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Guinée-Bissau

La junte impose son choix

La junte a annoncé mardi que le tombeur de Kumba Yala, le général Verissimo Correia Seabra va céder le fauteuil de président par intérim à un civil qui a dirigé la Commission électorale nationale en 1994, Henrique Rosa. La nomination de cet homme d’affaires respecté n’a guère soulevé d’opposition dans la classe politique. Celle-ci avait en revanche fermement repoussé la désignation comme Premier ministre du secrétaire général du parti du président déchu, Antonio Artur Sanha. Le chef du gouvernement de transition était en effet déjà officiellement pressenti par les putschistes à la fin de la semaine dernière. Ils ont tranché en faveur de leur choix initial.
«Dans le but de favoriser la cohésion nationale, le comité militaire a décidé de nommer Antonio Artur Sanha comme Premier ministre et Henrique Rosa comme président», explique le porte-parole de la junte. Celle-ci avait elle-même avancé ces deux noms dimanche, à l’occasion des «consultations» avec les partis politiques, la société civile, les autorités religieuses et les chefs coutumiers. La personne du nouveau chef de l’Etat par intérim n’avait alors soulevé que la seule opposition d’un petit parti, la Résistance de Guinée-Bissau (RGB). A 48 ans, Henrique Rosa bénéficie d’une aura d’entrepreneur suffisamment neutre et modéré en politique pour s’être vu confier la direction de la Commission électorale indépendante en 1994 et même les fonctions de consul honoraire de Belgique en Guinée Bissau. Son absence d’étiquette est un atout maître. L’obédience politique du futur Premier ministre provoque en revanche de forts grincements de dents.

Antonio Artur Sanha contesté

Juriste de formation, Antonio Artur Sanha est à 38 ans le secrétaire général du Parti de la rénovation sociale (PRS), la formation politique de l’ancien président Kumba Yala. Ce dernier lui avait retiré son portefeuille de l’Intérieur en 2001 et Antonio Artur Sanha n’avait depuis lors cessé de contester plus ou moins ouvertement les décisions de son ancien chef de file. Son avènement rassure les partisans et les dignitaires du PRS qui ont applaudi le choix de la junte aux côtés d’une «plate-forme unie» rassemblant quatre petits partis. Toutefois, il n’est pas un parapluie collectif si l’on en juge par la convocation, mercredi 24 septembre de l’ancien Premier ministre de Kumba Yala, Mario Pires, et de son ancien ministre de la Communication Isidoro Alfonso Rodrigues, tous deux interrogés sur des fonds de campagnes électorales du parti de Kumba Yala, soupçonné d’avoir puisé dans les recettes douanières. Une manière peut-être de répondre aux objections à la nomination d’Antonio Artur Sanha soulevées par 15 des 17 partis concurrents du PRS.

Certains se sont étonnés de voir la junte invoquer la gestion du PRS pour justifier son intervention avant de ramener l’un de ses éléments dans les affaires de l’Etat. D’autres lui ont rappelé sa promesse de choisir des personnalités indépendantes de toutes colorations partisanes. Une sombre affaire de meurtre (celui d’une présumée maîtresse), dans laquelle le nouveau Premier ministre avait été blanchi, a même été sortie des oubliettes. Le «comité militaire» a tranché : Antonio Artur Sanha sera le chef du gouvernement de transition chargé de conduire le pays aux élections, «quand les conditions seront réunies». Dans l’immédiat, il reste à former le cabinet mais aussi le «Conseil national» de la transition qui doit tenir lieu d’Assemblée nationale, celle-ci ayant été dissoute en novembre dernier.

Politiques et militaires doivent encore débattre du calendrier fixant les échéances électorales et le retour à un ordre constitutionnel (Kumba Yala n’avait jamais promulgué la loi fondamentale concoctée à l’issue du conflit de 1998-1999). Pour ce faire, une commission ad hoc a été confiée à l’archevêque de l’église catholique de Guinée Bissau. Les premières «consultations» sur ce point épineux évoquent la perspective de législatives d’ici six mois et de présidentielles, un an plus tard. Et chacun se souvient de la défaite électorale des tenants de la précédente transition, celle qui en 1999 avait succédé aux turbulences politico-militaires qui avaient vu le renversement du prédécesseur de Kumba Yala, Joao Bernardo Vieira. Elles avaient débouché sur la victoire de Kumba Yala aux présidentielle de janvier 2000.

La junte du général Correia Seabra vient de donner visage civil à une nouvelle transition le 23 septembre, une semaine, jour pour jour, après le renversement de Kumba Yala. Ce dernier a démissionné de ses fonctions présidentielles le 17 septembre dernier. Cette décision, recommandée par la médiation ouest-africaine, avait permis en quelque sorte «d’effacer» le coup d’Etat. En échange, la junte s’engageait à installer des autorités civiles. Le chef d’état-major auto proclamé «président par intérim» le 14 septembre dernier, le général Verissimo Correia Seabra se retire aujourd’hui de sa position à la tête de l’exécutif de la transition. Cela, il l’avait promis. Il ne s’est pas pour autant laissé dicter le choix des occupants des nouvelles institutions.



par Monique  Mas

Article publié le 24/09/2003