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Terrorisme

La France ne peut pas «intervenir» dans l’affaire Moussaoui

Zacarias Moussaoui risque la peine de mort.( Photo : AFP)
Zacarias Moussaoui risque la peine de mort.
( Photo : AFP)
Après avoir plaidé coupable, Zacarias Moussaoui risque la peine de mort aux Etats-Unis dans l’enquête sur les attentats du 11-Septembre. L’avocat du Français accuse Paris de ne pas avoir agi pour lui épargner la peine capitale. Le gouvernement français répond qu’il a fait son possible.

La France peut-elle agir pour sauver la tête de Zacarias Moussaoui ? Oui, Paris aurait pu faire quelque chose, assure en substance l’avocat du seul inculpé dans l’enquête sur les attentats du 11-Septembre.

Mercredi, le ministre français de la Justice répondait à l’issue d’une conférence de presse : « Lorsque la France a été amenée à donner à la justice américaine des éléments d’Etat civil sur M. Moussaoui, j’ai obtenu par écrit l’engagement des Etats-Unis de ne pas utiliser ces éléments pour requérir ou faire exécuter la peine de mort ». L’engagement des Etats-Unis ne concerne donc pas les preuves qui pourraient éventuellement être recueillies ailleurs qu’en France ou en Allemagne. En novembre 2002, la France et l’Allemagne avaient accepté de fournir des informations aux Etats-Unis sur Zacarias Moussaoui à condition que ces informations ne soient pas utilisées «ni directement, ni indirectement», pour requérir la peine de mort.

A plusieurs reprises, déclare Dominique Perben, le ministre français de la Justice, la France a rappelé aux Etats-Unis son opposition à la peine de mort. Du côté du ministère français des Affaires étrangères, une représentante ajoutait que la France ne peut «intervenir ni interférer» dans le procès de Zacarias Moussaoui. Impossible d’intervenir dans le déroulement d’une procédure judiciaire, «pas plus à l’étranger qu’en France».

Des documents contre un engagement

«Je suis scandalisé de l’attitude du gouvernement français», déclare François Roux, l’avocat français de Zacarias Moussaoui. «Il faut savoir que nous avons un traité d’entraide judiciaire (signé en 1998 et ratifié le 1er décembre 2001) en matière pénale, entre la France et les Etats-Unis. L’article 6b dit que la France peut refuser l’entraide judiciaire si l’exécution de la demande porte atteinte à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels. En vertu de cet accord, les Etats-Unis ont demandé un certain nombre de documents plus une enquête en France. En vertu de ce traité, vous pouvez conditionner cette aide par rapport à la peine de mort. La France avait la possibilité juridique de dire oui aux documents contre un engagement de ne pas recourir à la peine de mort. Perben (le ministre français de la Justice) dit autre chose.

«On n’a pas demandé pour Moussaoui ce qu’on avait demandé pour Einhorn, citoyen américain (soupçonné d’avoir tué sa compagne), qui a été renvoyé aux Etats-Unis après avoir obtenu l’assurance que les Etats-Unis s’engageaient à ne pas demander la peine de mort contre lui», rétorque François Roux, l’avocat du Français détenu aux Etats-Unis. En plus, concernant ce dernier, «on a laissé un procureur américain recueillir des témoignages en France sans que les témoins sachent qu’il s’agissait d’un procureur et pas d’un juge». Les deux cas ne sont pas identiques : Einhorn vivait en France, où la peine capitale n’existe plus. Il ne pouvait être extradé dans un pays, fût-il le sien, s’il encourait cette peine. La France et la justice de Pennsylvanie avait donc signé un accord permettant l’extradition d’Ira Einhorn. Reconnu coupable de meurtre, il a été condamné à la prison à vie. Moussaoui, lui, vient d’un pays – la France – où la peine capitale a été abolie et est jugé dans un pays où elle est encore en vigueur.

Concernant cette affaire Moussaoui, le gouvernement américain a fait savoir, par la voix de l’Attorney general Alberto Gonzales, qu’il souhaite que la peine de mort soit appliquée au Français. Incarcéré depuis plusieurs années aux Etats-Unis pour violation des lois sur l’immigration, Zacarias Moussaoui a déconcerté ses avocats en plaidant coupable, ce qui permet donc à la justice américaine de requérir la peine capitale.

Constituer un jury populaire

La première phase du procès Moussaoui, vendredi dernier, a duré une heure au lieu de se dérouler sur plusieurs semaines. C’était la phase de culpabilité. Comme le Français avait annoncé qu’il plaiderait coupable, cette phase de culpabilité a été on ne peut plus courte. Et il n’y avait pas de jury. Maintenant que la phase de culpabilité est terminée, va s’ouvrir la phase de la sentence. Sa préparation va prendre des semaines. Si les deux parties, l’accusation et la défense se mettent d’accord pour qu’il n’y ait pas de jury, il n’y en aura pas. Mais il serait étonnant que la justice américaine soit pour cette solution, indique l’avocat français de Moussaoui. Et aux Etats-Unis, constituer un jury populaire prend des semaines, «c’est beaucoup plus compliqué que chez nous», explique François Roux.

L’affaire Moussaoui est une affaire fédérale. Ce n’est certainement pas par hasard que le gouvernement américain a choisi de la présenter devant un tribunal de Virginie, «cet Etat est le plus sévère (des Etats-Unis) avant même celui du Texas», indique François Roux.

Lundi, après ce qui venait de se passer en Virginie, la mère de Zacarias Moussaoui affirmait ne pas comprendre pourquoi son fils avait plaidé coupable devant la justice américaine pour complicité dans les attentats du 11 septembre 2001. «On fait de mon fils un bouc émissaire», a-t-elle déclaré. «Je ne vois pas d’issue si la France ne bouge pas, elle a son mot à dire même si son enquête n’a rien donné et qu’elle a préféré la confier aux Américains».


par Colette  Thomas

Article publié le 28/04/2005 Dernière mise à jour le 28/04/2005 à 17:23 TU