France
Pas de mariage avant 18 ans
(Photo : AFP)
Plus de soixante-dix mille jeunes filles d’origine étrangère vivant en France, mineures ou très jeunes, seraient concernées par les mariages forcés. Cette estimation du Haut Conseil à l’Intégration (HCI), qui date de 2003, est difficilement vérifiable. Le mariage relève de la sphère privée et, en l’absence d’enquête nationale sur cette question, il est particulièrement délicat d’obtenir la certitude qu’il y a eu consentement véritable et non obligation. D’autant que dans la plupart des cas, l’union n’est pas célébrée en France mais dans le pays d’origine des jeunes filles à l’occasion de vacances. Plusieurs communautés sont concernées par ces pratiques : les Africains, les Maghrébins, les Asiatiques, les Turcs.
Des dispositions légales existent pour intervenir en cas de soupçon sur les conditions dans lesquelles une union a été prononcée. Si le mariage a eu lieu en France, le parquet peut être saisi. S’il a été célébré à l’étranger, la procédure de demande de transcription de l’acte de mariage auprès du consulat français prévoit notamment un entretien privé avec la jeune épouse, au cours duquel il peut arriver qu’elle demande de l’aide. Le dossier est alors transmis au procureur. Dans un cas comme dans l’autre, si l’absence de consentement est reconnue, la nullité du mariage est prononcée. Mais dans la pratique, les choses ne sont pas si simples. Les tribunaux sont surchargés et ne peuvent pas toujours examiner les dossiers dans les délais. Il est aussi souvent difficile d’obtenir la preuve qu’il s’agit d’un mariage forcé. Au bout du compte, peu de procédures aboutissent donc à une annulation.
Ces mariages, lorsqu’ils concernent des jeunes filles françaises ou ayant une double nationalité, ont souvent pour objectif de permettre à l’époux, étranger, d’obtenir un titre de séjour. Mais ils aboutissent aussi à mettre des adolescentes fragiles et sans défense dans des situations insoutenables. Mariées contre leur gré, elles sont pour la plupart déscolarisées, contraintes à la solitude et violées par des maris qu’elles n’ont pas choisi. Une enquête réalisée en Grande-Bretagne a montré que parmi les jeunes femmes de 15 à 34 ans, issues des communautés du Moyen-Orient, d’Afrique, ou d’Asie, et victimes d’un mariage forcé, le pourcentage de suicidaires est de 3 à 4 fois plus élevé que chez les autres.
Une «disposition archaïque»C’est donc parce qu’il s’agit d’une atteinte évidente à l’intégrité de la personne et à son bien-être psychologique que la disposition visant à relever, en France, l’âge légal du mariage pour les jeunes filles, a été intégrée dans deux propositions de loi sur les violences conjugales, qui reconnaissent par ailleurs le viol entre époux, examinées par les sénateurs le 29 mars. L’amendement vise à faire passer de 15 à 18 ans l’âge à partir duquel le mariage est autorisé. De cette manière, il n’y aurait plus de différence entre les hommes et les femmes, et l’âge légal du mariage serait désormais le même que celui de la majorité civile.
Ces propositions ont été faites par des représentants des quatre principaux groupes du Sénat : Union pour un mouvement populaire (UMP), Union pour la démocratie française (UDF), Parti socialiste (PS), Parti communiste (PC). Le ministre de la Justice, Dominique Perben, a quant à lui fait part de son soutien à cette disposition qui pourrait mettre fin à «une fausse liberté». Car selon lui, «s’il est difficile de connaître (le nombre) de mariages forcés parce qu’ils se cachent derrière la confidentialité de la vie de famille, il ne faut pas qu’il y ait des dispositifs qui facilitent ou permettent ces pratiques».
La proposition de relever l’âge légal du mariage pour les jeunes fille a été saluée par l’ensemble des associations qui la réclamaient depuis des années. La Ligue des droits de l’homme avait même écrit au président de la République française, Jacques Chirac, pour dénoncer la «disposition archaïque» (1804) du code civil fixant l’âge légal du mariage à 15 ans. L’association avait insisté sur le fait qu’elle ne correspondait plus «à la réalité d’une société moderne» et contrevenait «au principe d’égalité» entre les hommes et les femmes. En repoussant de trois ans l’âge minimum du mariage, on protège, en effet, les jeunes filles à double titre. On leur octroie un répit supplémentaire, tout en leur permettant de mettre à profit ce délai pour acquérir plus de maturité et donc être mieux armées pour se défendre si au bout du compte elles se retrouvent tout de même confrontées à ce problème.
Il ne faut pas croire néanmoins que cette disposition réglera tout. Les mariages forcés, comme l’excision, sont d’autant plus difficiles à combattre que les victimes ont du mal à s’exprimer et à dénoncer des pratiques illégales mais encouragées par les familles pour lesquelles elles font partie de leur culture. C’est pourquoi les associations demandent d’autres dispositions comme la réforme du dispositif de transcription des mariages réalisés à l’étranger, la mise en place de mesures de protection et d’accueil pour les jeunes filles en situation de détresse ou encore l’amélioration de l’éducation et de l’information en milieu scolaire. Dans l’espoir de faire évoluer les mentalités.par Valérie Gas
Article publié le 29/03/2005 Dernière mise à jour le 29/03/2005 à 18:25 TU