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France/société

Les Français tiennent au lundi de Pentecôte

La fronde des Français grandit contre le gouvernement qui leur demande de sacrifier le lundi de Pentecôte, le 16 mai, traditionnellement férié.(Photo: Marc Verney/RFI)
La fronde des Français grandit contre le gouvernement qui leur demande de sacrifier le lundi de Pentecôte, le 16 mai, traditionnellement férié.
(Photo: Marc Verney/RFI)
Malgré une mobilisation syndicale de plus en plus forte, le gouvernement entend maintenir la suppression du jour férié. En plein contexte de grogne sociale, alors que les revendications d’augmentation salariale n’aboutissent pas, supprimer un jour férié pourrait presque faire office de provocation. Les Français tiennent à ce jour chômé qui prolonge un week end : tous les syndicats dénoncent dans sa suppression «une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales», et une enfreinte à la Convention européenne des droits de l’homme. Les organisations syndicales multiplient les appels au boycott, à la manifestation ou à la grève le 16 mai, ce qui menace de relancer la contestation sociale à 13 jours du référendum sur la Constitution européenne.

Après l’été caniculaire 2003 et l’hécatombe de personnes âgées et dépendantes, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a imposé, au nom de la solidarité intergénérationnelle, une «journée de travail gratuite aux salariés», le 16 mai. «Une journée de solidarité, c'est l'équivalent de douze téléthons pour les personnes âgées et huit pour les handicapés», plaide Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, dans un entretien publié samedi par le quotidien Libération. La loi 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité prévoit désormais «une journée supplémentaire par an des salariés, en compensation d’une contribution de 0,3% de la masse salariale payée par les entreprises».Y faisant référence, Catherine Vautrin a souligné : «Les personnes âgées concernent un Français sur trois (...) Travailler un jour par an pour eux (les aînés), ce n'est quand même pas dramatique».

«Plutôt que de toucher au pouvoir d'achat en augmentant l'impôt, Jean-Pierre Raffarin a choisi de dire : on fait un effort national, on se mobilise», fait valoir Catherine Vautrin. Par le biais des cotisations sociales supplémentaires ainsi générées, le gouvernement attend deux milliards d'euros de recettes de ce jour de solidarité, qu'il a fixé par défaut le 16 mai, les entreprises et les autorités locales étant libres toutefois de l'organiser un autre jour férié. Mais, quant au principe de base, le gouvernement est ferme : «Le gouvernement a donné l’instruction il y a quelques mois à l’ensemble des entreprises publiques et aux services publics d’assurer le 16 mai un service normal aux usagers dans tous les secteurs», a déclaré Jean-Pierre Raffarin, d’ajouter : «on travaillera le 16 mai, c’est confirmé. Il n’y a jamais eu de doutes». Catherine Vautrin assure : «Il faut être clair : il n’y aura pas d’assouplissement pour 2005» ; Guillaume Sarkozy -en tandem avec Francis Mer à la présidence du syndicat patronal, le Médef- fait chorus : «La loi est votée, il faut l’appliquer».

Bien que l’église catholique ait rappelé que du point de vue liturgique la célébration de Pentecôte n’imposait en rien un jour férié, les Français, croyants ou non, y restent attachés pour différentes raisons, comme le souligne Dominique Dupilet, président PS du conseil général du Pas-de-Calais -ou comme l’estime également Pierre Perrin, président de l’Union professionnelle artisanale-, car «c’est l’occasion de tenir des fêtes familiales, des manifestations d’ordre touristique, sportif ou culturel, voire d’échanges européens». Mais, au-delà de ces arguments festifs, les syndicats avancent des revendications d’une autre nature : les jours fériés font partie des acquis sociaux et d’une certaine manière ils représentent une valeur ajoutée aux salaires. Plus de six Français sur dix ne sont pas d’accord pour que ce jour devienne ouvré, et parmi les salariés le pourcentage atteint 75% d’opposants. L’opposition au gouvernement se trouve donc relayée par l’ensemble des syndicats, tout aussi déterminés à se faire entendre. Six des sept fédérations de fonctionnaires envisagent de faire grève, et le secteur public promet d’être très agité le 16 mai, malgré la menace de prélèvement d’une journée de salaire.

«atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales»

Force ouvrière a appelé à manifester son désaccord à «l’obligation de travailler gratuitement» (ceci par des «arrêts de travail et des grèves») et à «revendiquer des augmentations de pouvoir d’achat». FO rejoint ainsi la CGT, première confédération du pays, la FSU, première fédération de l’Education nationale, et l’union syndicale Solidaires qui appellent toutes à faire de cette journée du 16 mai une journée interprofessionnelle de grève pour défendre à la fois : les salaires, l’emploi, la réduction du temps de travail, la protection sociale et les retraites. Par ailleurs, la CFTC a saisi en référé le tribunal administratif de Paris, reprochant au texte du gouvernement une «atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales». Des préavis de grève ont déjà été déposés à la SNCF et à La Poste et, dans le privé, des appels ont été lancés dans la métallurgie et le transport.

Les partis politiques sont également montés au créneau. Mais les prises de position divergent au sein même des couleurs affichées. Le premier secrétaire du PS, François Hollande, estime que cette journée travaillée et non rémunérée «va désorganiser les entreprises et les administrations, sans apporter d’ailleurs de financement pérenne pour les personnes concernées». A Rambouillet (Yvelines), où Gérard Larcher, premier adjoint et ancien-sénateur maire, n’est autre que le ministre UMP des Relations du travail, les services municipaux resteront fermés le 16 mai. De la même manière, le député-maire UMP de Nîmes (Gard) a épousé la colère de ses concitoyens en déclarant «Il faut tenir compte de la France d’en-bas».

Le lundi de Pentecôte promet une grande discorde : férié dans telle entreprise, ouvré dans telle autre (à la Poste et à France-télécom, les directions ont annoncé que le 16 mai ne serait pas chômé), manifestations ailleurs. Pour sa part, tentant de ménager la chèvre et le chou, la SNCF a revu hier ses positions : le lundi de Pentecôte restera férié et en contrepartie les salariés devront faire la concession d’un «allongement symbolique de la durée journalière du travail d’une à deux minutes», comme l’a annoncé un communiqué de la direction. Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT-cheminots (majoritaire) se réjouit de ce «recul de la direction et du gouvernement» : «c’était une mauvaise solution que de pénaliser les cheminots pour soi-disant régler la question du financement des personnes âgées et handicapées».


par Dominique  Raizon

Article publié le 22/04/2005 Dernière mise à jour le 22/04/2005 à 20:23 TU

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Catherine Frammery

Journaliste à RFI

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