Afrique du Sud
Mandela, marque déposée
Nelson Mandela.
(Photo: AFP)
(Photo: AFP)
L’ancien président sud-africain veut sauver sa réputation, entachée par la vente de vrais-faux tableaux.
De notre correspondante à Johannesburg
Nelson Mandela a fait savoir, mardi, qu’il poursuivait son ami et avocat, Ismail Ayob, en justice. Il l’a enjoint à cesser immédiatement la vente de reproductions de peintures portant sa signature et à fournir des comptes détaillés sur les recettes générées par ces ventes. Le premier président noir de l’Afrique du sud demande également l’annulation d’un contrat rédigé en faveur d’Ayob, en 2001, dans lequel il lui aurait cédé, à son insu, tous ses droits de propriété intellectuelle sur l’utilisation de son nom. «Il a agi avec duplicité, me poussant à croire qu’il se conformait à mes demandes tout en ayant un objectif différent et secret. Je souffre et continuerai de souffrir d’un dommage irréparable fait à mon nom et ma réputation, confie Mandela dans la plainte déposée lundi devant la Haute cour de Johannesburg. Je souhaite créer et laisser un héritage de rectitude morale».
Depuis la fin de son mandat de président en 1999, le grand homme s’est dévoué corps et âme à la collecte de dons pour ses diverses fondations, en faveur des enfants, des pauvres et des victimes du sida. C’est dans ce cadre qu’il a accepté, il y a cinq ans, un projet de création artistique présenté par Ayob et son associé, Ross Calder (également attaqué en justice). Mandela a-t-il vraiment dessiné lui-même au fusain, en les rehaussant d’aplats de couleurs éclatantes, sept vues de Robben Island (le phare, une vue de sa cellule, la cour de prison), où il a été détenu pendant vingt-sept ans ? La paternité réelle des œuvres fait couler beaucoup d’encre dans la presse sud-africaine. Quoiqu’il en soit, Mandela reconnaît avoir «collaboré» avec un artiste (qui ne serait autre que la petite-fille de l’ancien président très redouté du régime d’apartheid, PW Botha !) «pour produire un nombre limité de peintures qu’il a signées», comme l’a précisé mardi, son avocat, Me George Bizos. De nombreuses personnalités – dont Bill Clinton et la star de la télévision américaine Oprah Winfrey – ont succombé au charme naïf de ces lithographies, tirées à 500 exemplaires.
Un prix exorbitant
Certaines sont toujours en vente dans des galeries d’art en Afrique du sud et ailleurs. Leur prix est exorbitant (12 800 euros) mais n’est-ce pas pour la bonne cause ? Selon le prospectus, les bénéfices sont, en effet, reversés à des «projets que Nelson Mandela soutient personnellement ». Une autre série d’œuvres signées par le maître et reproduisant les empreintes de ses mains (avec le contour du continent africain qui apparaît par miracle, au creux de sa paume droite), ont également été vendues en son nom.
Mandela a retiré son soutien au projet en 2003
Depuis deux ans, Mandela aurait tenté d’obtenir, sans succès, des éclaircissements sur l’utilisation des fonds récoltés. Ses fondations n’auraient jamais vu la couleur de l’argent. Me Ayob n’a pas réagi lui-même à ces accusations, mais selon son associé, Ross Calder, «entre 70 et 75 % des fonds récoltés ont été reversés au «Trust Mandela», établi au nom de la sa famille, et à diverses organisations charitables, qui ont reçu 1,6 million d’euros». Selon le journal Sunday Times, Calder aurait lui-même empoché au moins 1 million d’euros en trois ans… En octobre 2003, Mandela a, en tout cas, retiré son soutien au projet et n’a plus signé aucune œuvre. Mais les ventes ont continué : Calder et Ayob auraient utilisé une machine très sophistiquée, appelée le «Ghostwriter » (l’écrivain fantôme) pour contrefaire la signature de Mandela. Ils ont mis «une quantité innombrable de copies» sur le marché, selon Bizos. En juin 2004, Mandela s’est finalement décidé à couper les ponts avec son avocat. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de lancer en janvier dernier, à Davos, une exposition basée sur la collaboration entre 39 artistes et Mandela, alors que ce dernier n’a jamais donné son accord à l’opération.
Il a fallu que l’affaire transpire dans la presse, en avril, pour que le vieil homme de 86 ans se décide à aller en justice. L’affaire est d’autant embarrassante qu’elle pourrait tourner à la dispute familiale : deux filles, Makaziwe et Zenani sont administratrices de la société Magnifique, créée par l’avocat pour commercialiser les œuvres d’art. Les indélicatesses de Ayob ne s’arrêteraient pas là : elles concerneraient aussi les droits d’auteur sur des éditions spéciales de l’autobiographie de Mandela (Un long chemin vers la liberté) et la gestion de la Fondation Nelson Mandela, ainsi que de plusieurs trusts ouverts au nom de sa famille.
