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Inde-Pakistan

Pervez Musharraf attendu en Inde

Le président pakistanais, Pervez Musharraf, devrait venir assister en Inde à un match de cricket Inde-Pakistan.(Photo : AFP)
Le président pakistanais, Pervez Musharraf, devrait venir assister en Inde à un match de cricket Inde-Pakistan.
(Photo : AFP)
Le président pakistanais Pervez Musharraf se rendra prochainement en Inde pour assister à l’un des matches de cricket que doivent se disputer les deux pays dans le cadre de la tournée indienne de l’équipe pakistanaise, amorcée cette semaine. Un symbole du timide réchauffement en cours entre les deux frères ennemis d’Asie du Sud.

De notre correspondant à New Delhi

Quand la diplomatie du cricket vient prêter main forte à la politique, les espoirs de paix indo-pakistanais ne peuvent en sortir que renforcés. À l’invitation du Premier ministre indien, Manmohan Singh, le président pakistanais Pervez Musharraf devrait venir assister en Inde à un match de cricket entre les deux pays. La date de son déplacement n’a pas encore été arrêtée, Islamabad ayant simplement fait savoir qu’elle étudiait « l’emploi du temps du président ».

Les médias, eux, évoquent déjà le match prévu à Calcutta à compter du 16 mars. Sachant que la tournée indienne des cricketteurs pakistanais, qui a débuté cette semaine, comptent neuf matches étalés sur 50 jours, le président devrait en tous cas trouver un créneau pour se libérer. D’autant qu’au-delà de sa passion pour ce sport, ce geste constituerait un symbole fort dans le cadre du laborieux processus de paix indo-pakistanais.

Aussi informelle soit-elle, une telle visite irait en effet dans le sens de la réconciliation entre les deux pays, ne serait-ce que parce que Musharraf ne s’est pas rendu en Inde depuis le sommet d’Agra, en juillet 2001, lequel s’était soldé par un échec retentissant. Depuis lors, les deux puissances nucléaires ont frôlé une quatrième guerre, en 2002, et bien qu’un timide processus de paix ait été amorcé début 2004, leurs relations sont encore loin d’être normalisées.

Élu en mai dernier, le nouveau Premier ministre indien, Manmohan Singh, a certes poursuivi le « dialogue global » entamé avec Islamabad par son prédécesseur, Atal Behari Vajpayee. Il a déjà rencontré Musharraf à deux reprises - lors d’un sommet régional et en marge de l’Assemblée générale des Nations unies – et les deux hommes ne cessent de multiplier les paroles apaisantes. Censé régler tous les différends bilatéraux, le fameux « dialogue global » continue néanmoins de butter sur l’empoisonnante question du Cachemire, province himalayenne divisée depuis 1947 et réclamée depuis lors par les deux pays.

Une sorte de guerre, transportée sur un terrain de sport

Des deux côtés de la frontière, les gouvernements semblent cependant animés par une réelle volonté d’aller de l’avant, ne serait-ce que pour pouvoir enfin exploiter le potentiel économique qu’offrirait des relations de bon voisinage entre leurs deux pays. L’annonce, le mois dernier, de l’ouverture d’une liaison en bus entre les deux parties du Cachemire à compter du 7 avril prochain en est la manifestation la plus concrète, cette frontière étant fermée depuis maintenant 58 ans. Mais si le dégel est amorcé, la route reste longue. Les deux pays continuent l’un et l’autre de clamer leur souveraineté sur le Cachemire, et dans la partie indienne de la province, les attentats perpétrés par des groupes islamistes pro-pakistanais restent fréquents. Un obstacle majeur à la paix puisque New Delhi a toujours accusé son voisin d’apporter un soutien militaire et financier à ces groupes séparatistes.

Au delà des « mesures de confiance » comme le bus cachemiri ou le cessez-le-feu sur la frontière, les deux pays tentent par ailleurs de multiplier les « échanges de peuple à peuple ». Des familles séparées lors de la partition de l’Empire des Indes, en 1947, ont par exemple obtenu l’autorisation de rendre visite à leurs proches pour la première fois en plus d’un demi-siècle. Des enfants pakistanais atteint de maladies graves ont aussi pu aller se faire soigner dans des hôpitaux indiens, mieux équipés.

Pour la première tournée de l’équipe pakistanaise en Inde depuis six ans, les autorités indiennes viennent par ailleurs de délivrer 10 000 visas aux supporters pakistanais. Islamabad avait fait de même, l’an dernier, à l’occasion de la première tournée de l’équipe indienne au Pakistan depuis 1989. De quoi enthousiasmer les quelque 1,3 milliard de ressortissants du sous-continent, puisque, dans les deux pays, le cricket fait littéralement office de deuxième religion. Or rien n’est plus prisé qu’un match Inde-Pakistan, vécu par les supporters des deux parties comme une sorte de guerre transportée sur un terrain de sport. Mais si, à chaque match, l’honneur national est remis en jeu, ces rencontres offrent surtout une occasion rare de dépasser les clivages traditionnels pour savourer une passion commune.

Dans ce contexte, la présence de Pervez Musharraf dans les tribunes indiennes enverrait un message clair, tant pour les ressortissants du sous-continent que pour la communauté internationale, toujours inquiète à l’idée que deux puissances nucléaires voisines ne soient pas capables de s’entendre. Et si, par chance, Manmohan Sigh décidait de le rejoindre le temps d’un match, la photo ferait le tour du monde, et le processus de paix aurait marqué un point.


par Pierre  Prakash

Article publié le 11/03/2005 Dernière mise à jour le 11/03/2005 à 13:53 TU