fera main basse sur tout ce que produit le pays. C’est ce que déplore l’opposition birmane réduite au silence depuis quinze ans. L’un de ses porte-voix, l’écrivain journaliste Ludu Sein Win, ancien prisonnier politique, dresse l’inventaire de tout ce que les généraux ont pillé : minéraux, jade et rubis, forêts et gisements de gaz. Sans que les profits réalisés ne retombent jamais dans l’assiette des ouvriers, mineurs et paysans, soumis à des conditions de travail moyen-âgeuses, quand ce n’est pas purement et simplement du travail forcé.
Les paysans, comme les ouvriers ou les mineurs, sont soumis à des conditions de travail moyen-âgeuses.

Un mur d'enceinte de la prison d'Insein, derrière lequel on aperçoit un mirador.
Le peuple birman souffre en silence, tout mouvement de contestation est durement réprimé. Un à deux milliers de prisonniers politiques sont encore enfermés dans une centaine de lieux de détentions répartis sur tout le territoire. Il y a la célèbre prison d’Insein dans les faubourgs de la capitale, mais aussi les camps de travail, comme celui de Moatpallin sur la route reliant Rangoon au site touristique et sacré de Kyaiktiyo. De la route on aperçoit les carrières de marbre, et sur les bas côtés, des tas de caillous attendent d’être chargés à bord de camions à destination des chantiers. Certains jours, on peut voir les prisonniers à la tâche, chaînes au pieds. Ce traitement est en principe réservé aux prisonniers de droit commun, mais il arrive que des prisonniers politiques y séjournent.
Le camp de travail de Moatpallin avec ses carrière de marbre.

A l’automne, la junte a annoncé une vague de libérations de prisonniers, avant tout des prisonniers de droits commun, à l’exeption de quelques anciens détenus politiques, épuisés par des décennies d’enfermement.

Malgré tout, le pouvoir birman n’a pas relâché l’étau sur les mouvements d’opposition.

Une opposition muselée

Aung San Su Kyi, Prix nobel de la paix, et leader du principal parti d’opposition, la Ligue Nationale pour la Démocratie, est en résidence surveillée, et le régime a encore durci le ton à son égard, depuis le limogeage du Premier Ministre Khin Nyunt. Elle est désormais privée de tout contact avec l’extérieur, ce qui paralyse le fonctionnement de son parti. Les caciques du parti n’osent faire un geste sans l’aval de celle qu’ils appellent «la dame».

Réduits à la clandestinité, les plus jeunes, parmi les sympathisants de la Ligue contestent les responsables de l’ancienne génération, mais la personnalité de Aung San Su Kyi continue de faire l’unanimité.

Portrait de Aung San Su Kyi, dans la cuisine de la militante Ludu Daw Amar.
Son image trône dans la cuisine de Ludu Daw Amar. Femme de lettre de Mandalay, connue pour avoir fait de la langue birmane écrite, une langue accessible au peuple, Ludu Daw Amar a consacré toute sa vie à l’avènement de la Démocratie en Birmanie. Elle et son mari ont lancé le premier quotidien birman en 1945, avant même la fin de la colonisation britannique. Ils ont chacun fait quelques années en prison, perdu l’un de leur fils dans les purges du parti communiste, assisté à l’arrestation d’un autre fils, resté neuf ans en prison, tandis qu’un troisième est condamné à l’exil depuis 28 ans. Aujourd’hui âgée de 90 ans, Daw Amar craint de ne jamais le revoir, elle n’en reste pas moins inflexible sur le plan politique. « Jamais les militaires ne lâcheront le pouvoir , sans de nouvelles émeutes. Il n’y aura pas de changement sans un nouveau bain de sang » affirme la vieille militante.  

De fait, depuis des décennies, la vie politique et sociale en Birmanie est quasiment au point mort...

 

«Prisonniers politique en Birmanie»
Reportage en Birmanie
[15/02/2005] 19 min 30 sec
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«Vie quotidienne en Birmanie»
Reportage en Birmanie
[15/02/2005] 19 min 30 sec
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Suite du reportage >>



par Juliette Robert

Article publié le 10/02/2005 Dernière mise à jour le 15/02/2005 à 12:39 TU

Réalisation multimédia : Claire Wissing

Audio

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