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Guinée-Bissau

Le général Seabra tué pour des arriérés de solde

Le général Verissimo Correia Seabra est mort assassiné. 

		(Photo : AFP)
Le général Verissimo Correia Seabra est mort assassiné.
(Photo : AFP)
Le numéro deux du régime de transition, le général Verissimo Correia Seabra, chef d’état-major de l’armée de terre, mais aussi le chef des services d'information de l'armée bissau-guinéenne ont été tués le 6 octobre par des mutins qui réclamaient le paiement d’arriérés de solde. C’est sur ce même motif que le défunt général Seabra avait déposé le président Kumba Yala, au petit matin du 14 septembre 2003. Il avait ensuite assuré lui-même la présidence «par intérim» de la Guinée-Bissau, à la tête d’une junte militaire avant de passer la main quelques jours plus tard à une transition civile présidée par Henrique Rosa. Après des législatives en mars dernier, la Guinée-Bissau doit retourner aux urnes au premier semestre 2005, pour une présidentielle. Le chef de la junte militaire n’est plus dans la course.

Le 6 octobre à l’aube, des bruits de bottes avaient réveillé Bissau. Ils se sont tus dans l’après-midi et le 7 octobre, les mutins s’étaient effacés de la capitale. Rien ne filtrait du contenu de leur rencontre, dans la nuit de mercredi à jeudi, avec le ministre des Affaires étrangères Soares Sambu et le représentant spécial en Guinée-Bissau du secrétaire général de l'ONU, João Bernardo Oniwana. Mais, dans un communiqué publié hier soir, ces derniers ont fait savoir que «des négociations» se poursuivaient avec les auteurs du coup de force, invités à regagner leurs casernes sur un ton plutôt comminatoire. «Les militaires surpris en train de circuler en dehors des casernes en tenue militaire sont responsables de leurs actes», souligne en effet le communiqué. Visiblement, les mutins ont obtempéré. Depuis mercredi après-midi, ils ont progressivement disparu des rues de Bissau.

Selon le Premier ministre bissau-guinéen, Carlos Gomes Junior, les mutins proviennent du contingent de 650 hommes affectés dans la force de maintien de la paix de l’Onu au Libéria. De retour au pays il y a quelques mois, ils se sont plaint de ne pas avoir reçu quatre mois de solde sur les neuf qu’ils ont passé dans la mission onusienne. Mercredi, accusant le général Correia d’avoir empoché l’argent, des kyrielles de soldats ont déployé toute une artillerie à l’aéroport et autour de la radio nationale, occupant le quartier général de l’armée, le ministère de la Défense et une caserne du centre ville, prenant position aux principaux carrefours de Bissau et sillonnant les rues à bord de camions équipés de mitrailleuses. Jeudi, ils ont à leur tour publié un communiqué dans lequel outre ces arriérés de salaires, ils réclament le versement de pensions aux familles des soldats tués sous le casque bleu ainsi que l'amélioration des conditions de vie dans les casernes. En même temps, ils dénoncent une corruption généralisée dans la haute hiérarchie militaire et un clientélisme au niveau subalterne.

La main de «certains responsables politiques»

La grogne militaire ne surprend pas les observateurs au courant de ces revendications énoncées depuis des mois. Et cela dans un pays marqué par des insurrections militaires à répétition, sans mobiles à proprement parler politique, mais lourdement motivées par l’espoir d’améliorer l’ordinaire. Pour sa part, le Premier ministre Gomes réfute les accusations de détournement énoncées par les soldats. Il voit en outre la main de «certains responsables politiques» derrière ces événements dans lesquels le chef du service de renseignement de l’armée et surtout le numéro deux du régime de transition, le général Correia, ont trouvé la mort.

A 53 ans, comme tous les militaires bissau-guinéens de sa génération, le général Correia était un vétéran de la guerre d’indépendance emportée en 1974 par feu Amilcar Cabral dont il avait contribué à débarquer le frère en novembre 1980. Après la mort, en décembre 2000 du général Ansumane Mané, qui avait renversé le président Vieira en mai 1999 et pris le sentier de la guerre contre son successeur élu, Kumba Yala, la disparition du tombeur de ce dernier, le général Correia, laisse un vide à la tête de la junte militaire que les deux hommes se disputaient. Correia fut en effet aussi le numéro deux de la junte militaire conduite en 1999 par son alter ego Ansumane Mané contre le président Joao Bernardo Vieira, renversé après onze ans de pouvoir et l’entrée de la Guinée-Bissau dans la zone franc CFA. A l’époque, l’abandon du peso national avait aussi marqué l’ouverture du pays à la compétition régionale.

Le duo Mané-Correia s’est transformé en duel en novembre 2000, lorsque le général Mané a tenté un coup de force contre Kumba Yala et s'est autoproclamé chef d'état-major général des armées, à la place de son pair Correia. Mané exécuté par des soldats «loyalistes», Correia a terminé le «travail» en septembre 2003, renonçant à se maintenir à la tête d’un régime purement militaire sous la pression régionale et internationale. Vigilante, l’ancienne puissance tutélaire a très rapidement réagi aux événements de mercredi, le président portugais Sampaio dénonçant «l'évidence un coup d'Etat» et une «violation de la légalité d'un régime qui s'acheminait vers des élections régulières et qui faisait de grands efforts pour rétablir des critères démocratiques».

Déplorant elle aussi les deux morts annoncées depuis Lisbonne, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) souligne également que «les différends doivent être réglés au sein des instances appropriées» et promet sa «totale disponibilité pour tout faire dans le cadre de ses compétences afin de trouver une solution durable aux problèmes qui touchent cet Etat membre». De leur côté, le Conseil de sécurité et la Communauté économique des Etats d'Afrique occidentale (Cédeao) s’apprêtaient jeudi à dépêcher des envoyés aux négociations pour tenter de refermer le couvercle du chaudron militaire bissau-guinéen.



par Monique  Mas

Article publié le 07/10/2004 Dernière mise à jour le 07/10/2004 à 14:53 TU