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Asie centrale

Azerbaïdjan : la succession ensanglantée

Ilham Aliyev, le fils unique du président sortant Heydar Aliyev, a été élu président de l’Azerbaïdjan avec 80% des voix, loin devant son adversaire le plus proche Isa Gambar, chef du parti Musavat (Egalité) qui n’a recueilli que 12% des votes. Les résultats définitifs doivent être annoncés au cours des deux prochaines semaines. De graves irrégularités ont été signalées lors du processus de vote et pendant la période préélectorale par les observateurs de l’OSCE et du Conseil de l’Europe sur place.
De notre correspondant à Bakou.

Une dizaine de milliers de partisans de Musavat en colère sont descendus dans les rues de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, pour protester contre la victoire d’Ilham Aliyev, jeudi, peu après l’annonce des résultats par la Commission centrale électorale. Deux personnes : un homme de 51 ans et un enfant de cinq ans ont trouvé la mort lors des affrontements violents entre les manifestants et les forces de l’ordre. 130 autres ont été blessés des deux côtés, dont 42 grièvement. La police a «nettoyé» le centre de la ville vers la fin de la soirée en matraquant les manifestants. Le centre de Bakou, envahi par les hommes en uniforme, avait l’aspect d’une ville en état d’urgence.
«Nous sommes venus pour défendre nos voix», dit une femme qui essaie de percer le cordon de la police pour se rejoindre aux autres manifestants à la place de la Liberté. «Isa Gambar a gagné, mais le gouvernement a falsifié les résultats», accuse-t-elle. En même temps, une centaine de jeunes, crient «Turkiyé» devant l’ambassade de Turquie en appellent les observateurs «à ne pas reconnaître les résultats du scrutin et à soutenir la démocratie en Azerbaïdjan».
«Le processus électoral dans son ensemble» n'a «pas été conforme aux normes internationales à plusieurs égards», a déclaré la Mission d’observation internationale de l’OSCE et du Conseil de l’Europe dans un communiqué de presse diffusé jeudi. «Ces élections sont une chance manquée par l’Azerbaïdjan de faire un pas vers la démocratie», dit Andreas Gross, un député suisse, qui est le rapporteur du Conseil de l’Europe pour cet Etat du Caucase.
«L'élection s'est déroulée dans un climat de tension et de pression de la part des autorités azerbaidjanaises», a remarqué un observateur de l'OSCE. A Shéki, par exemple, une ville de l'ouest du pays, presque tous les bureaux de vote étaient sous la férule des «observateurs» du parti du Nouvel Azerbaïdjan, au pouvoir depuis 10 ans.
«Ce pays méritait une meilleure élection que celle-ci», a commenté à titre personnel le chef de la mission des observateurs, Peter Eicher.

Poutine le félicite pour sa «victoire convaincante»

Isa Gambar, qui a appelé ses partisans à manifester, a pour sa part revendiqué sa victoire en déclarant que son parti «n’allait pas accepter le fait que le régime Aliyev vole une fois de plus nos votes».
Avec cette victoire, Ilham Aliyev, le fils du président Heydar Aliyev est devenu le premier pays de l’ex-URSS à s’engager dans une succession de type dynastique. Son père, gravement malade, se trouve dans un hôpital aux Etats-Unis pour des problèmes cardiaques. Heydar Aliyev qui a dirigé l’Azerbaïdjan, un pays riche en hydrocarbures, depuis plus de 34 ans a préparé la succession de son fils de longue date. Il a fait voter un referendum en août 2002 et a nommé son fils Premier ministre du pays il y a 3 mois pour faciliter la passation du pouvoir. Tous les deux étaient initialement candidats à la présidence. Le père s’est retiré de la course en faveur du fils à dix jours du scrutin.
La victoire du jeune Aliyev était aussi le souhait des majors pétroliers internationaux qui ont investi des milliards de dollars dans le secteur pétrolier de ce pays. Pour eux, la transition du pouvoir de père en fils veut dire une garantie de préservation de leurs investissements. Environ 6 milliards de dollars ont été investis ces dernières années dans le secteur pétrolier en Azerbaïdjan.
Agé de 41 ans, Ilham Aliyev, désormais le nouvel homme fort de l’Azerbaïdjan, s’est présenté comme le candidat de la stabilité, «désireux» de poursuivre la politique de son père. De nombreux analystes à Bakou avaient prédit que le premier test pour le jeune Aliyev arriverait tout de suite après les élections, c'est-à-dire la gestion de la crise due aux résultats du scrutin. Il doit démontrer qu’il est aussi fort que son père, qui a dirigé le pays d’une main de fer.
Le président russe Vladimir Poutine a été le premier chef d’Etat étranger à féliciter Ilham Aliyev pour sa «victoire convaincante». Cela confirme une fois de plus que le jeunes Aliyev se tournera plutôt vers son voisin du nord, la Russie. Le rapprochement avec Moscou sera la priorité de la politique étrangère de Bakou, tout en préservant l’équilibre entre l’Ouest et la Russie qu’avait engagé son père.



par Kamil  Piriyev

Article publié le 17/10/2003