Edition
Terre humaine a cinquante ans et pas une ride
(Photo : DR/Editions PLon)
L’exposition s’achève sur ce qui aurait tout aussi bien pu constituer une entrée en matière du sujet, une reconstitution de l’Allée des baleines, la «Delphes de l’Arctique». Cette allée, composée de deux alignements de mâchoires de cétacés tournées vers le ciel sur cinq mètres de hauteur, de groupes de gigantesques crânes renversés et d’un sanctuaire de pierres, est un ancien haut lieu sacré des Inuits, vestige d’une culture chamanique vouée à l’oubli.
Cette reconstitution est symbolique et renvoie à la cause défendue toute sa vie par Jean Malaurie, à sa lutte contre le mépris des minorités écrasées par la mondialisation. C’est également un écho aux expéditions solitaires que le chercheur scientifique mena dans le Grand Nord, dont il fit sa terre d’adoption. Jean Malaurie fut le témoin de la brutale implantation d’une gigantesque base nucléaire sur le site de Thulé où vivaient trois cent cinquante Esquimaux qui durent alors quitter la terre de leurs ancêtres. Révolté, engagé, il entreprenait dès lors de secouer le monde et d’éveiller ou réveiller les consciences en invitant les hommes à s’interroger sur leur passé et leur devenir à travers des récits. Tous les ouvrages édités dans la collection Terre humaine ont un dénominateur commun, et posent le questionnement fondamental de l’homme dans sa relation à ses semblables et à son milieu.
La vie inuit. Jean Malaurie, mai 1951. (Photo : Michel Urtado) |
«Nous sommes des camarades en Terre humaine !»
Illustration de Tristes Tropiques. Le meilleur informateur de l'auteur (Bororo) en tenue de cérémonie.
(Photo : Claude Lévi-Strauss)
La troisième partie pointe sur le processus de fabrication d’un ouvrage à travers la genèse de L’Eté grec de Jacques Lacarrière, depuis les carnets de voyage, les photographies prises sur le terrain, et les documents collectés par l’auteur jusqu’aux épreuves corrigées. Ces textes sont tous le résultat d’un travail de longue haleine, documenté, érudit, pétri d’enquêtes et de regards croisés, accompagnés de documents photographiques ou de croquis attestant d’un souci de véracité pour rester au plus près de l’authenticité et de la rigueur scientifique, attestant également d’un désir d’offrir au lecteur différentes voies pour construire son propre cheminement intellectuel. En fin de parcours, l’accent est mis sur le succès de la collection auprès d’un large public qui forment ensemble une «communauté en Terre humaine», sans frontières, car les textes sont traduits et diffusés dans le monde entier: «Nous sommes de
s camarades en Terre humaine !», disait Pierre Jakez Hélias.
Jean Malaurie a choisi de donner comme logo du cinquantenaire de la collection le titre de l’un de ses ouvrages les plus inspirés sur la vie de pauvres métayers de l’Alabama réduits à la misère par la grande dépression des années 30: «Louons maintenant les grands hommes !» de James Agee et Walker Evans, véritable livre-culte pour toute une intelligentsia américaine, française et allemande. Dans un entretien livré à Livres hebdo, Jean Malaurie s’est exprimé : «Le livre est essentiel. Il est là pour consigner les pensées et les paroles de l’homme avant qu’elles ne s’évanouissent. (…) [L’exposition organisée] rend justice aux auteurs de la collection, aux ‘camarades en terre humaine’».
par Dominique Raizon
Article publié le 17/02/2005 Dernière mise à jour le 17/02/2005 à 17:57 TU
Réalisation multimédia : Pascale Hamon