Asie centrale
La Caspienne, fragile eldorado du caviar
Début janvier, dans les eaux territoriales du Kazakhstan, les garde-côtes ont arrêté un bateau enregistré à Bakou, en Azerbaïdjan, et appartenant à une société de pêche privée avec 2 tonnes d’esturgeons et près de 3 kilos de caviar à son bord. Huit personnes se trouvaient dans la barge, vraisemblablement tous des braconniers. Cette affaire illustre la fragilité d’une activité menacée par le pillage des riverains et un écosystème pollué.
De notre correspondant à Bakou
L’apparition de braconniers étrangers dans les eaux territoriales kazakhes n’est pas la première, surtout en cette période de nouvel an. L’an dernier les garde-côtes kazakhs ont arrêté 12 bateaux étrangers dont quatre appartenaient à des sociétés azerbaïdjanaises. Quelque 6,4 tonnes d’esturgeons et 75 kilos de caviar ont ainsi été saisis au cours de l’année 2003 aux larges des côtes kazakhes de la mer Caspienne.
L’équipage du «Kapaz», le bateau arrêté le 8 janvier dernier dans la baie proche de la ville de Bautino, dans l’ouest de Kazakhstan, a déclaré s’être perdu à cause de la tempête. Les pêcheurs se sont réfugiés dans la baie près de cette ville portuaire et la radio étant en panne ils n’ont pas pu joindre les services côtiers. Le poisson et le caviar, ils l’auraient repérés «par hasard» dans les filets en mer et ramassés. Le braconnage est très répandu dans les républiques de l’ex-URSS, notamment le Kazakhstan, la Fédération de Russie, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan, devenus depuis 1991 de nouveaux Etats riverains de la Caspienne.
A Neftchala, une ville azerbaïdjanaise située dans l’ouest de la Caspienne la pêche illégale a beaucoup augmenté ces dernières années. Autrefois ville de pêcheries et de conserveries, elle a vu fermer toutes ses entreprises liées à la pêche après l’effondrement de l’URSS. La pêche illégale et le commerce d’esturgeon et du caviar permettent de survivre à des dizaines de milliers de gens dans des villes littorales de la Caspienne. Souvent le braconnage se fait en toute complicité avec les garde-côtes et les autorités locales dont le niveau très bas des salaires ne fait que favoriser cette activité illicite.
100$ le kilo à Neftchala, 4 000 à Londres
Devenu chômeurs, ses habitants qui travaillaient dans la pêche légale ont commencé un «business clandestin» pour nourrir leurs familles. «Il y a encore 13 ans je travaillais à la conserverie Banka dans la région. On pêchait à l’époque de temps en temps pour notre plaisir. Après la fermeture de l’usine j’ai été obligé d’en faire mon métier pour gagner ma vie», explique Hasan, un habitant de Neftchala et père de famille de 50 ans. «Tous les mois chaque pêcheur paie à la police maritime une somme qui varie selon la quantité du poisson qu’on réussit à pêcher et selon le type de barque qu’on a - à rame ou à moteur. Ça peut aller de 100 dollars jusqu’à 1 000 et plus», raconte Hassan qui ajoute: «Moi, je paie près de 300 dollar aux gardes».
La Caspienne, la plus grande mer fermée de la planète est entourée par l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Iran. Elle abrite près de 90% des ressources mondiales d’esturgeon. Ces 20 dernières années le nombre des esturgeons a diminué de 142 millions à 12 millions d’individus, selon CITES, la Convention des Nations unies sur les espèces de faune et de flore en voie de disparition, soit une baisse de 90%.
Les mesures prises par certains gouvernements pour repeupler la mer ne sont pas suffisantes pour résoudre le problème de l’extinction de l’espèce. En septembre dernier une nouvelle écloserie a ouvert ses portes à Neftchala, dans l’est de l’Azerbaïdjan. Elle devrait permettre de doubler la capacité d'élevage artificiel de l'esturgeon dans ce pays, soit entre 25 et 30 millions d'alevins relâchés chaque année en mer. A part l'Azerbaïdjan, la Russie et l’Iran lâchent respectivement chaque année 55 et 18 millions de bébés esturgeons dans la Caspienne.
Pêche intensive illégale, absence de contrôle stricte sur la production du caviar, disparition de frayères et pollution de la mer sont à l’origine du déclin de la population de l’esturgeon. Le commerce illégal du caviar représente une activité très rentable, il n’est donc pas facile d’intimider les braconniers. A titre d'exemple, le prix «légal» du caviar à Londres est de 2 000 dollars le kilo et peut atteindre jusqu'à 4 000 dollars le kilo dans les magasins prestigieux. Mais sur place, les prix sont beaucoup moins chers. Si le prix d’un kilo de caviar au marché noir de Neftchala est de 100 dollars, arrivé à Bakou, la capitale, c’est déjà le double et dans les magasins prestigieux les précieux œufs sont trois fois plus chers.
Début novembre 2003, à Téhéran, les cinq pays riverains de la Caspienne ont signé un accord pour protéger son environnement. Depuis la dissolution de l’URSS, en 1991, et l’apparition de nouveaux Etats riverains, la Caspienne, riche en pétrole, d’une superficie de 370 000 km², est au cœur de la zone stratégique entre l’Orient et l’Occident. Jusqu’à l’accord de Téhéran, l’absence d’un traité sur le statut de la mer ne permettait pas de coopération active entre les pays riverains dans le domaine de la protection de l’environnement de cette mer. Dans ce contexte le récent accord de Téhéran, signé par les pays riverains, constitue un premier signe d’espoir. En attendant la ratification de ce traité, qui lui donnera alors une valeur juridique, et la prise de conscience de la gravité de la situation, l’esturgeon demeure une espèce en grand danger.
