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Equateur

Le Parlement dissout la Cour suprême

A Quito, des manifestants anti-Gutierrez occupent la cathédrale de la capitale équatorienne.(Photo: AFP)
A Quito, des manifestants anti-Gutierrez occupent la cathédrale de la capitale équatorienne.
(Photo: AFP)
Le Congrès équatorien a décidé à l’unanimité, dimanche soir, de démettre de leur fonction les 31 magistrats formant la plus haute cour de justice du pays. Une mesure que réclamaient des milliers de manifestants dans les rues de Quito depuis plus d’une semaine.

De notre correspondante régionale (Lima)

La crise politique que vit l’Équateur depuis près de quatre mois a-t-elle pris fin dimanche soir ? Les parlementaires de tout bord politique l’espèrent. Après six heures et demi de débats, ils ont répondu aux demandes du peuple et voté à l’unanimité pour destituer l’actuelle Cour suprême de justice (CSJ), l’institution judiciaire la plus haute du pays. Les milliers de manifestants qui paralysaient Quito, la capitale, depuis le 13 avril, ont donc fini par avoir gain de cause et marquent un point important face à Lucio Gutierrez, le président du pays au centre de la polémique.

La rupture entre une partie du peuple et le chef de l’Etat remonte au 8 décembre, date à laquelle le Congrès national (le Parlement équatorien) à majorité progouvernementale a destitué 27 des 31 magistrats de la Cour suprême de justice, accusés d’être trop proches de l’opposition. Cette mesure suivant directement la volonté présidentielle de «dépolitiser» la justice a rapidement été jugée «anti-constitutionnelle» par les groupes d’opposition, arguant que la composition de la CSJ ne relevait pas du pouvoir législatif.

L’état d’urgence aura duré 19 heures

Cette réforme impopulaire aurait pu en rester là si le nouveau président de la Cour suprême n’avait pas envenimé la situation, trois mois plus tard, en remettant en cause deux affaires sensibles pour l’opinion publique. Le 1er avril, Guillermo Castro Dager annonçait ainsi l’annulation des procès contre deux anciens chefs de l’Etat équatorien, Abdala Bucaram (1996-1997) et Gustavo Noboa (2000-2003). Accusés de corruption, les deux hommes qui vivaient jusque-là en exil à Panama et en République dominicaine, se sont alors empressés de rentrer au pays, en toute impunité. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres et excéder les foules de Quito qui ont repris le 13 avril, le chemin des manifestations.

Face à l’ampleur grandissante du mouvement contestataire, Lucio Gutierrez, cible des manifestants, a déclaré l’état d’urgence, vendredi, et annoncé la dissolution de la Cour suprême de justice. Deux mesures qui n’ont pas suffi à arrêter les habitants de Quito qui ont continué de manifester, sans heurts ni violence. Quelque dix-neuf heures après l’avoir décrété, le chef de l’État s’est donc résolu à lever l’état d’urgence tandis que les cent parlementaires étaient appelés à se réunir lors d’une session plénière exceptionnelle pour se prononcer sur le sort de la CSJ et mettre un terme à la crise.

«Dehors, Gutierrez, pas de dictature en Équateur»

Dans la nuit de dimanche à lundi, le Congrès s’est finalement prononcé à l’unanimité et a adopté la proposition faite par l’opposition. La CSJ est bien destituée mais cette nouvelle mesure invalide les décisions prises par les juges depuis le 8 décembre: les deux anciens présidents seront donc jugés pour corruption. Une commission spéciale sera en outre chargée de désigner les 31 nouveaux membres de la Cour suprême, indispensable au bon déroulement de la vie judiciaire du pays.

Les voix de la rue ont ainsi eu raison des volontés présidentielles. Reste à voir si la réforme de la CSJ saura contenter des Équatoriens qui demandaient de plus en plus fortement la démission du président à coups de: «Dehors, Gutierrez», «Pas de dictature en Équateur»…  Dimanche, la réponse de Lucio Gutierrez a été claire: «Je ne peux pas démissionner, j’ai une grande responsabilité auprès de 13 millions d’Equatoriens et de 3 millions d’entre eux qui ont voté pour moi.» Et le président en poste depuis janvier 2003 d’assurer qu’il ne connaîtrait pas le même sort que ses prédécesseurs tombés suite à des révoltes populaires.

par Chrystelle  Barbier

Article publié le 18/04/2005 Dernière mise à jour le 18/04/2005 à 18:12 TU