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Sida

Mandela brise le tabou

Nelson Mandela annonce le décès par le sida de son fils aîné Makegatho Mandela.(Photo : AFP)
Nelson Mandela annonce le décès par le sida de son fils aîné Makegatho Mandela.
(Photo : AFP)
Nelson Mandela a annoncé jeudi que son fils était mort du sida. Une annonce spectaculaire dans un pays toujours très marqué par le tabou qui entoure la maladie et qui compte plus de 5 millions de séropositifs.

De notre correspondante à Johannesburg

Nelson Mandela avait déjà brisé le silence en août 2002 lorsqu’il avait annoncé à un journal sud-africain que trois membres de sa famille, une nièce et deux enfants d’un neveu, étaient morts du sida. Depuis plusieurs jours, les journalistes sud-africains et l’entourage de Mandela confirmaient à demi-mot que Makegatho Mandela, un avocat de 54 ans, avait le sida. La décision de rendre publique l’information après sa mort dans un hôpital de Johannesburg jeudi, revenait à la famille, et le prix Nobel de la paix a tenu à le faire lui-même entouré de membres de sa famille, dont ses deux petits enfants, fils de Makegatho, le plus âgé des quatre enfants du premier mariage de Nelson Mandela avec Evelyn Mase, décédée en 1982.

«Nous vous avons appelé aujourd’hui pour vous annoncer que mon fils est mort du sida», a déclaré un Mandela éprouvé, dans le jardin de sa maison de Johannesburg, lors d’une conférence de presse. «Il faut rendre ce virus public et ne pas le cacher, parce que la seule façon de le considérer comme une maladie normale, comme la tuberculose ou le cancer, est d’en parler et de dire que quelqu’un est mort à cause du sida. Et les gens arrêteront de le voir comme quelque chose d’extraordinaire», a déclaré l’ancien président devant une trentaine de journalistes. Depuis trois ans, Nelson Mandela à travers sa fondation, récolte des fonds dans le monde entier pour la lutte contre le sida, ayant reconnu lui-même qu’il aurait dû faire plus lorsqu’il était président. Il ne s’est pas non plus privé, par le passé, de critiquer ouvertement l’actuel président sud-africain Thabo Mbeki qui avec sa ministre de la santé, traînait des pieds pour lancer un programme national de distributions de médicaments antirétroviraux aux malades. Le plan est maintenant en place mais les ressources humaines font cruellement défaut, ainsi que la volonté politique dans certaines régions du pays. La position de Thabo Mbeki, qui a longtemps nié le lien entre VIH et sida, a été un frein majeur à la lutte contre la maladie et n’a fait qu’accroître le tabou, disent les associations de défense des séropositifs. Le président sud-africain est allé présenté ses condoléances à la famille Mandela le jour de l’annonce officielle, mais n’a pas fait de commentaires à la presse.

Un message politique

Difficile de ne pas voir un message politique supplémentaire à l’encontre de Mbeki, lorsque ce dernier déclarait au Washington Post l’année dernière qu’il ne connaissait personne dans son entourage qui était mort du sida. Les réactions ont été unanimes dans le pays pour saluer le courage de la déclaration de Madiba, surnom donné au héros de la lutte anti-apartheid. «C’est un pas très important» a souligné Mark Heywood de l’association TAC qui lutte pour l’accès aux traitements pour tous. De son côté, Mangosuthu Buthelezi de l’Inkatha Freedom Party, qui a lui-même annoncé l’année dernière, que deux de ses fils étaient morts du sida a déclaré que ce n’était pas «une décision facile mais nécessaire». «Je ne suis pas surpris qu’il ai décidé de le faire, parce qu’il n’est pas seulement le père de ses enfants, mais celui de la nation toute entière. L’autorité morale de son action fera beaucoup pour faire tomber les murs du silence qui entourent cette maladie », a-t-il ajouté. Vingt-cinq millions d’Africains souffrent de la maladie et le tabou reste un des problèmes fondamentaux. Dans la région d’Afrique australe, d’autres pays ont pris des décisions similaires, faisant beaucoup pour la lutte contre le sida. Au Malawi, plusieurs ministres et le président lui-même ont annoncé l’année dernière que des proches étaient morts du sida. La porte-parole du parlement a même officiellement confirmé que 29 députés étaient séropositifs. Le Botswana, petit pays riche en diamants, s’est lancé dans un programme de distribution d’antirétroviraux pour tous et après des débuts difficiles, les résultats commencent nettement à se faire sentir. Les associations sud-africaines espèrent que la déclaration de Mandela accélèrera la politique sud-africaine dans ce domaine. 20 000 personnes reçoivent dorénavant des médicaments antirétroviraux, trois fois plus en ont besoin.


par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 07/01/2005 Dernière mise à jour le 07/01/2005 à 15:18 TU

Audio

Fabienne Pompey

Correspondante de RFI en Afrique du Sud

«En Afrique du Sud, le sida reste une maladie cachée.»

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