L’apparition de braconniers étrangers dans les eaux territoriales kazakhes n’est pas la première, surtout en cette période de nouvel an. L’an dernier les garde-côtes kazakhs ont arrêté 12 bateaux étrangers dont quatre appartenaient à des sociétés azerbaïdjanaises. Quelque 6,4 tonnes d’esturgeons et 75 kilos de caviar ont ainsi été saisis au cours de l’année 2003 aux larges des côtes kazakhes de la mer Caspienne.
L’équipage du «Kapaz», le bateau arrêté le 8 janvier dernier dans la baie proche de la ville de Bautino, dans l’ouest de Kazakhstan, a déclaré s’être perdu à cause de la tempête. Les pêcheurs se sont réfugiés dans la baie près de cette ville portuaire et la radio étant en panne ils n’ont pas pu joindre les services côtiers. Le poisson et le caviar, ils l’auraient repérés «par hasard» dans les filets en mer et ramassés. Le braconnage est très répandu dans les républiques de l’ex-URSS, notamment le Kazakhstan, la Fédération de Russie, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan, devenus depuis 1991 de nouveaux Etats riverains de la Caspienne.
A Neftchala, une ville azerbaïdjanaise située dans l’ouest de la Caspienne la pêche illégale a beaucoup augmenté ces dernières années. Autrefois ville de pêcheries et de conserveries, elle a vu fermer toutes ses entreprises liées à la pêche après l’effondrement de l’URSS. La pêche illégale et le commerce d’esturgeon et du caviar permettent de survivre à des dizaines de milliers de gens dans des villes littorales de la Caspienne. Souvent le braconnage se fait en toute complicité avec les garde-côtes et les autorités locales dont le niveau très bas des salaires ne fait que favoriser cette activité illicite.
100$ le kilo à Neftchala, 4 000 à Londres
Devenu chômeurs, ses habitants qui travaillaient dans la pêche légale ont commencé un «business clandestin» pour nourrir leurs familles. «Il y a encore 13 ans je travaillais à la conserverie Banka dans la région. On pêchait à l’époque de temps en temps pour notre plaisir. Après la fermeture de l’usine j’ai été obligé d’en faire mon métier pour gagner ma vie», explique Hasan, un habitant de Neftchala et père de famille de 50 ans. «Tous les mois chaque pêcheur paie à la police maritime une somme qui varie selon la quantité du poisson qu’on réussit à pêcher et selon le type de barque qu’on a - à rame ou à moteur. Ça peut aller de 100 dollars jusqu’à 1 000 et plus», raconte Hassan qui ajoute: «Moi, je paie près de 300 dollar aux gardes».
La Caspienne, la plus grande mer fermée de la planète est entourée par l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Iran. Elle abrite près de 90% des ressources mondiales d’esturgeon. Ces 20 dernières années le nombre des esturgeons a diminué de 142 millions à 12 millions d’individus, selon CITES, la Convention des Nations unies sur les espèces de faune et de flore en voie de disparition, soit une baisse de 90%.
Les mesures prises par certains gouvernements pour repeupler la mer ne sont pas suffisantes pour résoudre le problème de l’extinction de l’espèce. En septembre dernier une nouvelle écloserie a ouvert ses portes à Neftchala, dans l’est de l’Azerbaïdjan. Elle devrait permettre de doubler la capacité d'élevage artificiel de l'esturgeon dans ce pays, soit entre 25 et 30 millions d'alevins relâchés chaque année en mer. A part l'Azerbaïdjan, la Russie et l’Iran lâchent respectivement chaque année 55 et 18 millions de bébés esturgeons dans la Caspienne.
Pêche intensive illégale, absence de contrôle stricte sur la production du caviar, disparition de frayères et pollution de la mer sont à l’origine du déclin de la population de l’esturgeon. Le commerce illégal du caviar représente une activité très rentable, il n’est donc pas facile d’intimider les braconniers. A titre d'exemple, le prix «légal» du caviar à Londres est de 2 000 dollars le kilo et peut atteindre jusqu'à 4 000 dollars le kilo dans les magasins prestigieux. Mais sur place, les prix sont beaucoup moins chers. Si le prix d’un kilo de caviar au marché noir de Neftchala est de 100 dollars, arrivé à Bakou, la capitale, c’est déjà le double et dans les magasins prestigieux les précieux œufs sont trois fois plus chers.
Début novembre 2003, à Téhéran, les cinq pays riverains de la Caspienne ont signé un accord pour protéger son environnement. Depuis la dissolution de l’URSS, en 1991, et l’apparition de nouveaux Etats riverains, la Caspienne, riche en pétrole, d’une superficie de 370 000 km², est au cœur de la zone stratégique entre l’Orient et l’Occident. Jusqu’à l’accord de Téhéran, l’absence d’un traité sur le statut de la mer ne permettait pas de coopération active entre les pays riverains dans le domaine de la protection de l’environnement de cette mer. Dans ce contexte le récent accord de Téhéran, signé par les pays riverains, constitue un premier signe d’espoir. En attendant la ratification de ce traité, qui lui donnera alors une valeur juridique, et la prise de conscience de la gravité de la situation, l’esturgeon demeure une espèce en grand danger.
par Kamil Piriyev
Article publié le 18/01/2004