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Togo

La rue conteste la «victoire» de Faure Gnassingbé

(Carte : DK/RFI)
(Carte : DK/RFI)
La proclamation de la victoire de Faure Gnassingbé à l’élection présidentielle a déclenché de vives protestations dans la ville de Lomé.

Faure Gnassingbé se dit « président de tous les Togolais » et réitère sa volonté de constituer un gouvernement d’Union nationale pour tenter de ramener le calme à Lomé où un climat insurrectionnel est perceptible. Avant l’annonce des résultats, la ville de Lomé s’était vidée et l’affluence en centre ville et dans certains quartiers était celle d’un jour férié. Le quartier de Bè, considéré comme un fief de l’opposition est en ébullition et les jeunes militants de l’opposition ne décolèrent pas. « On nous a volé notre victoire, et cela ne se passera pas comme çà », crient les manifestants qui se préparent visiblement à des confrontations musclées avec les forces de l’ordre.

(Photo : AFP)
De nombreux magasins sont attaqués, saccagés et les assaillants crient leur volonté de reprendre ce qui leur a été « volé  pendant près de 40 ans ». Des magasins tenus par des Libanais ont été pillés et de nombreux appareils électroniques et électro-ménagers ont été emportés. Les forces de l’ordre, armées ont organisé le quadrillage de la ville et tentent de lever les barricades et de disperser les groupes de manifestants par des tirs de grandes lacrymogènes. Un hélicoptère militaire survole en permanence les zones dites « sensibles ».

Face au déploiement des forces de l’ordre, les manifestants tentent aussi de s’organiser. Des guetteurs préviennent par coups de sifflet de l’arrivée des forces de l’ordre ceux qui érigent les barricades, et font des tas de pneus auxquels ils mettent le feu. Ailleurs ce sont les symboles du pouvoir qui sont attaqués par des jets de projectiles divers, des cocktails Molotov et des pavés déterrés. Le ras-le-bol des manifestants s’exprime également à l’encontre des Français pris à partie pour dénoncer l’attitude de la France, jugée partiale et en faveur du maintien du Togo sous le joug du clan Eyadéma.

De leur côté, des milliers de supporteurs de Faure Gnassingbé ont manifesté en fin d'après-midi dans le nord de la capitale. Ils se sont rassemblés sur le boulevard Gnassingbé Eyadéma, dans le quartier Forever. Certains manifestants ont voulu se rendre dans le quartier de Bè, le fief traditionnel de l'opposition au sud de la ville, a constaté l'envoyé spécial de RFI. Le cortège a été bloqué par les forces de sécurité.

« Non à cette élection truquée »

La Commission électorale nationale et indépendante (Céni) a proclamé les résultats de l’élection présidentielle du 24 avril qui placent Faure Gnassingbé, fils du défunt président Gnassingbé Eyadéma et candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT) en tête de la consultation avec 60,22% des suffrages devant le candidat de la coalition de l’opposition Emmanuel Bob Akitani , 38,19% et Harry Olympio, 0,55%.

L’opposition ne reconnaît pas la victoire de Faure Gnassingbé annoncée par la Commission électorale indépendante et appelle à une mobilisation générale pour dire « non à cette élection truquée », disent quelques responsables de partis politiques encore joignables par téléphone à Lomé. En effet, la plupart des réseaux de téléphones portables sont inaccessibles et les postes fixes sont difficilement joignables.

De nombreux opposants ont traversé la frontière ghanéenne qui jouxte la ville de Lomé et lancent des appels à la résistance. De la frontière ghanéenne, Isidore Latzoo, le leader du Comité togolais de résistance, appelle à la formation d’un gouvernement de salut public que dirigera le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, Emmanuel Bob Akitani. Ce dernier qui n’a encore fait aucune déclaration et serait placé « en lieu sûr ».

« Il faudra nous passer sur le corps pour aller à la présidence », crient certains manifestants décidés à faire échec à la proclamation de la victoire de Faure Gnassingbé, tant il vrai que ce scrutin, pour de nombreux Togolais, était l’occasion de tourner la page Eyadéma. Beaucoup de rancœurs ont été accumulées pendant près de quarante ans de régime totalitaire et une parie de la population n’accepte pas que le fils prenne la relève du père et installe au Togo une dynastie régnante.  


par Didier  Samson

Article publié le 26/04/2005 Dernière mise à jour le 27/04/2005 à 16:00 TU