Iran-Azerbaïdjan
Khatami à Bakou pour desserrer l’étau américain
(Photo : AFP)
Même si ces problèmes évoqués ne figuraient pas parmi les documents signés entre les deux chefs d’État, elles ont été à l’ordre du jour des discussions des deux présidents. « L’Azerbaïdjan et l’Iran ont des liens géographiques, historiques et culturelle. Il ne peut pas y avoir de problèmes entre nos deux pays qu’on ne puisse régler à la table de négociation », a déclaré aux journalistes Mohammad Khatami lors d’une conférence de presse à Bakou.
L’Iran va fournir du gaz à la république autonome du Nakhitchevan, une enclave azerbaïdjanais séparée du reste du pays par l’Arménie voisine. Les voies de communications entre Bakou et la république autonome sont coupées en raison du conflit du Haut-Karabakh, une autre enclave azerbaïdjanaise peuplée majoritairement d’Arméniens, qui oppose l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis plus de quinze ans. Téhéran se dit aussi prêt pour financer la reconstruction de l’autoroute Bakou-Astara, longue de 320 km reliant les deux pays.
Une voie de chemin de fer reliant les deux réseaux ferroviaires devrait également être construite dans le cadre du projet Nord-Sud, corridor de transport entre l’Inde, l’Iran et la Fédération de Russie. Ainsi le volume du fret transitant via l’Azerbaïdjan vers la Russie et le reste de l’Europe atteindrait quelque 10-15 millions de tonnes d’ici quelques années.
Nombre d’experts à Bakou lient cette visite du président iranien au renforcement de la présence militaire en Azerbaïdjan, qui met Téhéran mal à l’aise. Les États-Unis, qui ont soutenu de grands projets d’hydrocarbures dans la région Caspienne, accroissent leur aide militaire aux pays de la région comme la Géorgie, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan.
La lutte d'influence entre Washington et Téhéran
« Téhéran veut plaire à Bakou », titre le quotidien Zerkalo, à la Une. « L’Azerbaïdjan veut s ’intégrer davantage dans les institutions euro-atlantiques, alors que Téhéran se cherche des amis anti-américains », commente le journal. Entouré en Afghanistan et en Irak par les Américains, classé parmi les pays de « l’Axe du mal » par George W. Bush, le président américain, l’Iran veut normaliser ses relations avec les pays voisins.
« La sécurité de l’Azerbaïdjan est notre sécurité. La frontière entre nos deux pays doit être une frontière de paix et de l’amitié », a ajouté Mohammad Khatami. Il est évident que l’Azerbaïdjan devient une zone de lutte d’intérêt entre Washington et Téhéran. Récemment, le Pentagone a débloqué quelque 5 millions de dollars d’aide à l’armée azerbaïdjanaise et des manœuvres militaires conjointes auront lieu dans la Caspienne afin de protéger les gisements pétroliers en mer. Washington ne cache pas ses intentions de dépêcher des unités mobiles en Azerbaïdjan, tout en niant la présence bases militaires permanentes.
En 2001, un bateau azerbaïdjanais explorant pour le compte de la compagnie BP dans une zone disputé de la Caspienne avait été obligé par des navires militaires et l’aviation iraniens de faire marche arrière. Depuis, les trois pays riverains de la Caspienne, l’Azerbaïdjan, la fédération de Russie et le Kazakhstan, ont signé un accord trilatéral sur le partage de la mer, alors que le Turkménistan et l’Iran s’opposent toujours à une partage de la mer sur la longueur des frontières en exigeant une division égale, c'est-à-dire 20% chacun. Le bassin Caspien recèle près de 5% des réserves mondiales d’hydrocarbures. La construction de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan long de 1 760 km, reliant la Caspienne à la Méditerranée, s’achèvera début 2005. Près d’un million de tonnes de brut par jour y coulera en direction des marchés occidentaux.
Le séparatisme azéri se renforce en Iran
Vingt pour cent de la population iranienne sont des Azéris parlant la même langue que les habitants de l’Azerbaïdjan. Le mouvement séparatiste s’est renforcé depuis l’indépendance de l’Azerbaïdjan en 1991 dans les régions du nord de l’Iran. De nombreux dissidents qui ont réussi à fuir le régime iranien ont trouvé refuge à Bakou d’où ils mènent leur combat. Ils demandent des droits à l’éducation en leur langue maternelle - l’azerbaïdjanais et un statut d’autonomie. L’Iran y voit aussi un danger, car cette population pourrait être utilisée par Washington pour troubler la situation à l’intérieur du pays. Un consulat azerbaïdjanais devrait ouvrir ses portes prochainement dans la ville de Tabriz, dans le nord de l’Iran, où la majorité de la population est ethniquement azérie. Quoi qu’il en soit, les politologues disent que dans la situation actuelle, Téhéran pourrait faire des concessions à Bakou sur des questions qui datent de plus de 15 ans.
par Kamil Piriyev
Article publié le 06/08/2004 Dernière mise à jour le 06/08/2004 à 09:15 TU