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Iran

Spectacle de désolation à Zarand

Les recherches de survivants continuent dans le village de Oudkan, dans la province de Kerman.(Photo : AFP)
Les recherches de survivants continuent dans le village de Oudkan, dans la province de Kerman.
(Photo : AFP)
Le séisme qui a frappé la province de Kerman, dans le sud-est de l’Iran à 5h55 du matin, heure locale, a fait plus de 500 morts selon un dernier bilan donné par les officiels iraniens. Une cinquantaine de villages ont été détruits entre 30 et 70% et il y a deux villages entièrement détruits par le tremblement de terre.

De notre envoyé spécial à Zarand

Juché dans les montagnes enneigées de la région de Zarand, le village de Houdkan est sans doute le village le plus touché par le séisme. Pour y accéder, il faut parcourir une longue route sinueuse que la pluie a transformée en gadoue. La pluie fine qui tombe sur toute la région depuis mardi matin, mais aussi la chute de nombreuses pierres et de rochers ont rendu particulièrement difficile l’accès.

Sur la route, le convoi des secouristes parmi lesquels il y a des camions militaires remplis de soldats envoyés sur place pour dégager les décombres croise trois ambulances avec chacun entre 8 et 12 corps enveloppés dans des couvertures et entassés les uns sur les autres, que les équipes de secours déjà sur place ont pu dégager.

Dans le village de Houdkan, enveloppé dans un brouillard dense, c’est un spectacle de désolation. À peu près toutes les maisons ont été détruites. Le commissariat et la poste sont les rares bâtiments encore debout. Dans les décombres, les animaux domestiques et des survivants qui essayent de se protéger du froid en s’enveloppant avec des couvertures errent parmi les décombres. Mardi, les équipes de secours ont dégagé 130 corps dans ce village qui compte entre 600 et 900 habitants selon les saisons. Mercredi matin, les secouristes ont réussi à sortir des décombres une quarantaine d’autres corps mais aussi une survivante Zahra Mirzaië âgée de 24 ans. Le général Hossein Maroufi, officier des gardiens de la révolution responsable des opérations de secours dans ce village, affirme qu’il reste encore une centaine de corps à dégager des décombres et les habitants parlent, eux de 300. Difficile de savoir.

Mercredi matin, les secouristes apportent un corps suivi immédiatement par trois autres dont deux enfants qu’ils déposent devant le commissariat. « C’est mon frère, sa femme et ses deux enfants », pleure Seyed Ali Hosseini. Entre deux sanglots, il vit encore que le corps de son autre frère, de sa femme et de sa fille avait déjà été emmené dans la ville voisine de Zarand, ce qui porte à sept le nombre des morts dans sa famille proche. Au cimetière de Behesht-e-Zahra de Zarand, une énorme tranchée large d’au moins 20 mètres et longue de plus de 200 mètres a été creusée à l’aide de bulldozers. Des corps sont emmenés par trois ou quatre à l’arrière de camionnettes ou d’ambulances sur place. Là, de jeunes mollahs dirigent la prière des morts avant que les familles enterrent les leurs. Le silence est déchiré par les sanglots d’une femme d’une cinquantaine d’années qui cite les noms de sa mère, sa sœur, son frère et leurs enfants tous tués par le séisme.

« Un goût amer après l'expérience de Bam »

« J’avais fait mes ablutions pour me préparer à la prière lorsque le monde s’est écroulé autour de moi. J’ai couru dans le jardin et j’ai retrouvé ma femme et ma fille qui étaient déjà sorties et mes deux fils sont restés sous les décombres. J’ai dû creuser plus de deux heures avec des voisins pour les sortir des gravats », raconte un habitant d’un des villages de la région. Le séisme est en effet survenu à l’heure même de la prière et beaucoup de villageois étaient réveillés à ce moment-là et ont pu se précipiter à l’extérieur de leur maison.

Alors que dans le village de Houdkan, les survivants sont abattus par l’ampleur de la catastrophe, ailleurs c’est la colère. Au village d’Islamabad, des habitants en colère ont barré la route pour protester contre le retard dans la distribution de l’aide. Une vingtaine d’hommes se sont allongés sur la chaussée mercredi matin pour empêcher le convoi du ministre de l’Intérieur Abdolvahed Moussavi Lari de passer alors que d’autres attaquaient les voitures à coups de pierres. « Nous avons faim, il nous faut des couvertures et des tentes », crie une femme en colère menaçant les automobilistes avec deux grosses pierres qu’elle tient dans ses mains.

Beaucoup d’habitants, par crainte d’un nouveau séisme, ont passé la nuit dehors sous une pluie fine et dans un froid glacial. D’autres se sont réfugiés dans les mosquées. Beaucoup de gens craignent de retourner dans leur maison car les murs et les toits de nombreuses habitations portent des marques de failles plus ou moins grandes provoquées par le séisme.

En visite dans la région sinistrée, le ministre de l’Intérieur a affirmé que l’Iran ne demandait pas l’aide internationale ajoutant qu’il accepterait néanmoins si l’aide était sérieuse. « Nos équipes ont bien réagi et puis nous avons gardé un goût amer après l’expérience de Bam », a-t-il expliqué. Il a ajouté qu’après le séisme qui avait fait plus de 30 000 morts en décembre 2003 dans la même région, « de nombreux pays avaient offert une aide créant ainsi beaucoup d’attente chez les rescapés. Et finalement seule une petite partie de l’aide promise nous a été envoyée ». « Nous ne voulons pas recommencer la même expérience », ajoute le responsable iranien. 


par Siavosh  Ghazi

Article publié le 23/02/2005 Dernière mise à jour le 23/02/2005 à 17:35 TU