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Moldavie

La victoire des communistes est un revers pour Moscou

Les communistes de Vladimir Voronine apparaissent comme les meilleurs défenseurs des intérêts nationaux moldaves.(Photo: AFP)
Les communistes de Vladimir Voronine apparaissent comme les meilleurs défenseurs des intérêts nationaux moldaves.
(Photo: AFP)
Les électeurs moldaves ont renouvelé leur confiance aux communistes du président Vladimir Voronine, crédités de 42% des voix par les sondages réalisés à la sortie des urnes. C’est un nouvel échec pour la Russie, qui soutenait ouvertement l’opposition centriste moldave.

De notre envoyé spécial à Chisinau

Varnita est une banlieue boueuse de la grande ville de Bender, aux mains des sécessionnistes de Transnistrie. Avant le conflit de 1992, les usines de Bender et de Tiraspol, sur l’autre rive du Dniestr, fournissaient de l’emploi à tous les habitants de la région, qui vivotent aujourd’hui de petits trafics. Une longue file d’attente s’étire devant le bureau de vote installé dans le lycée général, perdu au milieu d’immeubles délabrés. Les électeurs patientent sous la pluie, en pataugeant dans une boue de neige fondue. Une noria d’autobus amène les électeurs de Transnistrie, aux frais des autorités sécessionnistes. En milieu d’après-midi, un chauffeur expliquait avoir déjà effectué huit rotations depuis Bender. Tous les autobus sont pleins, et 4 000 électeurs avaient voté à 16 heures.

Le gouvernement de Chisinau a refusé l’ouverture de bureaux de vote en Transnistrie, et les électeurs doivent donc franchir la ligne de démarcation gardée par des «forces de paix» mixtes, russes, moldaves et transnistriennes. Le gouvernement sécessionniste a fait ouvertement campagne en faveur du Bloc Moldavie démocratique, une coalition d’opposition menée par le maire de Chisinau, Serafim Urucheanu, dans le but de déstabiliser le pouvoir du Président Vladimir Voronine.

Pas de liste électorale pour les citoyens de Transnistrie

«Dans le bus, il y avait encore des agitateurs qui nous disaient de voter contre Voronine. Beaucoup de gens vont obéir. Pas moi: j’ai profité de leur bus, mais j’ai voté pour les nôtres, pour les communistes moldaves», explique un homme d’une quarantaine d’années, qui préfère s’exprimer dans un italien hésitant plutôt qu’en russe, afin de ne pas être entendu par des oreilles indiscrètes.

Dans le bureau de vote, des panneaux indiquent les assesseurs responsables des différentes communes de Transnistrie, auprès desquels les électeurs doivent décliner leur identité. Ils peuvent présenter une carte d’identité moldave ou un ancien passeport soviétique, mais pas de documents de Transnistrie. Il n’y a pas de liste électorale, ainsi que le reconnaît le président du bureau, qui ne semble pas craindre les risques de fraude. Une poignée d’observateurs internationaux paraissent désorientés face au chaos bon enfant qui règne dans le bureau. À l’extérieur du bureau de vote, de puissants hauts parleurs diffusent en boucle de la musique traditionnelle, et des soldats moldaves des «forces de paix» se mettent en rang avant de pénétrer dans le bureau pour accomplir leur devoir électoral.

Les maisons tombent en ruines

Un autre bureau de vote est établi dans le village de Dorotcaia, une enclave moldave sur la rive gauche du Dniestr, à quelques kilomètres de la bourgade de Gligoropol. Seul le bureau de vote établi connaît un peu d’agitation. Le reste du village paraît abandonné. Les maisons tombent en ruines, et les jardins ne sont guère entretenus. Certains électeurs sont déboutés. Elena, une jeune professeur de français, n’a pas pu voter. Son passeport soviétique indiquait l’ancienne adresse de ses parents, à Tiraspol, mais elle vit à Gligoropol depuis son mariage, célébré par les autorités de Transnistrie, sans avoir été avalisé par celles de Moldavie.

«Je voulais voter pour Urucheanu, explique-t-elle. Je suis Moldave, mais mon mari est russe. Il faut la paix avant tout, la réconciliation entre nos deux républiques». La propagande russe accuse en effet Vladimir Voronine de jouer la carte de l’affrontement et de chercher à provoquer un nouveau conflit, en escomptant le soutien de l’Ukraine et de l’Europe. Les voix des quelques dizaines de milliers d'électeurs de Transnistrie qui ont pris part au scrutin ne pèsent guère alors que la participation aux élections de dimanche a été de 61% des 2,3 millions d’électeurs inscrits. Le Bloc Moldavie démocratique obtiendrait au total 28% des voix, mais le soutien non dissimulé que lui ont apporté les autorités de Transnistrie risque de le discréditer durablement, tandis que les communistes de Vladimir Voronine apparaissent comme les meilleurs défenseurs des intérêts nationaux moldaves.

Un nouvel échec pour le Kremlin

Leur victoire est donc un nouvel échec pour le Kremlin, après le succès des révolutions démocratiques en Géorgie et en Ukraine. La Moldavie cherche d’ailleurs à former un nouvel axe avec ces pays pour contrecarrer l’influence russe sur la Communauté des États indépendants. Alors qu’ils sont devenus des chantres fervents de l’intégration européenne, il ne reste plus aux communistes moldaves qu’à poursuivre leur mue pour se acquérir une véritable culture démocratique. Dans les prochains mois, le parti envisagerait de changer de nom.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 07/03/2005 Dernière mise à jour le 07/03/2005 à 10:33 TU