Pétrole
Le Kazakhstan entre dans le consortium de Kachagan
(Photo: eia.doe.gov)
(Carte: S Bourgoing/RFI) |
Les Kazakhs en position de force
Les autres membres du consortium, à savoir ENI, l’opérateur italien du projet, Total (France), Exxon Mobil (U.S.A.), Shell (Grande Bretagne - Pays-Bas), qui possèdent toutes 16,67 % des parts, ainsi qu’Inpex (Japon) et ConocoPhillips (U.S.A.), 8,33 % du consortium chacune, craignent que KazMunaïGaz ne profite de sa position, de représentant du gouvernement kazakh, pour ne pas honorer ses engagements à l’avenir. «Les Kazakhs savent qu’ils sont en position de force, explique un expert pétrolier, leur compagnie nationale pourrait être tentée de faire payer une ou plusieurs des majors du consortium à sa place, sachant que les investissements sont de l’ordre de trois milliards de dollars par an sur le gisement de Kachagan, et ainsi de gagner de l’argent à moindre frais.»
C’est en raison de cette crainte que BG, qui souhaitait se recentrer sur ses activités gazières, aurait préféré, pour être certaine de se faire payer, revendre ses parts au consortium. Ainsi, formellement, le droit de préemption prévu dans le P.S.A. (Production Sharing Agreement), signé en 1997, pour 40 ans, entre le gouvernement kazakh et les majors étrangères, est respecté. C’est donc le consortium Agip KCO qui cèdera la moitié des actions du gazier britannique à KazMunaïGaz, soit 8,33%, avant de se partager l’autre moitié. BG avait d’abord tenté de vendre sa part à deux groupes chinois. Les six partenaires du consortium, s’y étaient opposés, souhaitant redistribuer ces parts entre eux pour simplifier la structure de l'actionnariat, très lourd à gérer.
Gagner le plus possible
L’entrée de KazMunaïGaz dans Agip KCO inquiète également du fait de la surveillance accrue que cette ancienne république soviétique d’Asie Centrale sera en mesure d’exercer sur l’exploitation de Kachagan. « Non pas que les majors aient quelque chose à cacher, explique notre cadre du consortium, mais surtout parce que le gouvernement kazakh est très gourmand et va vouloir tirer le maximum de profit du gisement. Sachant que la fiscalité minière du pays compte déjà parmi les lourdes du monde. Mais, précise-t-il, on ne saurait lui reprocher de se comporter ainsi. Il est normal que le Kazakhstan veuille gagner le plus possible. » Le pays pourrait devenir le 5ème exportateur mondial de brut en 2015 avec environ 3 millions de barils par jour. Outre Kachagan, le Kazakhstan a d’autres gisements d’importance, comme celui de Tenguiz, 800 millions de tonnes de brut de réserves exploitables, également en Caspienne, ou celui de Karachaganak, un onshore au nord-ouest du pays, dont les réserves sont estimées à 1,2 milliard de tonnes de pétrole ainsi qu'à 1,35 milliard de m3 de gaz.
Un projet exceptionnellement coûteux
La prise de participation de KazMunaïGaz dans Kachagan n’a rien d’une catastrophe, « surtout dans un contexte où les prix du pétrole sont très élevés, explique Gael Raballand, économiste spécialiste de l’Asie Centrale. Toutefois, si le prix du baril descendait à 25 dollars pièce, ce ne serait probablement plus la même chose. » L’enclavement du pays et les conditions particulièrement difficiles d’exploitation du gisement (faible profondeur des eaux au Nord de la Caspienne, présence de glace 4-5 mois par an, pression très élevée, présence de souffre…) font de Kachagan un projet exceptionnellement coûteux ; environ 30 milliards de dollars ; c’est dix fois plus que la plupart des champs.
Mais, Kachagan en vaut la peine. Avec 45 milliards de barils (5,8 milliards de tonnes) de réserves estimées, dont 8 à 13 milliards de récupérables, Agip KCO devrait sortir chaque jour, en plein régime, un million de barils de brut de belle qualité. La production mondiale est de l’ordre de 70 millions de baril par jour. Une quantité qui pose problème pour l’évacuation. « Aujourd’hui, estime Gael Raballand, le grand souci des Kazakhs est de trouver une troisième route pour exporter son pétrole. » Aux environs de 2015, Astana ne pourra pas se contenter du C.P.C. ( Caspian Pipeline Consortium) qui passe par la Russie, et du B.T.C. (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), la route, en construction, promue par Washington afin de contourner la Russie et l’Iran.
par Régis Genté
Article publié le 10/04/2005 Dernière mise à jour le 10/04/2005 à 11:41 TU