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Togo

Le pouvoir lance la campagne électorale

Manifestation à Lomé. Les opposants demandent toujours le report des élections.(Photo: AFP)
Manifestation à Lomé. Les opposants demandent toujours le report des élections.
(Photo: AFP)
Un décret du président par intérim, Abass Bonfoh, a fixé la campagne électorale du 8 avril (à 0 heure) au 22 avril (à minuit). Avant même qu’elle s’achève, les forces de l’ordre auront pu voter, 72 heures avant le commun des électeurs appelés aux urnes, le 24 avril, pour choisir un successeur à Gnassingbé Eyadéma. Abass Bonfoh précise que «le dépouillement aura lieu le jour du scrutin général» où quatre candidats, validés le 6 avril par la Cour constitutionnelle, brigueront les suffrages des 2,12 millions d'électeurs recensés par le ministère de l'Intérieur entre le 28 mars et le 5 avril. Dans les allées du pouvoir Eyadéma, les supporters de Faure Gnassingbé accélèrent les préliminaires d’un scrutin qu’ils avaient voulu éviter. Dans la rue, l’opposition demande au contraire son report et donc celui de la campagne électorale.

Pour l’opposition, l’ouverture de la campagne électorale n’a pas lieu d’être fixée au 8 avril puisqu’elle remet en cause la date du 24 avril pour le scrutin présidentiel. Ce faisant, elle menace d’imposer au pouvoir une campagne en solitaire qui risque de retirer tout son lustre à la joute présidentielle. Celle-ci ne s’en annonce pas moins comme un duel, malgré la présence en lice de deux poids-plume, Nicolas Lawson, chef du Parti du renouveau et de la rédemption (PRR), et Harry Olympio, du Rassemblement pour le soutien de la démocratie et du développement. Et si les préliminaires se font à couteaux tirés, c’est que la bataille sera décisive pour Faure Gnassingbé, le candidat du parti de feu Eyadéma, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), mais aussi pour la coalition de l’opposition qui joue son va-tout avec Emmanuel Akitani-Bob, le suppléant de Gilchrist Olympio, le chef historique de l’Union des forces du changement (UFC).

La tension est montée d’un cran

Faute d’avoir réussi du premier coup le parachutage de Faure Gnassingbé dans le fauteuil de son père, président à vie pendant 38 ans, la machine RPT tourne à plein régime pour garantir son succès dans le scrutin présidentiel réclamé à grands cris internationaux. Dans le camp adverse, la tension est montée d’un cran, mercredi, le lancer de pierres succédant aux slogans martelés pour dénoncer les modalités de la révision des listes électorales et réclamer plus que jamais le report du scrutin. Chacun s’apprête donc à battre campagne à sa manière.

«Reporter les élections présidentielles me paraît dangereux pour l'avenir du pays», répond le porte-parole de Faure Gnassingbé, Pascal Bodjona. Il ajoute qu’il «faut un président élu investi d'une autorité légitime pour pouvoir amorcer le processus de réconciliation» capable de conforter le pouvoir du candidat du RPT dont la victoire ne fait, bien sûr, aucun doute à ses yeux. Pour sa part, Faure Gnassingbé bat le rappel des amis du défunt. Jeudi dernier, par exemple, il était reçu par le roi Mohammed VI du Maroc. La posture présidentielle de Faure Gnassingbé exaspère l’opposition qui se tente de se préparer à toutes les sauces plus ou moins piquantes auxquelles le RPT entend la manger le 24 avril. Elle estime déjà en avoir un avant-goût avec la révision des listes électorales.

Le chef du Comité d’action pour le renouveau (CAR), le juriste Yawovi Agboyibo, dénonce des irrégularités dans l’opération conduite par le ministre de l’Intérieur, François Boko. L’opposant accuse ce dernier d’avoir clos les formalités avec une hâte toute particulière dans certaines localités, celles dont le pouvoir «intérimaire» estimerait la loyauté douteuse. Selon Me Agboyibo, les autorités n’ont pas respecté les délais d'affichage et le temps des recours prévus par la loi électorale. Et cela, d’autant plus intentionnellement, dit-il, que «si ces prescriptions légales sont respectées, le scrutin ne peut avoir lieu avant début juin 2005». Le ministre de l’Intérieur assure pour sa part que 2, 16 millions d'électeurs sont d’ores et déjà «en possession de leurs cartes d'électeurs», après 90% des décomptes des bureaux. Les précieux documents ont en effet été distribués parallèlement au recensement qui se serait traduit par 450 000 nouvelles inscriptions sur les registres électoraux et 100 000 radiations.

L’opposition conteste la révision express des listes électorales et dénonce notamment «le refus des nouvelles inscriptions, la rétention et le détournement de cartes d'électeurs». Mercredi, plusieurs milliers de militants ont manifesté à Lomé pour exiger la reprise «intégrale» de ces préparatifs électoraux et le report du scrutin. C’est aussi ce que demandent les responsables des églises catholique, méthodiste et presbytérienne, estimant dans une déclaration commune que les «délais retenus pour les prochaines élections présidentielles sont techniquement trop courts pour que l'on attende toute la fiabilité et la transparence requises, ainsi que des résultats acceptables par tous». Les chefs religieux en appellent à «un devoir moral politique et humanitaire» international, estimant que «laisser les Togolais se débrouiller seuls dans cette situation à risques extrêmes équivaudrait à être co-responsables d'une éventuelle tragédie nationale future».


par Monique  Mas

Article publié le 07/04/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 17:48 TU