Nelson Mandela a fait savoir, mardi, qu’il poursuivait son ami et avocat, Ismail Ayob, en justice. Il l’a enjoint à cesser immédiatement la vente de reproductions de peintures portant sa signature et à fournir des comptes détaillés sur les recettes générées par ces ventes. Le premier président noir de l’Afrique du sud demande également l’annulation d’un contrat rédigé en faveur d’Ayob, en 2001, dans lequel il lui aurait cédé, à son insu, tous ses droits de propriété intellectuelle sur l’utilisation de son nom. «Il a agi avec duplicité, me poussant à croire qu’il se conformait à mes demandes tout en ayant un objectif différent et secret. Je souffre et continuerai de souffrir d’un dommage irréparable fait à mon nom et ma réputation, confie Mandela dans la plainte déposée lundi devant la Haute cour de Johannesburg. Je souhaite créer et laisser un héritage de rectitude morale».
Depuis la fin de son mandat de président en 1999, le grand homme s’est dévoué corps et âme à la collecte de dons pour ses diverses fondations, en faveur des enfants, des pauvres et des victimes du sida. C’est dans ce cadre qu’il a accepté, il y a cinq ans, un projet de création artistique présenté par Ayob et son associé, Ross Calder (également attaqué en justice). Mandela a-t-il vraiment dessiné lui-même au fusain, en les rehaussant d’aplats de couleurs éclatantes, sept vues de Robben Island (le phare, une vue de sa cellule, la cour de prison), où il a été détenu pendant vingt-sept ans ? La paternité réelle des œuvres fait couler beaucoup d’encre dans la presse sud-africaine. Quoiqu’il en soit, Mandela reconnaît avoir «collaboré» avec un artiste (qui ne serait autre que la petite-fille de l’ancien président très redouté du régime d’apartheid, PW Botha !) «pour produire un nombre limité de peintures qu’il a signées», comme l’a précisé mardi, son avocat, Me George Bizos. De nombreuses personnalités – dont Bill Clinton et la star de la télévision américaine Oprah Winfrey – ont succombé au charme naïf de ces lithographies, tirées à 500 exemplaires.
Un prix exorbitant
Certaines sont toujours en vente dans des galeries d’art en Afrique du sud et ailleurs. Leur prix est exorbitant (12 800 euros) mais n’est-ce pas pour la bonne cause ? Selon le prospectus, les bénéfices sont, en effet, reversés à des «projets que Nelson Mandela soutient personnellement ». Une autre série d’œuvres signées par le maître et reproduisant les empreintes de ses mains (avec le contour du continent africain qui apparaît par miracle, au creux de sa paume droite), ont également été vendues en son nom.
Mandela a retiré son soutien au projet en 2003
Depuis deux ans, Mandela aurait tenté d’obtenir, sans succès, des éclaircissements sur l’utilisation des fonds récoltés. Ses fondations n’auraient jamais vu la couleur de l’argent. Me Ayob n’a pas réagi lui-même à ces accusations, mais selon son associé, Ross Calder, «entre 70 et 75 % des fonds récoltés ont été reversés au «Trust Mandela», établi au nom de la sa famille, et à diverses organisations charitables, qui ont reçu 1,6 million d’euros». Selon le journal Sunday Times, Calder aurait lui-même empoché au moins 1 million d’euros en trois ans… En octobre 2003, Mandela a, en tout cas, retiré son soutien au projet et n’a plus signé aucune œuvre. Mais les ventes ont continué : Calder et Ayob auraient utilisé une machine très sophistiquée, appelée le «Ghostwriter » (l’écrivain fantôme) pour contrefaire la signature de Mandela. Ils ont mis «une quantité innombrable de copies» sur le marché, selon Bizos. En juin 2004, Mandela s’est finalement décidé à couper les ponts avec son avocat. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de lancer en janvier dernier, à Davos, une exposition basée sur la collaboration entre 39 artistes et Mandela, alors que ce dernier n’a jamais donné son accord à l’opération.
Il a fallu que l’affaire transpire dans la presse, en avril, pour que le vieil homme de 86 ans se décide à aller en justice. L’affaire est d’autant embarrassante qu’elle pourrait tourner à la dispute familiale : deux filles, Makaziwe et Zenani sont administratrices de la société Magnifique, créée par l’avocat pour commercialiser les œuvres d’art. Les indélicatesses de Ayob ne s’arrêteraient pas là : elles concerneraient aussi les droits d’auteur sur des éditions spéciales de l’autobiographie de Mandela (Un long chemin vers la liberté) et la gestion de la Fondation Nelson Mandela, ainsi que de plusieurs trusts ouverts au nom de sa famille.
par Valérie Hirsch
Article publié le 12/05/2005 Dernière mise à jour le 12/05/2005 à 10:14 TU