Asie centrale
Azerbaïdjan : le pouvoir, de père en fils
Les grandes manœuvres pour la succession du vieux leader Heydar Aliev ont démarré après son annonce jeudi du retrait de la vie politique au profit de son fils Ilham. Le coup avait été préparé de longue date et ce dernier s’est immédiatement lancé dans la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 15 octobre. L’opposition dénonce une dérive monarchique du régime.
Ce n’est pas une surprise : Heydar Aliev, 80 ans, souffre d’une grave insuffisance cardiaque (il a subi un pontage coronarien en 1999). Il a été hospitalisé au mois de juillet en Turquie, puis transféré au mois d’août dans un hôpital américain où il est toujours soigné. L’affaire couvait depuis de longs mois avec la détérioration brutale de son état de santé, survenue en pleine intervention télévisée au mois d’avril. Evidemment, depuis cette date, les rumeurs couraient bon train, alimentée par quelques épisodes tels que la nomination du fils, début août, au poste de Premier ministre faisant de lui, constitutionnellement, le successeur intérimaire en cas de vacance du pouvoir. Fils unique, Ilham a également déclaré avec son père sa candidature pour la prochaine élection présidentielle qui aura lieu le 15 octobre, ce qui permet un désistement de l’un ou de l’autre à la dernière minute. Agé de 41 ans, Ilham Aliev occupe déjà des postes prestigieux. Il est vice président de la société national des pétroles d’Azerbaïdjan ; député, il préside le groupe parlementaire du Nouveau parti azerbaïdjanais ; il représente son pays au Conseil de l’Europe ; enfin, il préside le Comité olympique azerbaïdjanais.
Ces dernières semaines, la presse azerbaïdjanaise pro-gouvernementale avait donné des signes du processus en cours en publiant des articles élogieux sur le fils Aliev laissant entrevoir une évolution dynastique de la république ex-soviétique. Le leader du parti d’opposition Musavat estime que le gouvernement est en train d’installer un système monarchique et nombre d’observateurs de la vie publique azerbaïdjanaise soupçonnaient de longue date les projets présidentiels. Même au sein du régime, ils estiment qu’à la disparition du vieux leader, l’apparente cohésion du système mis en place par cet ancien chef du KGB à Bakou, ex-premier secrétaire du parti communiste local et dirigeant du pays pendant près de trente ans, pourrait s’écrouler sous l’effet du retour à la logique clanique.
L’héritage est contrasté. L’Azerbaïdjan est une république pétrolière convoitée en raison non seulement de ses richesses mais également de sa position géostratégique particulièrement avantageuse. Située au cœur de l’Asie centrale, elle est à la fois point de départ et de passage de l’or noir régional et, à ce titre, au centre du dispositif américain d’acheminement. Les compagnies pétrolières occidentales ont investi des milliards de dollars en Azerbaïdjan et ni elles, ni les gouvernements occidentaux ne sont donc pas indifférentes aux bouleversements que pourraient engendrer une transition en forme d’affaire de famille. Lors de son passage aux Etats-Unis fin août, au chevet de son père, le secrétaire d’Etat adjoint américain Richard Armitage avait confié à Ilham Aliev l’importance que son administration accordait à l’organisation d’un scrutin «transparent et démocratique» pour assurer la succession politique.
Réputation de play-boy
Sur le plan régional, Ilham Aliev a été bien accueilli par le président russe, en dépit de la distance prise par Bakou à l’égard de son ancien «protecteur», devenu champion de l’économie de marché et principal allié régional de Washington, et de la rivalité qui les oppose désormais sur le front pétrolier. Alors qu’il représentait son père le mois dernier, lors du sommet de la Communauté des états indépendants (CEI, regroupant les républiques ex-soviétiques), Vladimir Poutine a estimait qu’il représentait «le bon choix» pour son pays.
Pourtant l’Azerbaïdjan continue de souffrir d’une corruption endémique qui affecte notamment le sommet de l’Etat, alors que 40% de la population vit dans la pauvreté. L’opposition et la presse se plaignent régulièrement d’être harcelées par le pouvoir. L’élection présidentielle de 1998 (remportée par Heydar Aliev) et les législatives de 2000 ont été entachées par des fraudes. Et le problème du séparatisme arménien dans ce Caucase rongé par l’instabilité n’est toujours pas résolu : malgré un cessez-le-feu respecté, la région du Nagorny-Karabakh, soit 13% du territoire national, est toujours entre les mains des indépendantistes et échappe donc toujours au contrôle de Bakou.
