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Guinée-Bissau

Kumba Yala et «Nino» Vieira présidentiables

Carte de Guinée-BissauDR
Carte de Guinée-Bissau
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Le 10 mai, la Cour suprême a validé les candidatures à la magistrature suprême des deux présidents déchus, Kumba Yala (2000-2003) et Joao Bernardo Vieira (1980-1999). En vertu de chartes de transition concoctées sur mesure, les deux concurrents avaient pourtant dû renoncer à toute activité politique, jusqu’en 2008 et 2009, respectivement. Au final, la Cour suprême a retenu 21 candidatures et rejeté 7 dossiers. Elle ne donne pas d’explications juridiques à ce tri éminemment politique. La transition ouverte en septembre 2003 aurait déjà dû s’achever sur des élections, le 8 mai. Ces dernières semaines, des interventions bilatérale, panafricaine ou internationale se sont multipliées à Bissau pour que la transition ne joue pas les prolongations, au-delà de l’investiture du président qui sortira des urnes le 19 juin.

Avant de repartir au Portugal, muni d’un passeport diplomatique mozambicain offert par l’ancien président Chissano (médiateur en Guinée-Bissau), Joao Bernardo Vieira, «Nino» Vieira, avait fait son retour dans l’arène politique nationale, le 7 avril dernier. Le «vieux» chef s’était alors employé à effacer le souvenir peu glorieux de son exfiltration au Portugal, six ans plus tôt. Il a en quelque sorte lancé sa campagne présidentielle ce jour-là, dans les vrombissements de l’hélicoptère militaire bissau-guinéen posé dans un stade de la capitale, sous les acclamations de milliers de sympathisants. Ce test de popularité n’a toutefois pas rendu à «Nino» les certitudes acquises pendant ses quelque deux décennies de pouvoir. Celles-ci se sont largement noyées dans la sanglante mutinerie de 1998.

Depuis sa déposition en mai 1999, «Nino» Vieira n’a jamais retrouvé la confiance pleine et entière de l’ancien parti unique, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC). Cette fois, le PAIGC a d’ailleurs choisi d’investir Malam Bacai Sanha. Ce dernier avait provisoirement succédé à Vieira pendant la transition consécutive à son départ forcé. Le 19 juin prochain, Malam Bacai Sanha sera le candidat du parti historique d’Amilcar Cabral. «Nino» Vieira sera en lice lui-aussi, comme candidat «indépendant», c’est-à-dire sous sa propre étiquette. La mise en concurrence de Sanha et de Vieira fait des remous au sein du PAIGC. Mais c’est sans doute en comptant sur les bonnes dispositions de Vieira à tenir ses partisans plutôt qu’à les ameuter que les conseillers et les médiateurs, venus au chevet de la Guinée-Bissau pour en concilier les extrêmes, ont entériné le verdict de la Cour suprême qui remet également en selle Kumba Yala.

Victime d’un coup d’Etat militaire, Kumba Yala paraît toutefois pouvoir tabler sur la majorité balante (40 % de la population et une proportion écrasante des militaires). Son Parti de la rénovation (PRS) l’a réinvesti sans hésiter le 26 mars dernier. Les autres nominés de la Cour suprême se situent assez loin du trio Yala-Vieira-Sanha dans les pronostics des connaisseurs. Parmi les rejetés de la Cour suprême, une exclusion fait tache : celle de Francisco Fadul. Candidat du Parti uni social-démocrate (PUSD), Fadul était pourtant Premier ministre pendant la transition de Sanha (1999-2000). Certains évoquent le handicap de racines syro-libanaises.

L'armée promet de rester dans les casernes

Pour sa part, le président de la transition imposée en septembre 2003 par la junte militaire, Henrique Rosa ne figurait pas sur la liste des candidatures soumises à la Cour suprême. Il avait promis de quitter le fauteuil présidentiel à l’issue de la transition. Le 18 mars dernier, une annexe à la Charte de transition adoptée en même temps indiquait qu’il devrait rester encore un peu en poste, «de 40 à 60 jours, pour éviter un vide constitutionnel au sommet de l'Etat à la fin de la période de transition le 8 mai», le temps que les Bissau-Guinéens choisissent un nouveau président, le 19 juin. Mais Henrique Rosa a déjà trouvé un fauteuil de substitution. Le 10 mai, l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG, qui rassemble la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry et le Sénégal) l’a élu président en exercice de l’organisation sous-régionale. Il succède pour deux ans au président guinéen Lansana Conté.

Pour le représentant de Francisco Fadul, candidat invalidé, la Cour suprême a tout bonnement rejeté «les faibles, ceux qui ne sont pas liés à l'armée» ou qui n’ont pas de gros bras à leur service. La semaine dernière en tout cas, l’état-major de l’armée avait jugé utile de produire un communiqué officiel pour assurer qu’il «n'existe aucune crise militaire en Guinée-Bissau» et que «les militaires sont et resteront dans leurs casernes où ils rempliront leur mission de sauvegarde de l'intégrité territoriale contre toute intervention visant le pays et son peuple». Dans l’immédiat c’est surtout la menace de nouveaux troubles civils qui préoccupe les citoyens bissau-guinéens. C’était aussi le souci de l’envoyé spécial de l’Onu, l’ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano. Mardi, il affirmait qu’il avait reçu l’engagement de «l’armée» qu’elle ne troublerait pas la présidentielle et respecterait «strictement la légalité et l'Etat de droit dans le pays». Le soir même, la Cour suprême publiait la liste tant attendue depuis le 29 avril. Pour expliquer ce retard, le vice-président de la Cour avait invoqué la question des candidatures Yala et Vieira.

Avant de quitter Bissau, Joaquim Chissano a fait appel au sens de la responsabilité de chacun pour que la décision de la Cour suprême soit «calmement accueilli par tous». D’après lui, l’armée interviendra seulement «en cas de nécessité et à la demande des autorités compétentes, pour appuyer les forces de police dans le maintien de l'ordre public». Mais Joaquim Chissano veut croire que «les Bissau-Guinéens peuvent, ensemble, avec détermination et patriotisme, organiser des élections avec succès». Pour sa part, le président du Sénégal voisin, Abdoulaye Wade, assure que «l'armée veut que tout le monde puisse se présenter». Tout le monde, c’est-à-dire en particulier Kumba Yala, «Nino» Vieira, mais aussi Malam Bacai Sanha.


par Monique  Mas

Article publié le 11/05/2005 Dernière mise à jour le 11/05/2005 à 17:32 TU