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Afrique du Sud

Nouveau départ pour la lutte contre le sida

Une femme atteinte du sida reçoit gratuitement son traitement anti-rétroviral, dans un hôpital de Johannesburg, le 1er avril 2004. 

		(Photo : AFP)
Une femme atteinte du sida reçoit gratuitement son traitement anti-rétroviral, dans un hôpital de Johannesburg, le 1er avril 2004.
(Photo : AFP)
Après des années de négligence, le programme de distribution gratuite des médicaments antisida, annoncé en novembre, a démarré en Afrique du Sud. Le pays compte plus de 5 millions de séropositifs.

De notre correspondante à Johannesburg

Andrie passe la tête dans l’entrebâillement de la porte de Sue Roberts, il a vu les informations la veille et entendu dire que la province de Johannesburg avait commencé à distribuer gratuitement des antirétroviraux. Sue, coordinatrice du service HIV de l’hôpital public Helen Joseph, lui donne un numéro et lui demande de patienter.

«Je sais que je suis séropositif depuis trois ans, mais je n’ai jamais vu un docteur pour ça. Je mange des légumes et je ne bois plus, j’ai aussi arrêté de fumer, mais je me sens faible tout le temps», explique Andrie, 33 ans, qui vit en louant un téléphone public dans le centre de Johannesburg.

«Beaucoup de gens ont le sida autour de moi, mais la plupart ne durent pas, ils boivent de la bière et sont saouls tous les soirs, ils se détruisent encore plus la santé», ajoute Andrie qui se dit«soulagé» de savoir qu’il n’aura pas à payer pour ses antirétroviraux. Après la consultation, Andrie montre sa petite carte bleue, avec un rendez-vous pour début avril, afin de commencer son traitement.

Il est ainsi un des premiers à bénéficier du plan national de lutte contre le sida, annoncé en novembre de l’année dernière mais sans cesse repoussé. Il y a deux semaines, l’association Treatment Action Campaign (TAC) a demandé au ministère de la Santé de tenir ses promesses, sous la menace d’une action en justice. Le ministère a finalement débloqué tout récemment 38 millions d’euros à l’usage des neuf départements régionaux de la Santé. Vingt-sept sites de distribution sont pour l’instant officiellement accrédités par le ministère. La province de Johannesburg («Gauteng») prévoit ainsi de prendre en charge 10 000 patients en un an dans cinq hôpitaux publics.

«Ils auraient dû le faire bien plus tôt!», s’indigne Maria, 35 ans, qui connaît sa séropositivité depuis quatre ans. «Ils font uniquement ça maintenant à cause des élections, je ne serai pas surprise qu’on nous annonce qu’il n’y a pas assez d’argent pour le plan après les résultats», tonne-t-elle dans le couloir de l’hôpital, alors qu’un homme laisse discrètement des tracts de l’ANC sur les chaises alignées dans le couloir.

Maria est, elle aussi, venue ce matin là pour s’inscrire sur la liste d’attente. «Ma meilleure amie est morte en janvier, elle avait le sida. Moi j’ai la chance d’avoir un boulot, je mange bien, je prends des vitamines et je fais du sport. Le tout c’est d’y croire», dit la jeune femme pimpante, une bouteille de boisson énergisante à la main. Mais tous les patients qui font la queue ce matin-là n’ont pas le dynamisme et les moyens de Maria, la plupart sont maigres et ont du mal à marcher.

Le compteur continue à tourner

«Même si le nombre de personnes qu’on va pouvoir aider est insuffisant, ceux qui vont aller mieux pourront en parler aux autres et leur redonner espoir, les gens prennent du poids, vont beaucoup mieux assez rapidement», explique Sue Roberts entre deux visites et des coups de téléphone incessants.

Elizabeth sera un de ces exemples. Elle est déjà inscrite depuis un an sur les registres de l’hôpital mais ne pouvait pas jusque-là payer le traitement. «J’ai reçu un coup de téléphone hier, on m’a dit que je pouvais venir retirer mes médicaments parce qu’ils étaient gratuits maintenant», dit Elizabeth, 46 ans, qui a perdu son travail de femme de ménage lorsque son employeur a appris sa séropositivité. «Je veux retrouver un travail maintenant que je vais aller mieux», dit-elle souriante, son sachet de médicaments à la main.

Jusqu’à présent l’hôpital Helen Joseph ne pouvait accueillir que des patients dont l’employeur ou la famille avait les moyens de prendre en charge le traitement. «C’était très frustrant», reconnaît Sue Roberts. Autour d’elle, les étagères sont vides, le matériel rare, et le personnel visiblement insuffisant. Le budget alloué par le ministère de la Santé comprend aussi la prévention, la nutrition et la formation du personnel.

Le plan annoncé en novembre dernier prévoyait pourtant que 53 000 personnes devaient être sous traitement «en avril 2004». Or, seule la province du Cap Occidental a commencé à fournir des antirétroviraux gratuitement à environ 2 000 personnes, grâce à l’aide d’organisations internationales.

Plus de cinq millions de personnes sont séropositives en Afrique du Sud et le compteur continue à tourner. «C’est trop lent», a critiqué Mark Heywood de TAC, à l’annonce du déblocage des fonds pour les régions, estimant que la province de Johannesburg devrait prendre en charge au moins dix fois plus de patients.



par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 04/04/2004 Dernière mise à jour le 04/04/2004 à 13:33 TU

Réalisation multimédia : Pascale Hamon