Le jeune prétendant souffre par ailleurs d’une réputation de play-boy dont les soirées de débauche ont fait jaser le «tout-Bakou». Joueur, Ilham Aliev aurait perdu des sommes énormes. Ce qui n’altère apparemment pas ses chances dans la perspective de l’élection présidentielle du 15 octobre. Il dispose à cet égard des rouages de l’appareil d’Etat passé du service du père à celui du fils et rompu aux bonnes vieilles méthodes de la captation et de la conservation du pouvoir.
Ces dernières semaines, la presse azerbaïdjanaise pro-gouvernementale avait donné des signes du processus en cours en publiant des articles élogieux sur le fils Aliev laissant entrevoir une évolution dynastique de la république ex-soviétique. Le leader du parti d’opposition Musavat estime que le gouvernement est en train d’installer un système monarchique et nombre d’observateurs de la vie publique azerbaïdjanaise soupçonnaient de longue date les projets présidentiels. Même au sein du régime, ils estiment qu’à la disparition du vieux leader, l’apparente cohésion du système mis en place par cet ancien chef du KGB à Bakou, ex-premier secrétaire du parti communiste local et dirigeant du pays pendant près de trente ans, pourrait s’écrouler sous l’effet du retour à la logique clanique.
L’héritage est contrasté. L’Azerbaïdjan est une république pétrolière convoitée en raison non seulement de ses richesses mais également de sa position géostratégique particulièrement avantageuse. Située au cœur de l’Asie centrale, elle est à la fois point de départ et de passage de l’or noir régional et, à ce titre, au centre du dispositif américain d’acheminement. Les compagnies pétrolières occidentales ont investi des milliards de dollars en Azerbaïdjan et ni elles, ni les gouvernements occidentaux ne sont donc pas indifférentes aux bouleversements que pourraient engendrer une transition en forme d’affaire de famille. Lors de son passage aux Etats-Unis fin août, au chevet de son père, le secrétaire d’Etat adjoint américain Richard Armitage avait confié à Ilham Aliev l’importance que son administration accordait à l’organisation d’un scrutin «transparent et démocratique» pour assurer la succession politique.
Réputation de play-boy
Sur le plan régional, Ilham Aliev a été bien accueilli par le président russe, en dépit de la distance prise par Bakou à l’égard de son ancien «protecteur», devenu champion de l’économie de marché et principal allié régional de Washington, et de la rivalité qui les oppose désormais sur le front pétrolier. Alors qu’il représentait son père le mois dernier, lors du sommet de la Communauté des états indépendants (CEI, regroupant les républiques ex-soviétiques), Vladimir Poutine a estimait qu’il représentait «le bon choix» pour son pays.
Pourtant l’Azerbaïdjan continue de souffrir d’une corruption endémique qui affecte notamment le sommet de l’Etat, alors que 40% de la population vit dans la pauvreté. L’opposition et la presse se plaignent régulièrement d’être harcelées par le pouvoir. L’élection présidentielle de 1998 (remportée par Heydar Aliev) et les législatives de 2000 ont été entachées par des fraudes. Et le problème du séparatisme arménien dans ce Caucase rongé par l’instabilité n’est toujours pas résolu : malgré un cessez-le-feu respecté, la région du Nagorny-Karabakh, soit 13% du territoire national, est toujours entre les mains des indépendantistes et échappe donc toujours au contrôle de Bakou.
Le jeune prétendant souffre par ailleurs d’une réputation de play-boy dont les soirées de débauche ont fait jaser le «tout-Bakou». Joueur, Ilham Aliev aurait perdu des sommes énormes. Ce qui n’altère apparemment pas ses chances dans la perspective de l’élection présidentielle du 15 octobre. Il dispose à cet égard des rouages de l’appareil d’Etat passé du service du père à celui du fils et rompu aux bonnes vieilles méthodes de la captation et de la conservation du pouvoir.
par Georges Abou
Article publié le 03/10/2003