Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Népal

La crise humanitaire menace

La population civile : coincée entre la rébellion et l'armée.(Photo : AFP)
La population civile : coincée entre la rébellion et l'armée.
(Photo : AFP)
Prise en otage entre le marteau de la rébellion maoïste et l’enclume de l’armée régulière qui se livrent toutes deux depuis 1996 une guerre sans merci, la population népalaise a vu ces dernières années ses conditions de vie se dégrader considérablement. Cette situation s’est aggravée depuis le coup de force du roi Gyanendra qui, le 1er février dernier, a limogé le gouvernement, instauré l’état d’urgence et s’est accaparé tous les pouvoirs. Les Nations unies ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales viennent de tirer le signal d’alarme sur la grave crise humanitaire qui, selon elles, couve dans ce petit royaume himalayen.

La recrudescence des violences entre rebelles maoïstes –qui contrôlent près de 40% du territoire– et soldats de l’armée régulière est la principale cause de la dégradation, ces dernières semaines, des conditions de vie déjà précaires de la population népalaise. C’est pour cette raison que les Nations unies, l’Union européenne mais aussi une dizaine d’agences humanitaires présentes dans le pays, ont une nouvelle fois exhorté les deux belligérants à ne pas bloquer la distribution de l’aide vitale aux civils. Dans un communiqué diffusé depuis Katmandou, ces organisations affirment en effet que «l'insécurité, l'activité armée et les blocus maoïstes poussent le Népal vers l'abysse d'une crise humanitaire». Dans ce contexte, elles estiment que «tous les efforts devraient être faits pour que les civils aient accès à l’aide humanitaire essentielle et qu'un accès libre soit donné en tout temps aux secours médicaux d'urgence». 

La rébellion maoïste, dont la lutte pour l’abolition de la monarchie a fait en neuf ans plus de 11 000 morts, a décrété dimanche un nouveau blocus des transports dans tout le pays, faisant craindre de nouvelles pénuries. Un précédente grève de ce type avait le mois dernier provoqué de graves problèmes d’approvisionnement en médicaments et en produits de première nécessité dont les prix avaient flambé. Les populations civiles, qui ont déjà payé un lourd tribut à cette guerre fratricide, sont bien sûr les premières touchées par ces restrictions. «Les enfants sont en particuliers menacés», relève le communiqué des organisations humanitaires qui lancent un appel pour que les zones rurales soient approvisionnées en «vaccins, capsule de vitamine A, en tablettes vermifuges et en médicaments de bases  afin d’empêcher des morts qui pourraient être évitées». Ces organisations font notamment part d’informations alarmantes concernant des exactions contre les populations civiles. «Il y a des incidents à travers tout le Népal concernant des restrictions, des empêchements ou des menaces de la part de parties prenantes au conflit contre des activités humanitaires et de développement», indique le communiqué. 

La situation de quelque 100 000 réfugiés bhoutanais est particulièrement préoccupante. Réfugiés depuis les années 90 dans le sud-est du royaume, ils sont en effet dépendants de l’aide humanitaire internationale qui a désormais le plus grand mal à leur parvenir.

Un pays devenu paria

Déjà fortement éprouvé par la guerre civile qui fait rage depuis 1996, le Népal a sombré dans une grave crise politique lorsque le roi Gyanendra a limogé le 1er février dernier le gouvernement et décrété l’état d’urgence. Le souverain, qui a décidé de prendre en main les affaires du pays pour une durée de trois ans, avait justifié son action par l’incapacité du Premier ministre à mater la rébellion maoïste qui a, selon lui, conduit  le pays au bord de l’anarchie. Violemment réprimées, les manifestations pour un retour à l’ordre constitutionnel ont conduit des centaines de personnes dans les geôles du royaume. La presse a été muselée –les médias ont eu ordre de ne publier que les informations officielles sur les combats qui opposent l’armée aux rebelles– et les principaux dirigeants de l’opposition soit arrêtés, soit assignés à résidence. Mais sous la forte pression internationale, le roi s’est finalement résigné la semaine dernière à remettre en liberté les ténors de l’opposition qui menacent depuis d’organiser un mouvement à travers tout le pays pour l’obliger à renoncer au pouvoir.

Le coup de force du roi Gyanendra a contribué à isoler encore plus ce petit royaume himalayen parmi les dix nations les plus pauvres du monde et dont la survie dépend en grande partie de l’aide internationale. Les principaux donateurs ont d’ailleurs décidé de suspendre toute nouvelle aide à la fin de l’état d’urgence décrété le 1er février par le souverain népalais. L’Inde et la Grande-Bretagne, qui fournissent des équipements à l’armée régulière pour l’aider à lutter contre la rébellion maoïste, ont également décidé de suspendre leur aide militaire. Et l’administration Bush, qui a pourtant qualifié d’organisation terroriste la rébellion maoïste et fournit au gouvernement népalais plus de 45 millions de dollars l’année dernière, menace aujourd’hui de ne pas lui verser les 40 millions prévus cette année. 

Mais visiblement peu enclin à céder aux exigences de la communauté internationale qui réclame un retour à l’état de droit, le régime népalais a tenté longuement de se justifier mardi devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Le ministre des Affaires étrangères, Ramesh Nath Pandey, a ainsi affirmé que l'état d'urgence «était de nature temporaire et qu'à ce titre il était assoupli progressivement», son pays étant toujours attaché aux droits de l'homme. «Mais l'application effective de nos engagements dépend de notre capacité de mater effectivement l'insurrection et de rétablir la paix et la sécurité dans ce pays, pour qui je demande davantage de compréhension et de solidarité de la part de la communauté internationale», a-t-il également insisté. Selon lui en effet, le terrorisme –sous-entendu de la rébellion maoïste– fait peser une menace bien plus grande sur les droits de l'Homme.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/03/2005 Dernière mise à jour le 18/03/2005 à 18:55 TU