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Venezuela-Colombie

Retour au calme diplomatique

Le président vénézuélien Hugo Chavez (D) et son homologue colombien Alvaro Uribe (G) ont mis fin à la crise diplomatique survenue récemment entre les deux pays.(Photo : AFP)
Le président vénézuélien Hugo Chavez (D) et son homologue colombien Alvaro Uribe (G) ont mis fin à la crise diplomatique survenue récemment entre les deux pays.
(Photo : AFP)
Les présidents vénézuélien et colombien Hugo Chavez et Alvaro Uribe ont fait la paix ce mardi à Caracas. Le premier a décidé d’effacer le différend entre les deux pays, provoqué par l’arrestation d’un dirigeant des Farc au Venezuela. Bogota niait l’évidence, Caracas exigeait des excuses. Mais grâce à la médiation de pays amis, la crise a été finalement surmontée.
De notre correspondant à Caracas

Ils plaisantent pendant la conférence de presse, s’échangent des politesses, citent Simon Bolivar, le libérateur de leurs deux peuples. Les phrases de l’un et de l’autre sont pleines de «pays frères» et de «peuples égaux». Le président vénézuélien Hugo Chavez et son homologue colombien Alvaro Uribe sont amis et voulaient le faire savoir ce 15 février à Caracas, à l’issue d’une rencontre bilatérale.

«Nous avons décidé de tourner la page», a affirmé Hugo Chavez en allusion à la grave crise diplomatique survenue récemment entre les deux pays. La plus grave depuis 1987 et une incursion d’un navire colombien dans les eaux vénézuéliennes. Venezuela et Colombie avaient alors été au bord des armes. Ce n’a pas été le cas cette fois mais tous les projets communs à la frontière et les relations commerciales ont été gelés à la mi-janvier par le gouvernement Chavez, dans l’attente d’excuses de Bogota. L’ambassadeur vénézuélien en Colombie avait également été rappelé pour consultations au même moment. 

La crise, elle, s’est nouée un mois plus tôt. Le 15 décembre, la police colombienne annonce l’arrestation de Rodrigo Granda, connu comme le « ministre des Affaires étrangères » des Farc (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), la plus importante guérilla colombienne.

Mais cette capture vire rapidement à la polémique : de nombreux témoins affirment que Granda a été appréhendé le 13 décembre sur le territoire vénézuélien, dans une cafétéria du centre de Caracas et non dans la ville frontière colombienne de Cucuta comme l’affirment le gouvernement Uribe.

Les Farc elles-mêmes confirment, dans un communiqué diffusé début janvier, le rapt de leur dirigeant et exhortent le président Chavez de faire la lumière sur cet incident.

Lequel arrive vite à ces mêmes conclusions et demande des explication pour le «viol de la souveraineté nationale». Mais le gouvernement colombien persiste à situer le lieu de l’arrestation de Granda sur son sol. Avant de commettre un impair de plus en reconnaissant, par la voix du ministre de la Défense Jorge Uribe, qu’ils ont récompensé des policiers vénézuéliens qui ont participé à la capture du guerrillero. Hugo Chavez exige alors des excuses.

Elles ne viendront jamais. Au contraire, Bogota contre-attaque en accusant son voisin d’avoir hébergé en toute connaissance de cause Granda et de laisser agir sur son sol une dizaine d’autres guerrilleros de haut rang des Farc et de l’ELN (Armée de Libération Nationale).

Une grande partie de l’opposition vénézuélienne, fidèle à son antichavisme outrancier, s’est très vite plus ému des papiers vénézuéliens que Granda possédait que de sa capture. Toutefois, elle a aussi pointé du doigt le fait que d’autres guérilleros colombiens pourraient avoir acquis la nationalité vénézuélienne grâce à une opération de régularisation express de ressortissants étrangers, menée par le gouvernement Chavez au printemps 2004. Ces interrogations ont été, sans surprise, suivies par des accusations de mansuétude du chef de l’État vénézuélien à l’égard des guérillas colombiennes. Une allégation digne «d’un roman de Garcia Marquez, d’un feuilleton», selon Hugo Chavez.

Les États-Unis lui ont eux aussi demandé de reconnaître que «tant les Farc que l'ELN et les groupes paramilitaires sont des organisations terroristes» tout en apportant leur soutien à leur fidèle allié Alvaro Uribe tout au long de la crise. Les autorités de Caracas ont immédiatement répliqué que l’administration Bush était à l’origine de la brouille. Ils ont joué «le rôle du diable», a affirmé le vice-président José Vicente Rangel. S’en est suivi une passe d’armes de plus entre Condoleezza Rice – «le gouvernement Chavez est une force négative dans la région» – et Hugo Chavez : «Oui, nous sommes une force négative, parce que nous disons non à l'impérialisme».

Les pays d’Amérique latine et centrale, sentant s’envenimer dangereusement la situation, ont proposé leur médiation. Et c’est grâce à l’intervention du Pérou, du président brésilien Lula et de Cuba notamment que le différend a pu être surmonté, officieusement dès la fin janvier. La visite officielle d’Alvaro Uribe, reportée le 3 février pour cause d’intoxication alimentaire puis de problèmes d’ouïe, lui aura permis d’apporter un point final à la crise.

Lors de la conférence de presse au palais présidentiel de Miraflores, Hugo Chavez a annoncé la reprise des échanges commerciaux, estimés à 2,5 milliards de dollars en 2004, entre les deux pays. Mais si les deux chefs d’État ont abordé le thème de la coopération économique et promis une meilleure collaboration dans la «lutte contre le terrorisme», aucune annonce concrète n’a été faite sur ce sujet. Alvaro Uribe s’est borné à rappeler qu’il y a entre les deux voisins «2 000 kilomètres de frontière où il y a et où il y a toujours eu des problèmes». Un doux euphémisme pour ne pas évoquer la porosité de cette frontière, dont profitent allégrément les groupes illégaux.


par François  Meurisse

Article publié le 16/02/2005 Dernière mise à jour le 16/02/2005 à 17:47 TU