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Buenos Aires restructure sa dette

Néstor Kirchner, le président de l’Argentine (en photo) avait défini l’offre «<I>à prendre ou à laisser</I>».(Photo : AFP)
Néstor Kirchner, le président de l’Argentine (en photo) avait défini l’offre «à prendre ou à laisser».
(Photo : AFP)
La restructuration de la dette argentine, qui met un terme à la cessation de paiement la plus importante de l’Histoire, a obtenu un taux d’adhésion d’au moins 70 %. C’est un succès personnel pour le chef de l’État, qui avait présenté une offre «à prendre ou à laisser».

De notre correspondant à Buenos Aires

«Nous avons réussi la meilleure négociation du monde pour la plus importante dette du monde», a déclaré le président Néstor Kirchner vendredi 25 février, après avoir reçu confirmation que l’offre d’échange pour les titres en cessation de paiement avait recueilli un taux d’acceptation d’au moins 70 %. Compte tenu de l’avalanche d’ordres des dernières heures, il n’est pas exclu que le niveau d’adhésion définitif soit encore supérieur. De fait, nombre d’experts, à commencer par les analystes de JP Morgan, n’excluent pas que le chiffre officiel qui sera communiqué jeudi 3 mars atteigne ou dépasse 80 %.

Le chef de l’État argentin, qui fêtait vendredi ses 55 ans, ne pouvait imaginer plus beau cadeau d’anniversaire. Avec un résultat final que nul n’aurait osé pronostiquer il y quelques mois, la restructuration de la dette est un succès personnel pour lui. Presque un triomphe, tant la volonté du président a été décisive dans cette affaire. C’est Kirchner qui a défini l’offre, «à prendre ou à laisser», présentée en septembre 2003 à Dubaï, à l’occasion des assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Et alors que les marchés attendaient par la suite une amélioration que le ministre de l’Économie Roberto Lavagna aurait été près d’accorder, le président n’a plus bougé. Cette position dure a finalement été payante et la restructuration achevée le 25 février créé un précédent à plus d’un titre.

L’Argentine n’est plus «en défaut»

Elle met en effet un terme au «défaut souverain» le plus élevé de l’Histoire : 81,8 milliards de dollars, 100 milliards avec les intérêts. Le plus long de l’époque moderne aussi, puisque la cessation de paiement, décrétée en pleine crise par l’éphémère président Adolfo Rodríguez Saá, datait de décembre 2001. Quant à la décote que la majorité des créanciers a fini par accepter, c’est également la plus forte de tous les temps : 50 % environ sur le nominal, 65 % en valeur actualisée nette. En moyenne, les détenteurs d’obligations impayées recevront 35 cents par dollar.

Il faut cependant avoir à l’esprit, pour comprendre le succès de l’opération, que cette perte moyenne de 65 cents par dollar ne correspond pas toujours à la réalité. Nombre de ceux qui ont accepté l’échange sont des fonds d’investissement internationaux qui avaient  acheté les titres de la dette argentine avec une décote déjà importante, quand le défaut était prévisible, sinon annoncé. Certains font même une bonne affaire aujourd’hui. Quant aux créanciers argentins, les plus nombreux (ils détenaient près de 40 % de la dette totale, pour l’essentiel par l’intermédiaire de fonds de pension), leur perte exprimée en pesos sera limitée grâce au taux de change favorable choisi par le gouvernement pour comptabiliser les bons. Les plus pénalisés sont sans doute les investisseurs individuels étrangers qui ont payé leurs obligations  au prix fort. Ce serait le cas d’une part significative des 450 000 petits porteurs recensés en Italie : en l’occurrence, la responsabilité des banques qui ont placé des titres spéculatifs et à haut risque auprès de simples retraités pourrait être engagée.

L’échange réussi par l’Argentine confirme par ailleurs qu’un débiteur, s’il est souverain, a un pouvoir très supérieur à celui de ses créanciers, surtout si ces derniers sont nombreux et divisés. Néstor Kirchner l’a sans doute mieux compris que les dirigeants de pays qui se sont trouvés dans des situations comparables dans un passé récent (Russie, Équateur, etc.). Le Comité global de détenteurs de bons argentins (CGAB, selon ses sigles en anglais), qui affirmait représenter un nombre important d’investisseurs qui rejetaient les conditions de la restructuration, n’a rien pu faire pour bloquer l’opération en dépit d’un intense lobbying. Sortent également affaiblis de l’affaire le FMI, qui n’avait cessé de réclamer une amélioration de l’offre, et le G7, qui n’a pu adopter une position commune ni donner satisfaction à deux de ses membres qui rejetaient l’échange (Italie et Japon).

La sortie du défaut permet d’augurer une nouvelle année de forte croissance pour l’Argentine en 2005 : au moins 6 %, après 8,8 % en 2003 et 2004. Quant au président Kirchner, il se trouve en excellente position pour affronter les élections législatives du mois d’octobre. Reste à savoir s’il saura dominer sa victoire. Malgré la restructuration, le poids de la dette reste important (80 % du PIB). Si les indicateurs sont au vert, la prudence qui a caractérisé la gestion de l’économie avec Roberto Lavagna demeure nécessaire pour que le pays consolide son redressement.


par Jean-Louis  Buchet

Article publié le 28/02/2005 Dernière mise à jour le 28/02/2005 à 11:33 TU