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Afrique du Sud

Thabo Mbeki mentionne à peine le sida

Dans son discours annuel au Parlement, le 14 février, Thabo Mbeki n’a consacré qu’une seule phrase au sida. Bien que l’Afrique du Sud soit l’un des pays les plus touchés au monde, son gouvernement refuse de faciliter l’accès aux traitements existants.
De notre correspondante à Johannesbourg

Comme à son habitude, le chef de l’Etat sud-africain, en abordant le chapitre de son discours consacré à la santé, a d’abord parlé de la tuberculose. Une nouvelle fois, il n’a pas reconnu qu’il s’agit de l’une des maladies opportunistes les plus fréquemment liées au sida. Une nouvelle fois, il a commencé par rappeler que la santé en général passait par la nécessité de «lutter contre la pauvreté» et «d’améliorer l’alimentation. Une nouvelle fois, ce rappel à sonné le glas des espoirs des associations de sidéens et de médecins.

Pauvreté et malnutrition, telles sont en effet les deux arguments clés des scientifiques dissidents sur le sida. Ces derniers, auxquels le chef de l’Etat continue de prêter son oreille, affirment que le syndrome de déficience immunitaire en Afrique n’est pas seulement provoquée par le virus HIV, mais aussi par la malnutrition et la pauvreté.
Loin d’annoncer un nouveau train de mesures contre la pandémie, qui frappe 11 % de la population totale, Thabo Mbeki a indiqué que le gouvernement poursuivrait la même politique cette année. C’est-à-dire une action centrée sur la prévention, la recherche d’un vaccin et le traitement des maladies opportunistes liées au sida, mais pas la distribution d’antirétroviraux bon marché, sous forme de produits génériques, dans les hôpitaux publics et les dispensaires.

Alors que Thabo Mbeki prononcait son discours, quelques centaines de militants de l’association Campagne d’action pour les traitements (TAC) s’étaient rassemblés au Cap, à quelques rues du Parlement. Ils ont lancé un ultimatum au président. Une campagne de désobéissance civile sera lancée par TAC à compter du 1er mars, si le gouvernement n’a pas mis en oeuvre, d’ici là, un programme national de traitement.
Pour la première fois, cette semaine, un diplomate occidental a ouvertement critiqué les autorités sur ce dossier. Cameron Hume, l’ambassadeur des Etats-Unis, a dénoncé mardi l’incapacité du ministère de la Santé à dépenser ses propres fonds consacrés à la lutte contre le Sida. Et de remettre en cause l’aide américaine, 1,7 milliard de dollars, prévue en 2004 à cet effet. Soumises à de fortes pressions, y compris de la part de l’ancien président Nelson Mandela, les autorités soufflent depuis l’an dernier le chaud et le froid.

Criminaliser les malades



Des représentants du ministère du Travail ont ainsi négocié, en novembre, un accord révolutionnaire avec les syndicats et le secteur privé, dans le cadre du Conseil économique et social sud-africain (Nedlac). Au dernier moment, le gouvernement a refusé de signer ce document, qui prévoyait la distribution d’antirétroviraux dans les hôpitaux publics du pays. Des «recherches complémentaires» ont été prétextées par les ministères de la Santé et des Finances.

Voilà quatre ans que les associations de malades demandent au gouvernement, en vain, de rendre les trithérapies accessibles aux plus pauvres. Seules environ 25 000 personnes contaminées, selon TAC, peuvent s’offrir les antirétroviraux, certes disponibles en pharmacie, mais au prix fort. Afin de venir à bout des résistances officielles, il a fallu une victoire de TAC en justice, en avril 2002, pour contraindre les autorités à généraliser la distribution de Nevirapine. Bon marché, cet antirétroviral limite les risques de transmission de la mère à l’enfant chez les femmes enceintes.

Sur le front des trithérapies, la victoire de l’Etat sud-africain lors du retentissant procès de Pretoria, en avril 2001, contre des industries pharmaceutiques soucieuses de protéger leurs brevets, n’a servi à rien. Le gouvernement refuse de donner son feu vert à la production locale de génériques, pourtant possible. Manto Tshabalala-Msimang, la ministre de la Santé, estime que ces médicaments sont toujours trop chers. Elle ne manque pas une occasion, par ailleurs, de souligner leur «toxicité» pour les patients.
Alors qu’un changement de cap se fait attendre, le pouvoir s’engage sur la voie de la criminalisation des individus qui n’auraient pas révélé leur séropositivité à leurs partenaires. Un silence équivalent à un viol, et passible des mêmes sanctions pénales, stipule un projet de loi controversé qui pourrait être soumis au Parlement cette année.



par Sabine  Cessou

Article publié le 14/02/2003